vendredi 6 août 2021

La V.O. du vendredi n°183 : Elektra by Greg Rucka - Ultimate Collection (Marvel - Mars 2012)


Toujours considérée comme l'assassin la plus mortelle et donc la plus efficace de la planète, Elektra Natchios ne manque pas de travail. Contactée aux quatre coins du monde pour des contrats bien précis et bien payés, son activité l'amène à frayer avec de dangereuses personnalités du monde criminel et à s'occuper de cibles parfois très importantes.


Mais cette fois-ci, le contrat est bien différent de la routine habituelle. Une femme vivant isolée sur une île non loin des côtes Grecques lui confie la mission de lui ramener quatre hommes bien identifiés, quatre hommes qui autrefois lui ont fait subir les pires horreurs et l'ont traumatisée à vie, ayant quant à eux des existences bien menées et en ordre sans le moindre soupçon de leurs actes passés.


Pour la première fois, Elektra n'agira pas vraiment en tant qu'assassin mais plutôt en tant qu'agent d'une vengeance qui n'est pas la sienne, même si elle peut la comprendre en tant que femme. Cependant, même bien payée, elle refuse catégoriquement de prendre part aux tortures antiques que doivent subir les quatre cibles pour expier leurs crimes. Car Elektra n'est pas une meurtrière ou une sadique, elle est une assassin renommée et reconnue comme telle, avec un code bien précis à suivre. Ainsi, elle préfère tourner le dos à ce qui va suivre plutôt que d'avoir ces quatre morts sur la conscience.


Cependant la roue tourne toujours quelque part, et bientôt Elektra se rend compte qu'elle ne parvient plus à trouver le moindre contrat ni le moindre travail dans son domaine si particulier. Aucun de ses contacts ne peut la sortir de cette période noire, et son besoin de se déchaîner commence à prendre le pas sur sa raison et dans ses actes. A la recherche du moindre prétexte pour céder à la violence aveugle qui couve en elle, elle finit par se retrouver à combattre dans des dojos ou dans des bars mal famés simplement pour alimenter sa rage et se défouler.


Blessée et en piteux état, Elektra commence à envisager d'en finir avec la vie, quand elle est soudain secourue par un mystérieux duo d'hommes qui l'emmène dans une luxueuse propriété non loin des collines de Los Angeles. Là, droguée pour rester dans un état second qui garantie sa pleine coopération, son geôlier qui se fait appeler Locke la force à affronter son passé et le triste bilan de sa vie, depuis l'assassinat de son père jusqu'à ses récents exploits face à des militaires surentraînés en Russie ou partout ailleurs dans le monde. Révoltée mais encore sous l'emprise de la drogue, Elektra ne parvient pas à échapper à cette expérience qui remue quelque chose en elle.


Le but de Locke, comme il le lui apprend, n'est pas de la torturer avec ces visions du passé et la liste de ses tristes méfaits, mais plutôt de la forcer à prendre conscience de ce qu'elle est et de ce qu'elle provoque sur son passage. En effet, la femme de Locke, avocate, est décédée tragiquement la veille de leur mariage alors qu'elle enquêtait sur la mort d'un détenu dans une prison sécurisée. L'arme du crime, signée Elektra, était un simple morceau de papier, imbibé d'un poison incurable et indétectable avant qu'il ne soit trop tard. Elektra est donc responsable indirectement de la mort de la femme de Locke, qui a eu ce papier entre les mains durant son investigation. Apprendre cela la dévaste mais ses barrières mentales sont encore bien présentes, il manque encore le dernier petit coup de grâce avant de l'achever.


Ainsi, Locke ordonne à son majordome de conduire Elektra en plein désert Mojave et de l'abandonner là, en pleine nature hostile et sauvage, avec pour seule compagnie ses deux saïs emblématiques. Là, elle aura tout loisir de méditer sur ses actes et sur sa conscience, et de répondre enfin à la question qui la taraude désormais : mérite-t-elle sa seconde vie en fin de compte ?


La coalition des victimes indirectes d'Elektra n'a cependant pas le même dessein la concernant que Locke, qui cherche avant tout à lui prouver qu'elle peut devenir meilleure si elle le décide. Les autres ne veulent que sa mort, rapide et irrémédiable ce coup-ci. Écartant Locke de leur décision finale, ils se rendent dans le désert sur les traces d'Elektra pour la retrouver et l'achever pour de bon cette fois, mais ce qu'ils découvrent en arrivant sur place les tétanise : Elektra est parvenue à reprendre assez de forces pour leur tendre un piège mortel dont très peu se tireront.


Revenue à la propriété de Locke, Elektra compte en finir avec lui qu'elle pense aussi coupable que les autres membres de la coalition, avant que ce-dernier ne finisse par lui avouer ses véritables intentions la concernant ainsi que, indirectement, les sentiments qu'il éprouve pour elle. Vulnérable pour la première fois de sa seconde vie, Elektra finit par baisser les armes et accepte l'aide de Locke pour revenir dans la lumière. Mais le chemin sera long et semé d’embûches.


Pour commencer, il lui faudra prendre contact avec une certaine Drake, maîtresse des arts-martiaux qui tient un modeste dojo dans un quartier très défavorisé. Elektra se rend bien vite compte que Drake la surpasse dans tous les domaines et dispose d'une très longue expérience sur tous les plans, pourtant cette dernière reste parfaitement calme et maîtresse d'elle-même tout au long de l'affrontement qui suit. Impressionnée par tant de maîtrise, Elektra s'incline finalement et demande à Drake de l'accepter comme élève... ce que Drake refuse net.


