mercredi 29 octobre 2014

Anne Rice - Les Chroniques des Vampires (Anne Rice, de 1978 à nos jours)


Aujourd'hui c'est un article un peu spécial que je vous propose, nous en arrivons désormais à la toute fin de ce mois consacré aux vampires et j'ai décidé que la meilleure conclusion possible était de vous parler de l'oeuvre moderne la plus emblématique et travaillée selon moi sur ces créatures, à savoir les fameuses Chroniques des Vampires par l'auteur Américaine touche-à-tout Anne Rice.

Vous connaissez très certainement, si ce n'est de visu, au moins de nom, le film de Neil Jordan sorti en 1994 avec Tom Cruise, Brad Pitt, Kirsten Dunst, Antonio Banderas et Christian Slater : Entretien avec un Vampire ? Si oui, c'est tout naturel, et si non, arrêtez de lire ces lignes et foncez immédiatement le voir ! Véritable chef-d'oeuvre du genre vampirique au cinéma, œuvre aussi fantastique que gothique, inquiétante, d'une tristesse mélancolique à toute épreuve. Eh bien ce n'est ni plus ni moins que l'adaptation (plutôt fidèle) du tout premier roman des Chroniques des Vampires, paru en 1978 sous le même titre que celui du film. A partir de ce premier tome, va naître et grandir durant les trois décennies suivantes une saga comptant aujourd'hui près de 14 volumes, et une galerie impressionnante de personnages, principaux comme secondaires, dont aucun ne vous laissera indifférent. Si tout part effectivement de l'initiative de Louis de Pointe du Lac, sa volonté de raconter en détail sa vie de mortel brisé puis de vampire nostalgique et désireux d'avertir l'espèce humaine du danger qui rode parmi elle, les choses prennent une tournure bien vite toute différente lorsque les autres grands vampires, Lestat de Lioncourt le premier, décident d'en faire autant et d'eux-aussi coucher par écrit leur biographie et le récit de leurs actes, leur transformation, leur éveil à la vie éternelle, les époques qu'ils ont pu traverser, les magnificences du passé qu'ils ont vu disparaître, mais aussi plus simplement leurs efforts continuels d'adaptation au sein d'un monde qui change et changera toujours, alors qu'eux-mêmes sont condamnés à demeurer tels qu'ils sont et tels qu'ils furent pour l'éternité. Des récits tous uniques, tirés de personnalités torturées et plus fragiles qu'on ne le pense, qui tâchent seulement de se faire comprendre et de laisser derrière elles un message au reste du monde, ou juste pour elles-mêmes, une façon de converser sur le passé et d'être entendus et compris, par peu ou par tous. De la Louisiane jusqu'en Égypte, en passant par la Vieille Europe, de Venise jusqu'aux îles des Antilles et des Caraïbes où le vaudou est roi, d'un théâtre sombre et glauque du Paris industrialisé jusqu'aux fastes des buildings de l'Amérique contemporaine, ces vampires d'un autre temps vous transportent au sein de leurs souvenirs, au cœur de leur mystère et du secret de leur immortalité, à travers leurs passions comme leurs peurs les plus profondes. Tout sera abordé, la difficulté de trouver de la nourriture, d'accepter sa nature de monstre et de prédateur, les plaisirs de la vie qui deviennent pour la plupart inaccessibles, l'art, la connaissance, le sexe... le pouvoir.

Car c'est là la grande force d'Anne Rice dans ses romans et à travers ses nombreux personnages, de toujours parvenir à nous entraîner dans un monde et dans une histoire différents les uns des autres, de toujours se renouveler et nous proposer une nouvelle vision des choses, d'événements historiques ou bien fictifs, par les yeux d'un ou plusieurs personnages ayant vécu à la même époque et racontant son propre ressenti sur les agitations du monde autour de lui. Ainsi à de nombreuses reprises les récits se croiseront, bien que les vampires ne se soient jamais concertés avant d'écrire leurs mémoires. Bien souvent certains vont raconter les mêmes événements mais d'un point de vue tout différent du précédent, qui apportera soit un complément d'information soit qui viendra totalement remettre en cause ce que l'on pensait connaître venant d'un précédent récit. Des personnages qui possèdent tous une personnalité unique, travaillée, fouillée, des psychologies étudiées, et dont les rapports avec leurs semblables passent aisément du cordial au conflictuel, mais rarement à l'amical. Mais sachez que tous les tomes de ces chroniques ne sont pas là uniquement pour raconter une vision du passé et la biographie d'un seul vampire ! Certains, dont les second, troisième, quatrième et cinquième tomes, sont là pour raconter l'histoire présente de ces mêmes vampires, les péripéties rencontrées à notre époque par Louis, Marius, Pandora, Armand et bien évidemment Lestat. Et cette histoire suivie continue d'ailleurs avec les derniers tomes en date ! En somme, les récits véritablement biographiques ne constituent qu'à peine la moitié de la saga mais permettent de bien mieux saisir et comprendre les agissements et les motivations des personnages principaux, en se référant à leur passé et à leurs souvenirs en tant que mortels, il y a si longtemps.

Les thèmes sont aussi variés que les personnages eux-mêmes : l'amour, la haine, la tristesse, la nostalgie, la mélancolie, l'avarice, l'orgueil, la jalousie, le plaisir, le sexe, la trahison, la manipulation, les sentiments, l'abandon, la loyauté, l'art, la vengeance, la Mort, le suicide même... tout cela n'est pas forcément joyeux, on est loin des romans tous beaux pour adolescentes en mal d'amour et de sensations fortes, ici on parle de vampires tragiques, de créatures de la nuit condamnées à l'éternité sans repentir, de forces qui nous dépassent et qui nous considèrent comme de la nourriture à volonté plutôt que comme des compagnons, bien que parfois la logique s'inverse. Les Chroniques des Vampires, c'est sombre, parfois glauque, jamais gratuitement horrifique, mais toujours tellement beau.
Comme je l'ai dis plus haut, il y a donc eu un film en 1994 adaptant le premier tome, le fameux Entretien avec un Vampire et son casting de folie, vraie réussite et œuvre culte du cinéma de genre s'il en est. Par soucis d'honnêteté je suis contraint de vous informer de l'existence d'un autre film ''tiré'' des romans de la saga, le très dispensable La Reine des Damnés, réalisé par Michael Rymer et sorti en 2002, adaptation assez libre du troisième roman, sautant carrément le second. Si j'ai du mal à vous en parler c'est que ce film est pratiquement un crachat au visage de la saga littéraire, il conviendra donc à celles et ceux qui souhaiteraient maintenir un niveau décent de qualité dans leurs standings de passer leur chemin. Aux autres... juste : bon courage.

