dimanche 23 novembre 2014

Succubes tome 4 - Messaline (Thomas Mosdi & Marco Dominici - Soleil - Mars 2014)


Et le voici enfin, le quatrième et dernier tome (actuellement) de la bande-dessinée Succubes de Thomas Mosdi. Ici le dessinateur change une nouvelle fois, c'est donc à Marco Dominici que revient la lourde tâche de parvenir à restituer l'ambiance et l'atmosphère si particulières d'une Rome Impériale lors des dernières belles années de la Première Dynastie.

An 48 après Jésus-Christ. Il est de notoriété publique que l'Empereur Claude est un faible, vieillard sur le déclin, et que le véritable pouvoir est entre les mains de son impétueuse épouse, Messaline, mère de ses enfants. Ce que l'on sait moins, c'est que l'Impératrice appartient en secret à l'ordre des Filles de Lilith et a été chargée par ces dernières d'utiliser le pouvoir dont elle dispose pour éliminer les menaces à l'encontre des membres de l'ordre, ainsi que de tout faire pour que sa juste cause en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes puisse un jour se réaliser durablement. Malheureusement, Messaline est une femme aux appétits brutaux et insatiables, et dont la morale douteuse constitue une entrave aux projets de l'ordre. Cependant, de part la position qu'elle occupe, elle n'en demeure pas moins l'atout le plus précieux et la grande prêtresse est assez réticente à l'idée de devoir se débarrasser de l'Impératrice avant qu'elle ne trahisse leur cause, aveuglée par sa propre soif de pouvoir et de luxure. En cela, Messaline ne diffère pas tellement des ennemis des Filles de Lilith, qui commencent d'ailleurs enfin à se rassembler et à s'organiser pour détruire ce culte de femmes qu'ils nomment Succubes. La Confrérie des Loups veille dans l'ombre et attend le premier signe de faiblesse de ses ennemies pour frapper et porter un coup fatal. L'occasion se présente lorsque Messaline s'embarque dans une tentative de coup d'état, alors que Claude se trouve éloigné de Rome elle choisit de divorcer publiquement et d'épouser un jeune sénateur plein d'avenir, rassemblant autour d'eux tout ce que la cité compte d'opposants au pouvoir impérial et de nostalgiques de l'ancienne République. La guerre de l'ombre fait rage entre les partisans des deux causes, les Filles de Lilith et la Confrérie des Loups, et nombreuses seront les victimes, tandis que Rome pourrait bien connaître ses dernières années de faste, alors que la tempête se rapproche dangereusement dans tous les esprits. Et au milieu de tout cela, une femme, dont l'envie de vivre et de profiter pleinement de tous les aspects de la vie pourrait mettre en péril des millénaires de lutte secrète pour une meilleure société, pour un monde plus juste. Pour les Filles de Lilith, ce sera le premier grand revers de leur histoire, qui leur sera presque mortel. Le salut et l'espoir viendront de la folie des hommes et de leur soif de vengeance et de pouvoir, en attendant que le monde change suffisamment pour que la cause des Succubes puisse alors refaire surface.

Ce tome m'a moins plu que les précédents, notamment parce qu'il traite assez crûment de la sexualité débridée de l'Impératrice Messaline. Cependant il y a énormément de points intéressants qui y sont traités, en premier lieu la face sombre de l'ordre des Filles de Lilith est pour la première fois représentée concrètement par une de ses agents, et ce que l'on pensait être une cause juste et immaculée se teinte alors de sombres nuances de gris et de noir. Thomas Mosdi prend même la peine de faire un petit topo historique à la fin du tome et de nous annoncer l'avenir de Rome après la disparition de Messaline et le règne de Claude, en nous introduisant les heures terribles de celui de Néron et de la fin de la Première Dynastie. C'est le premier véritable coup dur pour les Filles de Lilith, mais l'on se doute qu'elles sauront s'en relever par la suite et que tout espoir n'est pas encore perdu.
Concernant le dessin, il semble qu'aucun autre artiste que Marco Dominici n'aurait été mieux placé pour retranscrire à ce point la beauté et la diversité de cette Rome des premiers temps de l'Empire, où le faste le dispute au mystère des intrigues et de la décadence. Car il est aussi question de cela, le déclin lent et progressif d'une civilisation qui jusqu'ici incarnait ce qu'il pouvait y avoir de meilleur dans ce monde ancien et dangereux, à l'aube du progrès mais encore terriblement brutal. Messaline incarne tout à la fois l'héroïne et l'antagoniste principales de ce récit, déchirée entre sa condition de femme et son appartenance à Lilith, et entre son solide et inépuisable appétit pour la vie, le sexe, le pouvoir. Rien ne semble pouvoir arrêter l'Impératrice qui s'accroche de toutes ses forces à tout ce dont elle peut profiter, mais qui n'oublie pas pour autant d'où elle est issue et quels sont les risques qui pèsent sur elle. Image vivante de la décadence, en somme, qui préfigure de ce que deviendra Rome dans quelques siècles. Le style de Dominici est toujours assez réaliste et très similaire à ceux des deux dessinateurs précédents, on retrouve encore une fois ce soucis de préserver une certaine cohérence dans la représentation et un véritable effort pour coller le plus possible à ce qui a déjà été fait et illustré, tout en apportant sa touche personnelle au travers des décors et des styles des différents lieux et personnages. Vivement à présent le cinquième tome pour découvrir une toute nouvelle époque et peut-être le renouveau des Filles de Lilith et leur revanche sur les Loups, en gardant désormais à l'esprit que tout n'est pas noir ou blanc et que les deux camps comptent nombre de contradictions internes. Puisque l'on vient de traiter un personnage historique aussi ambigu et important que Messaline, après la vertueuse et héroïque Eanna, j'attends volontiers une autre de ces Impératrices farouches de légende telles que Jézabel ou Zoé !

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

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