lundi 14 novembre 2016

La question du lundi n°19 : Doit-on protéger les oeuvres contre leurs auteurs ?


C'est une grande question et je ne prétends pas chercher à y apporter une réponse définitive, simplement faire en sorte que vous vous la posiez également.

Quand un auteur créé quelque chose, une œuvre littéraire par exemple, elle ne lui appartient plus vraiment. Dans les faits c'est le public, le lectorat, qui décidera ou non du succès de cette œuvre, de sa pérennité et de sa longévité ainsi que la nécessité, la possibilité, d'y accorder ou non une suite. En bref, un auteur ne possède réellement ce qu'il invente que pendant une courte période de temps, c'est aussi pour cette raison que beaucoup son assez frileux quant à annoncer une date de sortie officielle pour leurs livres. Après, l’œuvre qu'elle soit ou non protégée par des droits et contrats légaux appartient au cœur de chaque lecteur, de chaque fan, et chacun a ensuite droit d'y apporter son observation. Certains font ça par le biais de critiques, plus ou moins constructives, d'autres vont carrément jusqu'à inventer des fan-fictions se basant sur l'univers de leur auteur préféré pour continuer dans d'autres directions le développement de l'histoire et des personnages.

Là où je voulais en venir, c'est au cas particulier des auteurs qui désirent revenir sur leurs œuvres pour y apporter une correction ou bien une amélioration jugée utile. Steven Spielberg et Georges Lucas pour Indiana Jones, E.T., Star Wars, etc. Si vous êtes un spectateur assidu de la série South Park, vous n'aurez certainement pas manqué les épisodes traitants de ce douloureux sujet qu'est le moment où un auteur décide de son propre chef de modifier ce qu'il a créé précédemment, parfois de façon infinitésimale et parfois de façon très grossière, changeant alors presque totalement de cap ou ''violant'' son propre univers. Je vais éviter les exemples cités plus haut et prendre plutôt comme référence le cas de l'univers de la série hyper géniale et cultisssime qu'est Saint Seiya – Les chevaliers du zodiaque !

C'est avant tout un véritable phénomène de génération, Saint Seiya a fait rêver des foules d'admirateurs et de fans du monde entier, et particulièrement chez nous en France ainsi bien sûr qu'au Japon, son pays d'origine. Celui que l'on appelle avec respect Maître Masami Kurumada s'est efforcé de créer un manga d'action, type shonen, en y intégrant des valeurs fortes et en tâchant de respecter les codes de ce qui fait une bonne ''tragédie grecque'' dans le plus pur style. Par la suite, il a tenté d'exploiter davantage son univers au-delà des 28 volumes de la série d'origine, en créant par exemple avec Megumu Okada la série Saint Seiya – Episode G qui se propose de revenir sur la jeunesse des Chevaliers d'Or de notre génération, à travers l'évolution d'Aiolia le Chevalier du Lion. Terminée en 20 tomes, cette nouvelle série n'a pas fait que des heureux et s'est montrée décevante par bien des aspects, mais elle reste malgré tout assez bonne dans son genre et surtout ne prétend pas modifier ce que l'on connaît déjà de la série d'origine et de son déroulement, mais plutôt d'expliquer et d'exploiter les sources en place. On a ensuite eu l'excellente série Saint Seiya – The Lost Canvas avec Shiori Teshirogi qui elle retournait 250 ans dans le passé et proposait de suivre une toute nouvelle génération de chevaliers d'Athéna, sans rien changer de la série d'origine toujours.