Pourquoi j'ai choisi de vous parler d'Anne Rice à la fin de mon mois spécial, et pas avant, puisqu'elle est si géniale et que sa saga est si importante à mes yeux pour les vampires dans la littérature ? Eh bien tout simplement parce que je la voyais comme la conclusion logique et immanquable de ma présentation. Anne Rice, Les Chroniques des Vampires, c'est à la fois tout ce que j'ai pu vous présenter durant ce mois d'Octobre sur le thème des vampires, mais aussi tellement plus encore que cela. S'il y a un article qui je l'espère vous aura fait réfléchir et donné envie d'en savoir plus et de lire, c'est bien celui-ci entre tous. D'ailleurs, petit instant pub pour finir, sachez que l'ensemble des romans d'Anne Rice, Les Chroniques des Vampires comme Les Nouveaux Contes des Vampires ou La saga des sorcières Mayfair, tout cela a été réédité et continue de l'être chez Pocket en France, dans une magnifique collection de poche au visuel très chic et totalement dans l'esprit de ces récits. La même collection existe aussi en grand format, même visuel et même qualité. Jetez-vous dessus, ce serait dommage de manquer une occasion pareille à ces prix-là !
Niveau cinéma, en guise d'ultime conclusion, sachez qu'à l'heure où j'écris ces lignes les studios Universal ont annoncé le rachat de l'ensemble de la licence des Chroniques des Vampires et comptent bien en faire de nouveaux films au cinéma. Si la question d'un remake de Entretien avec un Vampire n'est pour l'instant pas vraiment abordée, les studios ont indiqué vouloir travailler avec le jeune mais talentueux réalisateur Josh Boone, qui n'a pas peur des gros films bien riches puisqu'il planche sur une nouvelle adaptation du Fléau de Stephen King, auteur qu'il admire, en deux films de plus de trois heures. L'idée avancée jusqu'à présent en guise de test serait de faire un film d'une durée semblable qui rassemblerait les romans 2 et 3 de la saga d'Anne Rice, à savoir Lestat le Vampire et La Reine des Damnées, qui se suivent directement dans le déroulement de l'histoire. Affaire à suivre, avec attention !

Voilà, c'est donc la fin de ce mois spécial sur les vampires pour Halloween 2014, j'espère que ça vous aura plu et que vous aurez appris des choses, voir eu envie d'en découvrir davantage par vous-mêmes, ce qui me ferait très plaisir assurément. Il y en aura toujours pour dire qu'ils auraient souhaité telle ou telle autre œuvre majeure selon eux du vampire dans la culture moderne ou classique, mais pour ma part je suis satisfait de ma sélection et je vous invite comme toujours à aller faire vos propres recherches si vous désirez en savoir plus, explorer des horizons nouveaux que je ne vous aurais pas indiqué, etc. Qu'on aime ou pas, peu importe au fond, tant qu'on fait l'effort de la découverte !

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite un très joyeux et très réussi Halloween 2014, en espérant vous retrouver bientôt et en pleine forme pour de nouveaux articles, retour à la normale !

dimanche 26 octobre 2014

Vampirella Masters Series tome 1 - L 'éveil du Mal (Grant Morrison & Mark Millar - Panini Comics - Octobre 2012)


Vampirella. En voici une qui a fait fantasmer des générations entières de lecteurs, depuis sa création en 1969 par Forrest J. Ackerman et Frank Frazetta. La belle chasseuse de vampires, elle-même vampire mais pas au sens où nous, le commun des mortels, l'entendons habituellement. Issue du peuple-vampire de la planète Drakulon, où le sang remplace l'eau et est source de vie pour les habitants de ce monde (océans, mers, rivières, tout est fait de sang), Vampirella se retrouve sur notre planète dans d'étranges circonstances dont elle ne conserve pratiquement aucun souvenir (pas même de sa vie d'avant ou de son monde d'origine), et entreprend de devenir chasseuse de vampires pour protéger les innocents et assouvir sa soif de sang avec celui des criminels... la plupart du temps. Dotée des mêmes pouvoirs que les vampires classiques mais sans leurs faiblesses, elle dispose d'avantages certains sur ses proies et se révèle une excellente prédatrice, au point de grandement inquiéter les organisations de vampires à travers le monde, qui la voient comme une réelle menace à leur expansion et à leur projet de domination des êtres humains. Car dans cette réalité il faut savoir que les vampires ne sont pas des créatures solitaires et déprimées par leur immortalité, non, ici il s'agit pratiquement de familles criminelles très bien organisées sur le modèle des mafias, touchant un peu à tout et préparant l'avènement d'un monde nouveau, une ère où les humains serviront de bétail aux vampires, qui trôneront en souverains incontestés sous un ciel où ne percera jamais plus le moindre rayon du Soleil. Plutôt Métal comme concept, non ?

L'histoire de ce tome commence lorsque Vampirella réapparaît au grand jour, après une longue période d'absence. On apprend qu'elle aurait été tuée et envoyée en enfer par une ennemie particulièrement puissante, mais que là-bas la belle chasseuse de vampires aurait rencontré Lilith, la mère de tous les vampires, qui lui aurait confié la mission d'exterminer ses enfants pour protéger le monde, avant de la ressusciter. Désormais chargée de cette sainte mission, Vampirella traque les grandes familles de vampires qui tentent de renverser la pègre des grandes villes américaines pour prendre le contrôle de ses réseaux et mener à bien leur sombre projet. Au passage, elle recueillera Dixie Fattoni, fille d'un parrain de la pègre de New York qui a été forcée par son bourreau de tuer son père pour survivre. L'adolescente de 16 ans devient bien vite une acolyte acharnée de Vampirella, ne rêvant que de se venger de l'acte odieux qu'on l'a poussé à commettre, et d'exterminer elle aussi le plus de vampires possible, comme sa sauveuse. Une longue route qui les conduira jusqu'à Rome et à l'organisation connue sous le nom d'Anti-Vatican, une secte religieuse de vampires ayant détourné le message de la Bible et préparant la fin du monde des mortels pour l'arrivée de celui des vampires et autres créatures infernales. Aidées de façon inespérée par la loge des Bonnes Soeurs Écarlates, de redoutables nonnes ayant dévoué leur vie entière à la lutte contre le Mal par tous les moyens possibles, Vampirella et Dixie vont pénétrer au cœur du sanctuaire du Pape Noir pour tenter d'en finir une fois pour toutes avec ses projets apocalyptiques. Ce sera aussi l'occasion pour chacune d'elles d'être confrontée à son passé ainsi qu'à l'avenir : pour l'une, la révélation partielle de ses origines, pour l'autre celle de sa fin imminente et du destin de ses proches. Quel que soit le résultat de cette opération, le monde ne sera jamais plus comme avant...

C'est le tout premier récit de Vampirella que j'ai eu la chance de lire, même si je connaissais le personnage depuis un bout de temps. J'en suis ressorti vraiment fan, surtout que l'écriture à quatre mains de génies tels que Grant Morrison et Mark Millar (fin des années 1990, quand ils s'entendaient encore) vous emporte tout au long du récit sans jamais relâcher la pression ni l'intérêt de l'histoire, les deux auteurs parvenant aussi à combler l'un et l'autre leurs lacunes respectives en travaillant ensembles.
La série des Vampirella Masters Series est celle qui comporte les récits parus entre 1988 et 2008 chez l'éditeur Harris Publication, repris par Dynamite Entertainment en 2010. Composée de 7 tomes en V.O., l'idée était que Panini puisse nous les faire paraître en V.F., mais nous n'avons eu droit qu'au premier tome, L'éveil du Mal, en Octobre 2012. Depuis, plus rien, même pas une annonce. Je suppose donc, connaissant la logique éditoriale de Panini, qu'il faudra nous contenter de ça. Cela dit si ça vous intéresse il y a eu par le passé d'autres histoires de Vampirella parues en français, principalement chez Soleil dans les années 1990, mais aussi un peu chez Semic. Armez-vous de courage et de patience et vous devriez pouvoir trouver ça, moi en tout cas je vais tenter ma chance !
Dans ce tome unique en V.F. nous avons donc le droit à deux arcs des auteurs, celui appelé L'éveil du Mal et sa suite directe, La guerre sainte. Les deux récits se suffisent en eux-mêmes, les auteurs ayant travaillé sur le modèle de récits en trois chapitres, pouvant se rejoindre entre eux au besoin. Pour compléter l'album nous avons aussi droit, et ça il faut reconnaître que c'est une excellente chose de la part de Panini, au numéro spécial des 25 ans de Vampirella intitulé La Reine de Coeur sanglante, récit one-shot passionnant et écrit par Grant Morrison, tandis que Mark Millar de son côté signe le second one-shot Un enfer glacial, petite aventure de Vampirella en Arctique sur les traces d'une secte de vampires s'adonnant aux plaisirs les plus vils. Deux récits de qualité, qui détendent bien après la lecture haletante des précédents, quoique celui de Morrison soit une belle histoire à faire peur comme on les aime pour Halloween.
Quelle est la recette du succès de Vampirella ? De la violence, des répliques cinglantes, de l'humour bien noir et froid, un zeste de cynisme, de l'érotisme et parfois même du sexe, ambiance rock'n'roll à l'ancienne, hardrock et métal réunis autour du culte du vampire dans l'imaginaire collectif. Ça dépote, ça envoie du lourd dans tous les sens et ça ne nous pousse même pas à trop réfléchir pour comprendre, bref du Morrison qui se lâche un peu la bride et qui s'éclate, en compagnie du scénariste probablement le plus violent de la profession dans ses écrits. Pour vous faire une idée de leur coopération sur ce personnage et ces histoires, vous pourrez lire les bonus qui retranscrivent pour vous les conversations entre les deux auteurs, un gros délire ! Véritable icône tant sexuelle que culturelle pour plusieurs générations, phénomène de société à l'âge de la libération des mœurs et du rock, résolument irrespectueux des convenances et totalement débridé, le comic-book Vampirella a sans doute connu ses meilleures heures sous cette période bénie de la fin des années 1990, et je regrette grandement que Panini ne fasse pas l'effort de publier la suite (d'autant plus dommage que pour ce tome on a quand même le droit à un gros ''1'' sur la tranche, en sachant que la suite n'arrivera jamais...). Un petit coup de pouce du lectorat pourrait sans doute aider, alors toutes celles et ceux qui ont aimé, faites-le-leur savoir !

