mercredi 10 décembre 2014

La proie d'Hugo Strange (Urban Comics - Septembre 2014)


Encore un récit de la collection ''DC Nemesis'' de chez Urban, me direz-vous ? C'est vrai que c'est une collection que j'affectionne tout particulièrement, un peu comme ''Marvel Dark'' chez Panini, en raison de ses histoires plus sombres qu'ailleurs. Et les vilains de DC Comics sont tout de même, pour ceux de Batman, bien plus emblématiques et passionnants que la plupart de ceux de Marvel ! C'est d'ailleurs le cas de celui-ci, le professeur Hugo Strange, docteur en psychiatrie officiant à Gotham City et grand obsédé par Batman depuis l'apparition du justicier. Ennemi de ses premières heures, Strange a tout tenté pour briser psychologiquement la Chauve-Souris, l'amener à se trahir et découvrir son identité secrète, dans le but de le démasquer publiquement mais surtout de prendre sa place, symboliquement parlant. Pour faire cesser son obsession, Strange doit tuer le Batman, le personnage construit de ce héros trop parfait, de cet idéal inaccessible pour lui. Et si pour cela il doit également tuer l'homme sous la cape, qu'à cela ne tienne ! Doug Moench et le dessinateur Paul Gulacy nous replongent avec brio et intelligence dans les premières années d'aventures de Batman, revisitées pour les décennies suivantes (celles de la série Legend of the Dark Knight), en tâchant de retranscrire le ton très sombre et violent de l'époque, cette fin des années '30 où les récits pulps étaient encore la norme et où les enquêtes se terminaient souvent de triste manière.

Ainsi, dans cette histoire, nous assistons aux toutes premières apparitions du Batman à Gotham, comme dans Année Un. Tandis que l'opinion publique se divise rapidement sur les motivations et la valeur de l'action d'un tel justicier, le professeur Hugo Strange apparaît comme un sérieux détracteur du Chevalier Noir et propose ses services à la mairie afin de le démasquer et de le livrer à la police, en établissant son profil psychologique et en menant à la création d'une brigade d'intervention spéciale chargée de traquer et d'arrêter Batman par tous les moyens. Gotham devient alors le théâtre d'une sanguinaire lutte d'influence, entre Strange qui gagne peu à peu du terrain et Gordon qui tente tout son possible pour protéger son allié, quitte à se mettre lui-même dans une situation très délicate vis à vis des autorités. Sans parler du justicier, qui en vient doucement à douter de sa propre santé mentale et qui se perd dans les fantômes de son passé, les ombres de ses traumatismes et de la création du personnage de Batman à partir de l'enfant brisé que fut Bruce Wayne. Strange monte alors sa campagne d'un cran en faisant sien le pouvoir des médias, et lance une véritable propagande de harcèlement à l'encontre de Batman, arrachant un à un tous les détails le conduisant vers son inévitable conclusion, la véritable identité du Chevalier Noir. Dès lors, il ne peut plus y avoir qu'un dénouement possible : la disparition de la Chauve-Souris, ou celle d'Hugo Strange. Le duel psychologique entre les deux hommes prend une tournure de plus en plus violente à mesure que la fin se rapproche, inexorablement, et que les premières victimes collatérales s’amoncellent... et sur toutes les lèvres, y compris celles des protagonistes, la même question se pose encore et encore : qui est vraiment sain d'esprit ?
Après la conclusion brutale de la première histoire, nous avons droit à un second récit d'envergure, se déroulant quelques années plus tard, avec le retour d'Hugo Strange et la mise en place de son implacable vengeance, déterminé à détruire Batman une fois pour toutes et à se libérer de sa dangereuse obsession. Pour cela, il commettra l'irréparable et s'arrangera pour faire sortir d'Arkham le tristement célèbre Jonathan Crane, alias l'Epouvantail, psychologiquement brisé par ses premiers affrontements avec la Chauve-Souris, et que Strange va entreprendre de regonfler à bloc pour se servir de son gaz de terreur, tout en le maintenant sous son emprise thérapeutique. Mais cette fois, le psychiatre semble avoir trouvé plus fou que lui, et très rapidement la situation échappe totalement à son contrôle et l'Epouvantail se rebelle, ivre de rage et du désir de vengeance envers toutes les personnes l'ayant torturé et humilié durant sa jeunesse, jusqu'à Batman et Strange eux-mêmes. Ce qui était jusque là une machination bien huilée se transforme alors en véritable cauchemar, qui poussera Batman dans ses derniers retranchements et le plongera dans la folie de l'Epouvantail ainsi que dans ses propres peurs les plus secrètes et profondément enfouies, là d'où nul ne revient indemne. Quoi qu'il arrive, quelle que soit l'issue de ce combat désespéré pour la survie, les blessures infligées au héros ne se refermeront sans doute jamais complètement et feront de lui le justicier que nous connaissons...

Deux très très bonnes histoires, j'ai tout particulièrement aimé la seconde je dois dire, même si la première est vraiment magistrale de bout en bout, une sorte de thriller psychologique absolument intense qui nous tient en haleine jusqu'à la résolution finale, et même au-delà. Un véritable chef-d’œuvre d'écriture et de mise en scène, comme on en voit trop rarement depuis. Quant à la seconde histoire donc, c'est tout simplement sans doute la meilleure histoire que j'ai pu lire avec l'Epouvantail, ainsi que sur la relation naissante entre Batman et Catwoman (qui apparaît dès le premier récit) qui déterminera nombre des éléments futurs pour ces deux personnages. C'est une plongée merveilleuse dans le passé du héros et de son univers, de ses plus intimes combats, qui permet à un public plus jeune de comprendre un peu mieux les doutes et les faiblesses de l'homme chauve-souris et de s'enfoncer dans la noirceur de ses origines les plus douloureuses. Le dessin vieillot de la première histoire, Proie, est un bon moyen de voyager entre les époques et de retrouver l'ambiance feuilletonnesque des premières années des parutions sur Batman, tandis que le style graphique de la seconde, Terreur, est digne d'un film (vous noterez par ailleurs les petites références à la Gotham de Tim Burton, j'ignore qui est venu en premier mais tout est lié c'est assez clair) et est extrêmement agréable à regarder.
N'hésitez donc pas longtemps avant de vous prendre cet album, La proie d'Hugo Strange est une véritable mine d'informations pour les lecteurs les plus anciens comme les plus récents, il vous permettra de vous familiariser avec l'un des ennemis les plus acharnés et intimistes de Batman et vous proposera une virée dans la psyché du héros que vous n'êtes pas prêts d'oublier de sitôt. Toutes les promesses faites par Urban au dos de l'album lors du résumé et de sa présentation sont donc tenues selon moi !

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

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