Mon interrogation et mon coup de gueule en tant que fan viennent de l'existence de séries comme Saint Seiya Omega ou encore Saint Seiya Shô où Kurumada se propose de revenir sur sa série phare et d'en étoffer certains passages ou détails. Là où le bas blesse, c'est quand ces modifications entraînent le fait de totalement dénaturer le filon d'origine. On apprend par exemple que depuis le départ il existe un corps secret de chevaliers entièrement féminin et dévoués à la protection rapprochée d'Athéna (à quoi servent donc les Chevaliers de Bronze qui passent leur temps à se sacrifier pour elle ?) mais aussi que contrairement à ce que préconisent les règles d'une tragédie grecque, les héros sont tous bien vivants à la fin et deviennent les nouveaux Chevaliers d'Or. Or non, non et non, dans le code du théâtre et de toute œuvre se targuant d'être une ''tragédie grecque'', le point fondamental à ne pas changer est que tous les héros œuvrant pour le bien doivent mourir à la fin, lors de leur ultime affrontement avec le mal. La fin de Saint Seiya – Les chevaliers du zodiaque était parfaite, les héros entourant Athéna et Seiya mortellement blessé, les Enfers s'effondrant tout autour d'eux et un voile de lumière divine venant les accueillir dans un au-delà meilleur. Désolé pour les spoils, lisez la série ça vaut vraiment le coup.

Bref, donc à la fin d'une bonne tragédie grecque le ou les héros meurent à la fin en affrontant le ou les méchants et en triomphant malgré tout, signe que face à la mort il y a toujours une étincelle d'espoir qui subsiste et que le mal sera toujours contré par des cœurs valeureux. Le fait de faire revenir les héros de la première série dans Saint Seiya Omega ou bien encore Saint Seiya Episode G – Assassin, c'est donc ne pas respecter les codes de ce qui a été écrit précédemment par la même personne (toujours Kurumada, vous suivez ?) et se dédire d'une fin qui avait le mérite d'être définitive et surtout exceptionnellement forte et poignante pour un manga de ce type. Pourquoi donc revenir en arrière et modifier cela ? Afin de créer de nouvelles séries, évidemment, et donc de capitaliser sur le succès du nom Saint Seiya en en exploitant la plus petite parcelle et le moindre personnage que l'auteur décide de ramener et de modifier en conséquence. La raison ? Souvent l'argent malheureusement, derrière une fausse volonté de faire connaître à une nouvelle génération de lecteurs et de spectateurs cet univers grandiose. On va jusqu'à produire une série d'animation et incorporer de nouveaux chevaliers qui viennent de nulle part pour se rattacher le plus d'audience possible (dans le cas de Saint Seiya Shô et de sa caste secrète de chevaliers féminins). L'univers de Saint Seiya Omega, ce futur qui n'avait pas lieu d'être, est corroboré par celui de Saint Seiya Episode G – Assassin, deux séries relativement médiocres à la fois en manga papier et à la télé.

Qu'on s'entende bien, bien avant l'apparition toute récente de Saint Seiya Omega il y a eu des histoires se déroulant après les faits de la série originale. Des films d'animation surtout, qui avaient surtout valeur de très belles fan-fictions produites par les studios pour rendre hommage à la série et à son univers. La différence d'avec Omega c'est que ces films n'avaient pas vocation de devenir des suites légitimes et officielles, et pouvaient très bien se regarder sans aucune pression de l'auteur. Mais, depuis, Kurumada est revenu sur ses propres écrits et en a tiré de nouvelles séries, parfois bonnes souvent mauvaises, et il est même allé jusqu'à tenter de contrer The Lost Canvas et son succès foudroyant avec sa propre série le voyant revenir aux dessins, Next Dimension, assez affreuse dans son genre.

Donc la question est posée : doit-on protéger les œuvres contre leurs auteurs et la volonté de se faire davantage d'argent en revenant en arrière et en modifiant ce qui peut l'être et même ce qui ne devrait pas l'être ? Peut-on, sous prétexte d'être l'auteur et créateur original d'une série à succès, se permettre dès lors d'en faire ce que l'on veut ? Ou bien y'a-t-il une certaine forme d'appartenance de la série à son public, dès sa sortie et dès lors qu'elle trouve son chemin dans le cœur de bien des fans ? Pour ma part, je pense qu'effectivement le public a son mot à dire, mais que mal informé il est souvent manipulé par les studios et les auteurs. Bien sûr ce n'est pas au public que revient la décision finale, et il ne faut pas tomber dans la logique inverse et donner tout pouvoir aux fans (le cas Naruto est assez flagrant). Mais c'est à vous désormais de vous poser ces questions, et heureusement le débat reste toujours ouvert !

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