Pourquoi, en conclusion, ai-je choisi de parler de Vampirella durant ce mois spécial ? Tout simplement pour la même raison qui m'a poussé, entre autres, à vous parler de Carmilla. Dans ce monde dicté par les canons masculins, il est à mon avis bien utile de rappeler qu'il existe aussi des femmes fortes dans ce domaine, et Vampirella est sans doute la plus forte et la plus badass que l'on puisse rencontrer. Et en plus elle est écrite admirablement et de façon très féminine par des auteurs masculins, preuve qu'ils en ont compris toute l'essence et qu'ils la respectent. Pouvoir aux filles !

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

jeudi 23 octobre 2014

Le Sang d'Immortalité / Voyage avec les Morts (Barbara Hambly - Mnémos, collection Icares - Mars 2010)


C'est sans doute l'une des meilleures histoires de vampires qu'il m'ait été donné de lire, et je tiens vraiment à vous la faire partager car on trouve très peu de récits de cette qualité et de ce niveau d'excellence (selon moi). Écrite par Barbara Hambly (une femme extrêmement active et intelligente, partageant à l'époque son temps entre sa carrière d'écrivain, de scénariste pour séries littéraires telles Star Wars, Star Trek ou son bébé Darwath, professeur d'Histoire Médiévale en faculté à ses heures et également de karaté, ainsi que modèle. Respect.) en 1988, Le Sang d'Immortalité nous entraîne dans un récit captivant de bout en bout, où se mêlent intrigues romanesques et fantastiques, au diapason de l'horreur dans sa plus pure tradition héritée de l'ère Victorienne. Avec aussi beaucoup de mise en abîme, de réflexion interne sur le récit vampirique en cette fin de siècle et sur toute cette culture folklorique dont il est issu, ainsi qu'une farouche volonté de briser les clichés et les facilités du genre dans lesquels il s'enfonce depuis des décennies. Oubliez les vampires qui brillent, oubliez les amours à l'eau de rose, ici nous entrons dans un univers sombre, cruel, cynique et froid dans lequel les vampires sont de redoutables prédateurs jouant sur leur anonymat parmi nous, au sein de notre société civilisée ; dans lequel la séduction tient un rôle primordial, presque hypnotique, et où chaque parole exprimée peut dissimuler une toute autre vérité. Un monde de charisme, aussi, un monde de manières et de charme, de prestance, d'éducation.

Début du XXème siècle, l'an 1907. James Asher, autrefois ''agent de renseignement sous couverture'' pour le gouvernement britannique, aujourd'hui simple professeur d'ethnologie et linguistique à Oxford et marié à une jeune femme admirable en tous points, découvre en rentrant chez lui un soir une singulière surprise. Toute sa maisonnée est profondément endormie, comme envoûtée, un silence de mort plane sur la demeure et une aura ténébreuse semble émaner de l'atmosphère, inspirant tout en même temps la peur et l'apathie. Dans son bureau, un homme, d'aspect tout à la fois jeune et ancien, très ancien même, des plus distingué et élégant, l'invite à écouter une étrange proposition, qui commence d'emblée par cette révélation :

« Mon nom est Don Simon Xavier Christian Morado de la Cadena-Ysidro, et je suis ce que vous appelez un vampire. »

Délire d'un psychopathe jouant avec sa victime avant de massacrer tous les habitants de la maison au couteau ? Jeune imbécile cherchant à faire peur ? Mauvaise blague ? Ou bien n'est-ce, comme Asher craint de le ressentir, que la stricte vérité dévoilée sans aucun artifice ? Celui qui se fait ainsi appeler Ysidro dit tenir en son pouvoir tous les proches d'Asher, sous son emprise mentale, et être disposé à les relâcher s'il consent à lui rendre un service, un service que seul un homme possédant ses compétences et ses connaissances, un esprit ouvert par ses années d'espionnage et de recherches folkloriques dans toute l'Europe, puisse appréhender sans détaler en hurlant de terreur. La communauté des vampires de Londres, relativement ancienne et très bien implantée dans la cité, dans le plus grand secret cela va de soit, est en émoi depuis quelques temps après la découverte de plusieurs corps carbonisés dans leurs cercueils. La conclusion première : quelqu'un entreprend de tuer les vampires un par un en découvrant leurs cachettes et en les exposant à la lumière du soleil, sans aucun moyen de se défendre ou de se protéger. Ysidro se tourne vers Asher, contre l'avis de ses semblables, pour lui demander de mener l'enquête sur ces meurtres et de retrouver l'assassin avant qu'il ne frappe à nouveau, ou du moins avant qu'il ne commence à faire des dégâts trop importants. Pourquoi lui ? Pourquoi pas un vampire pour exercer cette vengeance ?
Eh bien parce que ce mystérieux tueur, qui sait exactement où chercher et comment atteindre ses victimes, exerce ses méfaits de jour, lorsque les vampires sont plongés dans leur sombre sommeil au sein de leurs antres, attendant la nuit prochaine pour revenir à la vie et se nourrir. Et donc, il faut un mortel pour pouvoir traquer ce tueur durant la journée, mais aussi et surtout pour veiller à ce qu'aucune autre cachette de vampire ne soit violée durant ce laps de temps. Ysidro remet entre les mains d'Asher le destin et la survie de son espèce à Londres, lui révélant coup sur coup que les vampires existent bel et bien, se nourrissent chaque nuit du sang et de la mort de dizaines d'innocents, et que cela dure dans le plus grand secret depuis bien des siècles. Chacun est à lui seul responsable de plusieurs milliers de décès, de disparitions et d'horribles assassinats à travers l'Histoire. Ce sont des monstres, de vrais monstres, des prédateurs, soudainement menacés par quelque chose qu'ils ne comprennent pas et qui les effraie. Bien entendu, Asher songe tout d'abord à laisser ces infernales créatures payer le prix de leurs crimes et brûler toutes au soleil, avec la grâce du tueur, pour libérer le monde de leur présence et du mal qu'ils infligent. Mais le jeu est double : si Asher possède toutes ces informations sur les vampires désormais, remises par l'un des leurs, il est vrai également que les vampires connaissent désormais tout de lui en retour : sa vie, ses foyers, ses proches, sa famille, sa femme. Si Asher fait mine de vouloir s'enfuir, ou de trahir les vampires et de rejoindre la noble quête du tueur diurne, il suffira d'un seul d'entre eux pour détruire toute sa vie en l'espace d'une seule nuit. Ysidro s'en remet ainsi à Asher, semblant se confier à lui, mais ses crocs ne sont jamais loin de sa gorge et n'attendent qu'un seul dérapage pour agir et ôter la vie, à lui comme à toutes les personnes qui l'entourent et qui ignorent tout de cette situation. Ce mortel jeu d'ombres, entre vérité et mensonges, entre dissimulations et tromperies, quelles qu'en soient les conséquences, va changer la vie de James Asher à jamais. Car à présent, il sait ce qui rôde la nuit, dans les ténèbres. Il sait que les légendes sont en parties vraies, qu'un prédateur impitoyable se terre dans le noir et attend sa pitance chaque fois que la Lune se lève. Et aujourd'hui, il sait aussi qu'il devra protéger ces créatures, quitte à y perdre son âme.