Déterminée à apprendre coûte que coûte le secret qui lui permettrait enfin de mener une vie en accord avec elle-même, Elektra décide de rester aux alentours du dojo de Drake et d'effectuer toutes les tâches et épreuves qui pourraient la faire accepter dans l'enceinte, mais elle essuie toujours le même refus. Jusqu'au jour où elle apprend enfin ce qui lui manquait, l'humilité suffisante pour se reconnaître comme humaine et comme compatissante envers la vie. Drake accepte alors de lui révéler son propre passé, celui d'une femme élevée pour la guerre et ayant suivi le chemin des Chastes puis, rejetée par eux, celui de la Main avant de les trahir pour retrouver sa liberté et sa raison.


Ce récit vibre tout particulièrement dans l'esprit d'Elektra, qui a suivi le même parcours pour les mêmes raisons ou peu s'en faut. Les mêmes épreuves et drames tissent entre les deux femmes combattantes un lien solide et une confiance mutuelle s'installe même au bout du compte. Elektra semble enfin avoir trouvé ce qui lui faisait défaut depuis si longtemps, et elle commence à se relever. C'est malheureusement à cet instant que les membres d'un commando de la Main décident de les attaquer, Drake et elle, pour récupérer celle qu'ils nomment la Mort Parfaite dans leurs rangs. Drake, victime de l'un des meneurs de ce commando, décède dans les bras d'Elektra après lui avoir enseigné une ultime leçon de courage et d'honneur.


Maintenant, Elektra doit empêcher que les membre survivants de la Main ne parviennent à tuer Locke pour l'atteindre elle en plein cœur de sa nouvelle vie. L'otage est enterré jusqu'au cou en plein milieu du désert, là-même où Elektra a massacré sans pitié ses bourreaux. La Main espère ainsi la briser et reprendre le contrôle de son esprit, mais le combat qui s'en suit ne leur donne pas raison. Elektra parvient à défaire tous ses adversaires, jusqu'au plus haut gradé qui se retranche derrière Locke pour la déstabiliser. Au bord du gouffre à nouveau et contrainte de résoudre ce problème, Elektra prend alors une décision qui risquera de la hanter pour toujours...


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Ce tome augmenté rassemble en fait les deux premiers officiels de la série ''Marvel Knights'' d'Elektra, The Scorpio Key en étant en réalité le tome 0. Ces deux ou trois récits sont tous signés par Greg Rucka, un véritable génie pour ce qui est de retranscrire les dilemmes moraux auxquels peuvent être confrontés des personnages féminins dans des situations extrêmes. Il a notamment fait ses preuves avec Wonder Woman peu après chez DC, dans un run qui reste acclamé et qui lui a valu un second tour quelques années plus tard, dont nous avons déjà parlé dans les articles normaux.


Elektra par Greg Rucka, c'est une jeune femme perdue au beau milieu d'un océan de malheurs et de souffrances, et surtout victime d'une intense addiction à la violence, au point de se mettre en danger mortel pour ressentir le frisson de la victoire si fugace. Grâce au personnage de Locke, ancienne victime cherchant à ramener son bourreau à la raison et parmi les vivants, l'auteur offre à son héroïne une rédemption qu'elle saisit finalement à bras le corps pour respirer à nouveau un air sain au lieu de se laisser noyer.


Évidemment, les choses étant ce qu'elles sont chez Marvel, le destin d'Elektra n'appartient pas à Greg Rucka qui a du faire des concessions et qui signe un final vraiment dévastateur pour la belle ninja, une véritable tragédie dans la plus pure tradition du style emblématique de la Grèce Antique. Mais, l'espace d'un court instant de génie, le lecteur aura pu croire sincèrement à un revirement et à un vrai changement, qui hélas ne perdurera pas plus loin que ce run de deux tomes réunis ici en un seul.


C'est, à mon humble avis, l'une des meilleures histoires sur Elektra que j'ai pu lire jusque là, depuis sa création par Frank Miller au début des années '80. Le label ''Marvel Knights'' prouve une fois de plus son sérieux et sa haute qualité tant dans l'écriture que dans les graphismes. Tout un chapitre est d'ailleurs dessiné en style photo-réaliste par Greg Horn, l'illustrateur des couvertures de la série normalement, et c'est vraiment splendide. Autrement, la majorité de ce tome est dessinée par Carlo Pagulayan dans un style très actif et prenant, mettant l'accent sur le cœur du récit et plongeant le lecteur au beau milieu des combats millimétrés qui se déroulent page après page.


En résumé, et pour conclure, une lecture qui secoue et qui s'avère efficace sur tous les plans malgré quelques petits défauts ici et là, comme le style graphique de Carlos Meglia sur deux chapitres qui tranche très nettement avec le reste de l'album (c'est presque digne d'un cartoon à ce niveau, du mauvais Humberto Ramos mal maîtrisé). Bref, un album que je vous conseille vivement de lire et relire plusieurs fois, pour savourer une vraie déconstruction du personnage d'Elektra jusque dans les fondements de sa légende. On ne voit pas ça tous les jours ni pour tous les personnages, donc profitez-en et essayer vous aussi, comme Locke, de mieux la comprendre !


Petite pause ce mois-ci pour les aventures d'Elektra, nous allons préparer l'arrivée de l'imposant omnibus Onslaught en V.F. en vous proposant dans les V.O. du vendredi les trois tomes servant de préludes, Road to Onslaught. J'espère que vous serez au rendez-vous !

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