Tout est de très haut niveau dans ce roman, qu'il s'agisse des personnages (Ysidro est sans doute le vampire le plus charismatique qui soit, incarnant et déjouant à la fois la plupart des idées reçues et des stéréotypes, et souvent mis en contradiction avec ses pairs plus frustres et brutaux), de l'atmosphère lourde de cette ère d'industrialisation massive en cette veille de Première Guerre Mondiale, des ''décors'' que l'on imagine avec la plus grande aisance tant les descriptions sont à la fois précises et discrètes, du fonctionnement de cette société du début du XXème siècle, de l'extrême précision apportée à certains détails et aux réflexions d'Asher sur son dilemme et sur la vraie nature des vampires, etc. Il s'agit d'un thriller, d'une enquête presque policière dans un contexte fantastique voir horrifique, où rien n'est jamais vraiment ce qu'il paraît et où tout peut basculer d'un instant à l'autre. C'est une histoire qui m'a totalement passionné, par tous ces aspects et bien d'autres encore que je vous laisse découvrir si jamais cette lecture vous intéresse. On sent l'influence de la professeur d'Histoire de niveau universitaire, de la chercheuse autant que de la romancière, qui se demande comment fonctionnent et évoluent ces créatures irréelles qu'elle met en scène, qui lève le voile sur les mystères dans l'ombre de ces êtres maléfiques et nous apprend, en même temps qu'Asher, à mieux les connaître, ou à les craindre davantage. On découvrira que les vrais monstres ne sont pas forcément ceux que l'on croit, ou pas totalement, et que rien n'est tout blanc ou tout noir.

Pour en revenir spécifiquement aux personnages, qui sont la plus grande force de cette histoire, ils sont développés dans le digne héritage de l'auteur Anne Rice et de ses célèbres chroniques, dont je vous parlerai bientôt. Tous sont uniques, ont leur propre caractère et leur propre fonctionnement, tous jouent à différents niveaux au même jeu mortel du chat et de la souris avec Asher ou entre eux ; ils sont tous extrêmement complexes et étudiés, en somme, et tous criants de naturel. Mention spéciale aux personnages féminins, et pas forcément les vampires, puisque Lydia la femme de James Asher aura également un grand rôle à jouer au sein de ces deux histoires. Femmes fortes, indépendantes, intelligentes, douces comme terrifiantes, elles représentent à elles-seules toute la complexité de ces récits et de leur écriture, des multiples intrigues qui se croisent et s'entrecroisent sans cesse. Ce n'est pas forcément un hasard si l'auteur a choisi de donner à son vampire principal, Don Ysidro, des traits de caractère et de comportement que l'on pourrait fort bien attribuer à l'esprit féminin dans tout son génie critique.

Qu'ai-je écris, au juste ? Plusieurs histoires ? Eh oui, car dans cette édition (parue chez Mnémos dans leur collection ''Icares'' en Mars 2010) se trouve aussi le roman faisant suite au Sang d'Immortalité, intitulé Voyage avec les Morts et développant de nouvelles relations entre les mêmes personnages, Asher, Lydia, Ysidro et d'autres vampires Londoniens, dans un contexte encore plus sombre et tortueux que précédemment et en approfondissant encore davantage toutes les qualités et voies de réflexions du premier. Un diptyque excellent, complet et fort sympathique au demeurant, qui se lit assez facilement malgré sa complexité et qui a le mérite, en plus de bien d'autres, de poser au lecteur des questions d'ordre éthique et intellectuel sur la littérature vampiriques et ses personnages, ses clichés et ses mauvaises habitudes. A la place d'Asher, par exemple, qu'auriez-vous fait ?
C'est donc un récit de très grande qualité, toujours selon mon avis bien entendu, que j'ai vraiment adoré et que je recommande chaudement, c'est peut-être même mon gros coup de cœur parmi ces 9 articles que je vous livre ce mois-ci sur les vampires. Enfin, l'un de mes plus gros en tout cas, car le meilleur reste encore à venir.

« Take my hand, the best is yet to come. »

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une excellente lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

lundi 20 octobre 2014

Van Helsing (Stephen Sommers - Universal Pictures - 2004)


1887, Transylvanie. Le Comte Dracula, un vampire terrorisant la région depuis de nombreux siècles, assassine le Dr. Victor Frankenstein dans son laboratoire secret afin de s'emparer du fruit de ses travaux. Malheureusement, le monstre prend la fuite avec la dépouille de son créateur et disparaît dans l'incendie du moulin où il s'était réfugié, provoqué par les villageois apeurés.
Un an plus tard, le Vatican envoie son meilleur élément, le chasseur de monstres connu sous le nom de Van Helsing, enquêter en Transylvanie pour sauver la dernière héritière de la lignée royale des Valerius, Anna, famille que Dracula a juré d'éradiquer. Pendant son périple, Van Helsing va découvrir qu'une partie de son mystérieux passé, dont il ne garde pratiquement aucun souvenir, semble être étroitement liée au Comte. Commence alors une quête d'identité qui conduira Van Helsing à affronter les plus terribles des créatures, des loups-garous aux épouses de Dracula ainsi que ses hordes de sbires infernaux. La course contre la montre est lancée, tandis que le souverain des vampires se prépare à lâcher sur le monde un fléau bien pire encore, avec l'aide de la science interdite de Frankenstein...

Malgré tous mes efforts il se peut que le résumé demeure un peu simplet, car il faut avouer que l'histoire l'est. Cependant ce film possède beaucoup de qualités, dont celle de respecter ses références. Si bien sûr les récits des personnages traités sont grandement modifiés afin de se tenir les uns avec les autres, il n'en reste pas moins que le scénario est agréable pour le connaisseur. Le Dracula interprété par Richard Roxburgh est peut-être l'un des plus proches de l'esprit original, loin des errements des films de la Hammer. L'histoire de Frankenstein et de sa créature, bien que largement condensée, reprend tout de même les points les plus importants. Quant à Van Helsing, il s'agit là bien sûr de la plus grande modification mais au final pour nous offrir un héros charismatique dont on aime suivre les aventures. Les décors sont magnifiques également, dans l'esprit des grandes forteresses gothiques d'antan, mais aussi des villages tarabiscotés que Tim Burton n'aurait pas renié, en bois et assemblés comme on le pouvait. Par ailleurs, je défie quiconque (surtout ceux critiquant le film) de regarder Van Helsing et de ne pas penser à la saga de jeux-vidéos Castlevania, surtout le premier volet de Lords of Shadow sorti en 2010, soit... 6 ans plus tard !
Stephen Sommers est un grand fan de ces films classiques de monstres produits par la Hammer et dont les licences partirent chez Universal par la suite. Son diptyque sur la Momie était déjà un bel hommage au film d'origine, et il n'est donc pas étonnant que son œuvre suivante fasse de même avec la plupart des autres créatures de la nuit. Bien qu'ayant énormément aimé ce film, j'accorde volontiers à la critique qu'il ne s'agit pas d'une œuvre parfaite ni trop réfléchie, mais si on le prend en tant qu'hommage rendu à la culture cinématographique des monstres, c'est une belle pièce. Le meilleur de la Hammer, sans les défauts grotesques, réuni dans un seul long métrage. Et avec une histoire de romance en prime, et une belle qui plus est !
Un dernier mot concernant la musique, signée Alan Silvestri, un grand nom de l'art depuis les années 1980. Des thèmes vraiment prenants, magnifiques, se concentrant sur les atmosphères ressenties et émanant de chaque personnage, avec des passages que l'on reconnaîtra d'emblée pour les avoir déjà entendu et vécu dans les films La Momie. Une sorte de continuité bienvenue entre ces films pour le fan !
Laissez une chance à Van Helsing de vous divertir et de vous faire passer un bon moment, seul ou à plusieurs, lors d'une nuit sombre au clair de la pleine Lune. Mon conseil, faites-vous un marathon en regardant à la suite La Momie, Le Retour de la Momie et Van Helsing.

Pour ceux qui voudraient ensuite prolonger l'expérience, sachez qu'il existe un film d'animation servant de préquelle et se déroulant quelques mois avant le début de celui de Stephen Sommers. Sorti en 2004 à l'occasion de la sortie DVD du vrai film, Van Helsing – Mission à Londres vous présente en fait l'enquête de Van Helsing pour retrouver et capturer le Dr. Jekyll et son alter-ego maléfique, semant la terreur dans les rues de Londres en assassinant sauvagement de jeunes femmes dans un but inavouable... d'une durée de seulement 31 minutes environ, ce serait dommage de passer à côté, d'autant que l'animation est vraiment splendide et d'une fluidité très agréable, me rappelant un peu le travail effectué sur Vampire Hunter D – Bloodlust quatre ans plus tôt, un grand classique du genre que je vous ai déjà présenté et que je continue à vous conseiller.

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !


mercredi 15 octobre 2014

Carmilla (Joseph Sheridan Le Fanu - 1872)



Dracula par-ci, Dracula par-là... le Prince des Vampires accapare les esprits et l'imaginaire depuis sa parution littéraire en 1897, et comment le lui reprocher ? Mais sachez que bien avant lui, il existait déjà de grands récits vampiriques qui ont largement contribué au succès de l'oeuvre de Bram Stoker. Qu'il s'agisse de classiques, de poèmes, de contes folkloriques, voir même de simples nouvelles, comme celle de Joseph Sheridan Le Fanu parue en 1872 dans le recueil In a Glass Darkly (Les Créatures du Miroir) et simplement intitulée par un nom : Carmilla.

Oeuvre gothique s'il en est, en plein boom du mouvement, l'histoire se déroule au début du XIXème siècle, dans un château reculé en Styrie. Laura, fille d'un riche gentilhomme britannique venu s'installer sur ces terres, est une jeune femme douce et candide, curieuse de tout et désireuse d'échapper à l'ennui qui règne au château. Alors, lorsqu'un accident lui permet de rencontrer la jeune et intrigante Carmilla, Laura s'entiche aussitôt d'elle et les deux femmes deviennent amies, presque sœurs. Cependant bien vite une certaine inquiétude gagne : d'étranges phénomènes se produisent dans le voisinage, et Laura elle-même semble victime d'un mal incurable qui la rend peu à peu apathique et sans forces, sans que le moindre remède ne puisse l'aider. Assaillie par les déclarations et les attentions de Carmilla à son chevet, Laura s'éprend de son amie et s'abandonne totalement à elle, sans se douter que le Mal rôde alentours et qu'il est peut-être déjà trop tard pour sauver son âme...

Carmilla est un récit formidable qui repose sur de nombreux thèmes, le vampirisme n'étant que la partie émergée de l'iceberg. On peut aussi voir dans cette histoire un témoignage du ''spleen'' qui touche beaucoup de personnes à cette époque, ce mal de l'ennui que rien ne semble pouvoir éloigner. Mais aussi et surtout, pour ce qui est sans doute l'une des premières fois, le thème de l'homosexualité féminine, traitée presque sans fard et sous le jour de la sensualité, presque de l'hypnose par les sentiments. Un pouvoir que l'on sait aujourd'hui fort attaché au culte des vampires, mais qui à l'époque était encore tout à fait nouveau pour cette littérature naissante. L'ambiance pesante, presque brumeuse, de la narration contribue à plonger le lecteur dans un brouillard où même ses pensées s'égareront, piégées peu à peu par le jeu de séduction du vampire et par la tourmente des sentiments de Laura, tandis que l'horreur s'installe doucement dans votre cœur, jusqu'au dénouement final qui vous glacera les sangs.
Cette nouvelle a été la source d'inspiration de nombreux autres ouvrages, livres comme films voir même jeux-vidéos et jeux de plateau. Pour l'exemple, la célèbre dynastie des Von Carstein dans l'univers de Warhammer est librement inspirée de l'héritage culturel laissé par Carmilla puis son petit frère Dracula bien plus tard.
Oeuvre fondatrice à plus d'un titre donc, de la culture classique et moderne du vampire dans l'imaginaire. Une œuvre qui a pour personnage central une femme, chose peu courante et qu'il convient de signaler. Tout le récit tourne presque exclusivement autour de la féminité et de sa condition, sociale comme sentimentale. Il est assez aisé d'y voir nombre de sous-textes, mais ce dont l'on peut vraiment être sûr c'est que l'auteur, Joseph Sheridan Le Fanu, s'est servi de cette histoire pour présenter les tourments de la femme, interdits pendant bien des années. Frappée de tabou, l'homosexualité féminine a toujours été mal considérée par la société, à l'heure où pourtant de nombreux gentilshommes ouvertement homosexuels n'étaient eux pas particulièrement inquiétés.
Enfin, ce sont là des débats qu'il convient de laisser à des professionnels de la cause, car nous sommes ici avant tout intéressés par le sujet principal de cette nouvelle et par sa dimension méconnue du grand public. Comme je l'ai déjà dit plus haut, Carmilla a été une véritable pierre fondatrice de tout un genre, issue du gothique pour devenir quelque chose de plus grand, de plus renommé encore. Elle fait partie de ces œuvres qui, des décennies plus tôt, préparèrent le terrain culturel populaire à l'arrivée du ''monstre'' Dracula et à son succès total. Sans Carmilla, sans Frankenstein, sans Le Portrait de Dorian Gray, il n'y aurait peut-être jamais eu de Dracula et peut-être jamais d'essor du vampire tel que nous avons pu le connaître durant plus d'un siècle par la suite (certaines scènes, vers la fin du roman de Bram Stoker, vous feront immanquablement penser à celui de Le Fanu). Qu'ils le sachent ou non, qu'ils en soient conscients ou non, de très nombreux auteurs de nouvelles, de romans, d'essais, de films, et même de jeux-vidéos, sont grandement redevables à Sheridan Le Fanu d'avoir écrit Carmilla et d'avoir ainsi démarré un long processus d'inspiration collective, qui porte encore de nos jours ses fruits et continuera de le faire sans doute pendant un long moment, du moins c'est ce que j'espère.

C'est donc avant tout pour cette raison que j'ai choisi de vous présenter cette nouvelle, afin de vous faire comprendre que même si le terrible Comte Dracula règne en maître incontesté sur les vampires de tous temps et de tous âges, il n'est que l'un des derniers-nés de sa génération, débutée quelques trente à quarante ans plus tôt... par des femmes. Voilà qui devrait normalement remettre quelques pendules à l'heure et convaincre certains de rendre à ces personnages féminins le mérite qui leur revient, sans qui aujourd'hui nous n'aurions sans doute pas grand chose à nous mettre sous les canines.

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

samedi 11 octobre 2014

Dracula - La compagnie des monstres (Kurt Busiek et Daryl Gregory - French Eyes - 2012/2013)


Jusqu'à présent, j'ai surtout présenté des œuvres que je considère personnellement comme bonnes, voir excellentes, sur le thème des vampires. Parlons maintenant d'une que l'on pourrait qualifier de décevante, voir mauvaise.
Dracula – La compagnie des monstres, créée et scénarisée par Kurt Busiek et Daryl Gregory, avec au dessin Scott Godlewski et Damian Couceiro, parue chez l'éditeur French Eyes (filiale de Summer Média en France) entre le premier trimestre de l'année 2012 et début 2013.

Pour résumer l'histoire en quelques phrases rapidement : de nos jours, une compagnie véreuse dirigée par Conrad Barrington-Cabot, sur le point d'être dissoute, emploie une partie de ses ressources afin de mener des recherches poussées sur l'existence du Prince de Valachie, Vlad III ''Tepes'', dit Dracula. Souverain sanguinaire et guerrier expérimenté ayant fait naître la peur dans le cœur des Ottomans, c'est surtout l'incroyable nombre de récits et de légendes sur sa nature démoniaque de prince des vampires qui intéresse le directeur de cette compagnie, prêt à tout pour échapper à la justice et fonder son propre empire financier, même à renoncer à son âme. Son plan consiste à retrouver coûte que coûte les restes de Dracula et de procéder à une série d'invocations rituelles antiques afin de le ramener à la vie, pour que le Prince accepte ensuite de faire de lui un vampire des plus puissants. Mais rien ne va se passer comme prévu, et Dracula entend bien ne pas se laisser dicter sa conduite à présent qu'il fait de nouveau partie du monde des mortels et que ses pouvoirs ont été restaurés. Prenant la fuite, il appelle à lui des alliés de poids qui s'apprêtent à semer la terreur, tandis que Conrad entreprend de lever une véritable armée de vampires fraîchement transformés pour combattre le Prince et lui dérober ses pouvoirs. Une guerre couve et le massacre se fait de plus en plus proche à mesure que le temps passe, sans compter qu'une équipe de chasseurs de vampires impitoyables vient de débarquer de Roumanie pour détruire une fois pour toutes le Prince des Vampires et son engeance. Et au milieu de tout cela, un jeune homme, celui à qui Conrad a confié le soin de mener les recherches sur les rituels et sur Dracula, Evan Barrigton-Cabot, qui s'est rapproché involontairement de son sujet d'études et qui fait désormais partie de ses plans, pour le meilleur comme pour le pire.

Petit mot sur l'édition, tout d'abord. En V.O. cette série est parue chez l'éditeur Boom! Studios, ce qui n'est pas forcément un gage de qualité la plupart du temps. En V.F. nous avons eu droit à l'éditeur Summer Média et à sa branche French Eyes, connue notamment pour les comics Dr. Who. J'ignore ce qu'il en est pour cette série, n'en étant pas lecteur, mais pour ce qui est des petites licences malheureusement French Eyes n'est pas connu pour son soin méticuleux du produit fini. Peut-être à cause d'un manque de fonds, d'un budget assez maigre, je n'en sais rien mais toujours est-il qu'ici chacun des trois tomes est mal taillé, mal imprimé, dans le premier les crédits sont absents, et le papier sent assez mauvais. Ce n'est pas une blague, sentez si vous avez l'occasion. Ce ne sont généralement pas des détails qui mettent en confiance, et pourtant il y a tout de même des bons points : la traduction est bonne, tout semble avoir été fait pour coller le plus possible à l'esprit original, les références conservées. Cela dit, ça ne va pas loin même avec ça... de petits efforts ici ou là auraient été appréciables.
Quant à l'histoire elle-même, elle ne vole pas bien haut, malgré la présence de détails assez intéressants sur le personnage historique de Vlad III, même si ça reste relativement anodin. Il y a cependant un travail de recherches à noter concernant les traditions magiques Roumaines médiévales, ainsi qu'un peu d'arcanes. Pas de quoi sauter au plafond cependant, mais ça reste intéressant à lire et à apprendre. Le récit reste assez bas de plafond, beaucoup de facilités dans l'écriture et le déroulement des actions, tout comme dans les profils des personnages. Seul Dracula lui-même s'en sort assez bien à ce niveau, parvenant à conserver une aura mystérieuse et inquiétante telle qu'on est en droit de l'attendre pour ce protagoniste. Le reste n'est pas forcément à jeter mais là encore le manque d'efforts se fait ressentir cruellement, et le dénouement nous laisse totalement sur notre faim avec le sentiment de ne pas en avoir lu assez, ou au contraire d'en avoir lu bien trop.
Pour finir avec le dessin cette fois, il s'agit d'un style assez basique, voir parfois plutôt désagréable à regarder il faut l'avouer, c'est loin d'être dans la moyenne de ce qui se fait de bon dans le milieu. On appréciera cependant là aussi quelques efforts apportés pour créer des ambiances bien particulières suivant les scènes et les actions.

Au final, même si la lecture reste intéressante, on se retrouve avec un récit décevant et qui ne fera pas date, loin d'être original qui plus est. Quant au personnage de Dracula, il s'agit d'une interprétation séduisante du mythe comme de la personne mais là encore mal traité et ne parvenant pas à suivre les enjeux attendus, bien que la dimension biblique apportée vers la fin soit des plus alléchantes. Peut-être qu'une suite, ou du moins un quatrième tome, n'aurait pas été de trop.

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !


mercredi 8 octobre 2014

Vampire Chronicles - La légende du Roi Déchu (Kyo Shirodaira et Yuri Kimura - Ki-oon - 2009/2010)


On ne va pas se mentir, les vampires dans le monde du manga il y en a des tas et des tas, très -trop- souvent ridicules. Les récits de bit-lit pullulent dans cette branche de la bd plus que n'importe où ailleurs, à faire pâlir de jalousie les ''romanciers'' du genre. Pourtant, il y a parfois de petites perles qui méritent qu'on y prête attention. Hellsing, Vampire Host, des titres connus qui ont bâti leur succès autant sur le nom de leur auteur que sur la qualité du récit et du graphisme. Aujourd'hui je vais vous parler de Vampire Chronicles – la légende du Roi Déchu, abrégez en Vampire Chronicles tout court pour simplifier.
Paru en France entre 2009 et 2010 chez Ki-oon, ce manga fruit de la collaboration au scénario de Kyo Shirodaira et au dessin de Yuki Kimura fait aujourd'hui office de véritable référence pour les connaisseurs, œuvre d'une qualité très soutenue autant dans la narration que dans la gestion des personnages, et surtout bien entendu le graphisme, magnifique au demeurant.

C'est l'histoire d'un amour tragique, d'une passion brisée, d'un couple maudit. L'histoire d'un jeune roi des vampires, Akabara ''Strauss'', fou amoureux de sa reine, Adelheid. Mais un jour, une horrible trahison précipite la fin de ce royaume et de cette ère de paix, lorsque Adelheid perd soudainement le contrôle de sa puissance magique et devient une source de mort et de destruction. Scellée à tout jamais pour endiguer le fléau qu'elle représente désormais, la reine est gardée par de puissants sortilèges et de valeureux guerriers. Strauss quant à lui jura de tout faire pour la libérer de sa prison, quitte à affronter les humains et les hybrides Dhampires durant des millénaires, seul contre tous. Pour contrer l'effroyable pouvoir du Roi Déchu, un être d'exception fut créé et fusionné à l'âme d'une guerrière, devenant ainsi le Cygne Noir, créature magique destinée à tuer le roi des vampires au terme d'une multitudes de sanglantes batailles. A chaque nouvelle génération, un nouveau Cygne Noir voit le jour et affronte Strauss, qui jusqu'à présent parvint toujours à les éliminer. Malheureusement, chaque nouveau Cygne Noir dispose de l'expérience et des talents cumulés de toutes ses incarnations passées, et le roi sait que tôt ou tard viendra un avatar assez puissant pour le vaincre. Sa quête n'en devient que plus violente et désespérée, une quête de vengeance et de haine... cependant, la vérité n'est pas telle qu'on l'imagine et beaucoup de choses restent encore secrètes autour de la motivation du roi à retrouver son épouse. Les Dhampires des plus hauts rangs semblent connaître une partie de cette vérité déstabilisante et veulent tout faire pour protéger les sceaux magiques qui retiennent prisonnière Adelheid, et empêcher à tout prix Strauss de la libérer. Secrets, trahisons, mensonges, manipulations, amour, haine... voici le cœur de cette histoire tragique qui vous entraînera dans les tourments de la passion et de la vengeance, à la recherche de la vérité unique, de l'aboutissement d'une vie d'efforts et du désir d'enfin connaître la paix.

Série terminée en 9 tomes, Vampire Chronicles est ce que j'appelle sans pudeur un chef-d'oeuvre du genre, associant avec maestria tradition vampirique et modernisme, culture victorienne et mœurs japonaises. Le design des personnages est magnifique, je pense que Shiori Teshirogi aurait pu travailler dessus tant les expressions des regards et des postures sont saisissantes, les couvertures sont somptueuses. Les décors quant à eux oscillent entre le somptueux et le beau ordinaire, tantôt baroques à souhaits tantôt assez subtils et effacés pour que vous puissiez apprécier les dialogues et les revirements de l'intrigue. Ou des intrigues, devrais-je dire, car la grande force de ce manga c'est surtout de vous proposer un grand nombre d'histoires en parallèles les unes des autres, ou différentes versions de la même histoire en tout cas, qui se rejoignent, parfois se contredisent et s'affrontent, mais toujours apportent de nouveaux éléments au lecteur qui tentera de deviner le fin mot de tout ceci avant qu'il ne lui soit révélé.
Tout est beau dans ce manga : les personnages sont beaux, les décors sont beaux, l'histoire est belle, les thèmes sont magnifiques et les sentiments bien présents et poignants. Et puis, en 9 tomes seulement, on aurait tort de passer à côté ! Il est encore relativement récent pour rester trouvable il me semble, donc foncez dessus si vous avez l'occasion d'en voir un dans votre point d'approvisionnement quotidien. Et gardez bien à l'esprit, durant votre première lecture, que rien n'est jamais acquis et que tout, je dis bien tout, peut toujours être remis en question.

J'ai délaissé l'horreur cette fois-ci, elle ne fait clairement pas partie des thèmes de ce manga, mais n'ayez craintes je vous reviens tout prochainement avec de quoi vous satisfaire à ce niveau !

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article ! 

 

dimanche 5 octobre 2014

Dracula l'Immortel (Dacre Stoker et Ian Holt - Michel Lafon - 2009)


Y'a-t-il jamais eu récit vampirique plus célèbre que celui de l'Irlandais Bram Stoker en Mai 1897, Dracula, au passage chef-d'oeuvre du style épistolaire également ? Si les histoires de vampires existent pratiquement depuis la nuit des temps, avec un furieux essor durant le XIXème siècle, c'est bel et bien avec ce roman que le genre s'attire les plus ferventes admirations. Très souvent repris ou adapté, parfois à tort, souvent de travers, le Comte Dracula fascine et fédère comme aucun autre monstre littéraire avant ou après lui. Et pourtant ! Le connaissez-vous réellement ? Combien sont ceux qui savent vraiment d'où est tirée la légende ? De plus en plus nombreux certes, mais toujours pas assez pour faire taire les mauvaises idées qui germent à foison à Hollywood et ailleurs.
Et pourtant, encore ! Le véritable Dracula, celui que Bram Stoker avait réellement l'intention de décrire dans ses romans, au pluriel eh oui, nous ne l'avons jamais connu. Nous n'avons que cette vision du monstre, de la créature infernale, rejeton de l'Enfer sur Terre, tourmenteur éternel de l'humanité, issu d'un unique premier tome. La vérité mes amis est toute autre. Pour des raisons de gestion malhabile des droits d'auteurs, la famille Stoker a très tôt perdu toute chance de poursuivre les travaux du grand écrivain, et ses personnages connurent de nombreuses vies et déformations sur grand écran pendant des décennies, assez souvent désastreuses quand on y repense.
Mais c'est alors qu'à la fin des années 2000, le descendant de Bram Stoker, Dacre, lui aussi écrivain, s'empare courageusement des notes secrètes de son illustre aïeul et s'associe au prestigieux ''vampirologue'' Ian Holt pour permettre à l'histoire légitime de voir le jour, revue et corrigée pour un nouveau public cela va sans dire. C'est donc en Octobre 2009 que paraît enfin, chez l'éditeur Michel Lafon, la suite si longtemps attendue du grand classique : Dracula l'Immortel, d'après les notes, volontés et recherches de Bram Stoker pour offrir une nouvelle vie à son roman.

Un quart de siècle s'est écoulé depuis la victoire inespérée des forces du Bien sur celles du Mal lorsqu'en 1888 six courageux aventuriers ont réussi à détruire le terrible Comte Dracula sur ses terres maudites des Carpathes, en Transylvanie. Vingt-cinq ans, durant lesquels les héros d'antan se sont séparés et ont chacun suivi des destins différents, ayant pour la plupart perdu le contact avec le groupe, en bons comme en mauvais termes. Mais soudain, des meurtres d'une monstrueuse sauvagerie vont raviver les anciennes blessures et les cauchemars d'autrefois. De Londres à Paris, l'horreur se répand comme une traînée de poudre et la terreur saisit même les cœurs les plus vaillants. Aux yeux des vainqueurs de jadis, une seule créature serait capable de telles atrocités... pourtant, le Prince des Ténèbres est mort sous leurs yeux il y a bien des années, personne n'a oublié cette nuit terrifiante au cœur des montagnes les plus reculées de Roumanie. Se pourrait-il qu'il s'agisse d'un autre vampire, à la violence et à l'appétit de mort aussi brutaux que puissants ? Ou bien celui dont nul n'ose encore prononcer le nom serait-il bel et bien de retour dans le monde des vivants, assoiffé de revanche... enfin, combien de temps encore avant que l'un d'entre eux, les cinq survivants, ne soit la cible du monstre ? Entre vengeances, jalousies et rivalités, amours et amitiés brisés et révélations sur le passé de certains personnages emblématiques, cette histoire nous entraîne dans une direction insoupçonnée et s'attaque à d'autres grands mythes Européens du vampirisme, le tout à un rythme passionnant qui ne vous laissera pas le temps de souffler !

Qu'on se le dise, il n'est absolument pas indispensable de lire cette suite pour tout lecteur du premier Dracula, mais ça reste un sacré plus à mon sens ! Déjà parce que le personnage historique de Dracula y est enfin traité en détails, et ensuite parce que l'on y découvre des informations capitales pour comprendre certains passages prêtant trop souvent à mauvaises interprétations du précédent roman (comme la mort de Lucy, par exemple -ne venez pas me dire ''attention spoilers !'' ça fait plus de 120 ans !-) et d'autres qui prennent soudain une toute nouvelle dimension. Aucun détail n'est cette fois laissé au hasard et tout est fait pour coller le plus possible aux volontés originelles de Bram Stoker lorsqu'il débute ses recherches en vue d'écrire ses romans. Vous découvrirez ainsi que le vrai méchant de l'histoire n'est pas forcément celui que l'on croit...
Cette parution des plus risquées est selon moi un tour de force admirable de la part d'une famille qui lutte depuis des générations maintenant pour reprendre ce qui devrait normalement lui revenir de droit des mains des grands studios Hollywoodiens qui se font largement plaisir avec la licence DRACULA depuis la mort de l'auteur. Une belle tentative, certes désespérée étant donné que le nom ainsi que tout ce qui s'y rapporte font désormais partie du domaine public, mais qui mérite d'être saluée et soutenue. En plus l'histoire est vraiment prenante et bien écrite, on abandonne cette fois le style épistolaire mais la narration plus directe permet de gagner en intensité. Vous apprécierez en outre le soucis du détail historique pour coller au mieux à l'époque réelle traitée, en cette veille de Première Guerre Mondiale où les nations du monde sont à cran et où le crime est roi.

Dracula l'Immortel, une histoire à lire absolument pour tous ceux qui veulent enfin rendre justice à un récit trop longtemps mal compris et mal traité. A noter que Michel Lafon nous offre dans cette édition de 2009 de nombreux bonus prestigieux pour agrémenter le manuscrit, qu'il s'agisse de nouvelles anglophones comme francophones considérées comme étroitement liées à la genèse de Dracula ou de bibliographies bien pratiques pour approfondir l'expérience, ainsi que beaucoup de faits historiques sur le vrai ''Dracula'' (famille, dynastie, batailles, situations géo-politiques), pour faire taire une bonne fois tous les mythes erronés. Faites confiance à cette suite qui, sait-on jamais, accouchera peut-être dans le futur d'un troisième opus, car il reste encore des choses à dire !

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

mercredi 1 octobre 2014

Vampire Hunter D - Bloodlust (Yoshiaki Kawajiri - Mad House - 2000)



Pour démarrer cette spéciale Halloween sur le thème des vampires, je vous propose d'ouvrir avec un film d'animation américano-japonais des studios Mad House, assez reconnus dans leur domaine, sorti en 2000 et adapté des aventures du célèbre chasseur de vampires, D.
Dans un monde post-apocalyptique, sur lequel ont jadis régné les vampires en maîtres absolus de l'humanité, au sein d'immenses forteresses et de complexes spatiaux aujourd'hui désaffectés, les choses ont fortement changé depuis le grand cataclysme. Les hommes vivent de nouveau comme à l'âge du Far West, les restes de technologies sont considérés comme des reliques plus ou moins sacrées et surtout les vampires et autres monstres sont pourchassés sans relâche par des Hunters, des experts de la traque et de la destruction de créatures surnaturelles, faisant payer leurs services un maximum. D est considéré comme le meilleur de tous les chasseurs de vampires existants, et pour cause car c'est un hybride humain/vampire, un enfant interdit, un Dhampire, fruit de l'union du légendaire Roi des Vampires avec une simple mortelle. Traversant le monde à la recherche de son passé, de son identité et du secret de ses origines, combattant un ennemi restant perpétuellement dans l'ombre, D se trouve parfois en mesure d'aider les populations à vaincre les monstres qui les oppressent encore.
C'est dans ce contexte que notre histoire commence, lorsqu'une jeune femme du nom de Charlotte Elbourne est enlevée de nuit par un vampire des plus puissants encore en vie, Meier Link, dont on dit qu'il déteste profondément l'humanité. D est chargé par la famille de Charlotte de la retrouver coûte que coûte et de la ramener vivante auprès de son père, sauf si Meier l'a mordu : dans ce cas, D devra la tuer et rapporter une preuve du succès de sa mission. Pour encourager l'efficacité des recherches, la famille Elbourne mandate également les célèbres Markus Brothers, une bande de chasseurs brutaux mais aux résultats excellents, qui entendent bien être les premiers à sauter sur le pactole et à massacrer du vampire. A travers tout le pays et la lande désolée la traque commence, il faut parvenir à récupérer Charlotte à temps avant que Meier ne décide de la tuer ou pire, de la transformer à son image. Pourtant, le cruel vampire semble bien attentionné et sensible avec la jeune femme, comme s'ils partageaient tous deux un lourd secret, un passé inavouable. Aidés dans leur fuite par une mystérieuse bienfaitrice qui les accueille dans son château, Charlotte et Meier vont vite s'apercevoir qu'ils sont eux aussi les pions d'une machination bien plus complexe qu'il n'y paraît, et que leur amour interdit risque de causer leur perte et celle de toute l'humanité en provoquant le retour d'une créature infernale, jadis bannie par le Roi des Vampires en personne pour ses méfaits. Une personne qui semble aussi connaître une partie du passé de D, ou du moins en savoir assez pour redouter que le Dhampire n'apprenne un jour la vérité sur sa propre nature. Le combat sera rude et intense, des sacrifices seront nécessaires, et par-dessus tout la vengeance sera de mise, la vengeance pour la mort d'un amour sincère, pour une société qui refuse cette union, pour un monde qui ne se comprend pas lui-même.

C'est un film vraiment magnifique, aux animations extrêmement détaillées et fluides, une vraie merveille du genre. Quand on voit certaines productions actuelles, on se demande ce qui a bien pu se passer pour en arriver à un rendu si pauvre alors qu'il y a presque 15 ans Mad House pouvait pondre un chef-d'oeuvre absolu de technique. Les textures sont merveilleusement retranscrites à l'image, les couleurs également, les décors sont tous plus somptueux les uns que les autres, témoins d'un passé d'une richesse phénoménale et d'un monde superbement développé. La musique, signée Marco D'Ambrosio, vous transportera dans un océan de sensations et de sentiments, allant de la colère à la tristesse, du bonheur à la peine et à la douleur, et même vous fera aimer les personnages, quels qu'ils soient. ''Sublime'' serait le mot idéal pour décrire ce film, mais en vérité il faut bien plus d'un seul mot pour arriver à lui rendre justice. Le meilleur conseil que je puisse vous donner c'est de tout faire pour réussir à le voir, rien qu'une fois, si vous aimez les belles histoires d'amour tragiques et les mythes vampiriques victoriens. En France le film est disponible grâce à TF1 Vidéo il me semble, mais pour ma part je préfère largement la version américaine car les voix sont juste magnifiques à entendre, les mots harmonieux et les dialogues si poignants et maîtrisés ! Si vous le pouvez, regardez-le en VOSTFR (version américaine toujours), ça vaut franchement le coup. Et vous verserez peut-être comme moi plus d'une larme à la fin, d'une poésie magistrale qui achèvera même les plus durs d'entre vous. Une beauté, une perle.

Un petit mot pour finir sur le manga, car oui Vampire Hunter D c'est aussi et surtout un manga, scénarisé par Hideyuki Kikuchi et dessiné par Saiko Takaki, disponible chez Kazé par chez nous si vous êtes curieux de découvrir d'autres aventures de D, poursuivant sa quête d'identité. Le tome 3 du manga correspond au film Bloodlust justement (tandis que le tome 1 correspond au tout premier film-animé daté de 1985, que je ne vous conseille pas du tout en VF), mais avec une histoire légèrement différente bien que toute aussi triste. A vous de voir !

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne séance, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !