Batman
contre le Joker. C'est une lutte acharnée qui dure depuis des
années, sans qu'aucun des deux ne prenne vraiment l'avantage, un
équilibre délicat et branlant qui menace à chaque nouvel
affrontement de s'effondrer. Ce sera le cas cette fois-ci. Batman ira
trop loin, poussé dans ses retranchements et dans sa colère par le
Joker, le laissant toutefois en vie. Mais quelque part quelque chose
s'est brisé, une donnée essentielle a refait surface. Grâce à un
traitement expérimental inconnu, le Joker a disparu pour rendre la
place à Jack Napier, sa véritable personnalité ! Pour Jack
c'est comme une seconde naissance, et il entend bien faire profiter
tout Gotham de son génie et de sa ferveur pour sauver la ville
d'elle-même et de son plus grand danger, qui est celui lui Batman.
Après avoir monté un petit stratagème de son cru pour s'attirer
les faveurs de la population modeste, Jack annonce se présenter
comme conseiller municipal et offre gracieusement à la ville de
nouveaux services de police ultra-perfectionnés ainsi que des hommes
de confiance qui aideront à redorer le blason du GCPD de Gordon, qui
n'en revient pas lui-même. Jack Napier, malgré quelques manigances obligatoires, affirme son statu de citoyen et de défenseur de la
vraie justice sociale et équitable pour mieux faire prendre
conscience aux gens que le danger vient des autorités qui ont trop
longtemps couvert les agissements musclés et coûteux de Batman.
Napier parvient même à obtenir ce qu'il désirait plus que tout,
l'enfermement du Chevalier Noir à Arkham, en exigeant cependant
qu'il ne soit pas démasqué par respect pour lui et leurs années de
lutte. Mais quand une nouvelle menace vient soudain peser sur la
ville et ses habitants, qu'une Harley Quinn désespérée prend le
contrôle des super-vilains locaux et provoque un chaos sans
précédent, le temps des illusions passe et la réalité s'impose :
pour triompher véritablement, Batman et Jack Napier doivent
travailler ensemble, main dans la main, et se faire confiance. Mais
Jack cache un terrible secret : quelque part tapis au fond de
son inconscient, le Joker attend de reprendre le contrôle...
C'est
l'histoire d'une lutte sans fin et sans merci, pas celle de Batman et
du Joker, mais celle de Jack Napier et du Clown Prince du Crime. L'un
ne va pas sans l'autre, l'un est le reflet déformé et vicié de
l'autre, mais chacun diffère par ses choix et ses convictions et
motivations profondes. Jack Napier est un idéaliste convaincu de
pouvoir apporter plus à Gotham que ce que le Joker ne lui a pris
durant toutes ces années, y compris en s'en prenant à Batman et en
en faisant le cœur de sa bataille pour l'égalité et la justice. Si
dans un premier temps le lecteur attentif, tout comme Batman, sera
méfiant et cherchera le moindre petit indice permettant de prouver
que le Joker est bien là et manipule tout le monde depuis le début,
force sera de constater... que Jack Napier est totalement sincère.
Personnage tragique, poignant et terriblement juste dans son écriture
comme dans ses attitudes et volontés, il est le vrai héros de cette
histoire, le Chevalier Blanc dont Gotham n'avait aucune idée de
l'existence, quelque part loin sous le masque de la folie. Et, tout
comme Batman là encore, le lecteur finit par comprendre que nos deux
anciens ennemis doivent collaborer ensemble s'ils veulent vraiment
parvenir au plus grand bien pour Gotham, même si ça signifie tirer
un trait sur des années de complots, d'attaques vicieuses et de
manipulations en tous genres.
Si
l'attention est pratiquement tout le temps focalisée sur Jack Napier
et sur Batman, c'est cependant des personnages féminins que viendra
le vent du changement. En effet, Batgirl incarne la voix de la raison
pour Batman comme pour Nightwing et se posera souvent en balance
entre les deux, plus facilement consciente des choses essentielles et
analytique dans ses réflexions. Mais le vrai personnage fort de
cette histoire c'est Harley Quinn, ou plutôt Harleen Quinzel. Car
très vite nous nous rendons compte que s'il existe deux personnes
distinctes chez le Joker, c'est également et physiquement le cas
chez Harley : l'une est fidèle à l'homme qu'elle aime et a
toujours appris à respecter et à soutenir, tandis que l'autre ne
voit que la passion du chaos et l'excitation de la débauche. Deux
versions d'un même personnage, ici incarnées toutes les deux
physiquement par deux femmes distinctes et bien différentes l'une de
l'autre, une version plus proche de l'originale et une autre plus
actuelle et dénuée de retenue. Jack devra faire son choix lui aussi
entre ces deux voies qui s'offrent à lui, et comme bien souvent il
se montrera capable de faire le bon choix avec l'aide adaptée. Ce
n'est pas un mystère ni vraiment un spoiler de le dire ici, c'est
pratiquement entièrement grâce au personnage de la vraie Harleen
que tout tient debout et que Jack Napier se montre cohérent et
efficace. Sean Murphy a rendu justice à bien des gens impliqués
dans les différentes phases de création et les apparences de Batman
et de son univers. Le fan attentif aura rapidement identifié les
éléments du scénario issus des films de Nolan, Tim Burton ET de
Joel Schumacher, y compris une bonne partie du tristement célèbre
Batman & Robin
de 1997. Oui, vous avez bien lu, Murphy parvient ici à réaliser le
tour de force de nous faire apprécier ce film maudit et à faire
ressortir ses meilleurs aspects et atouts au service d'une histoire
plus poignante encore et plus plausible, plus proche de la réalité.
A l'image de son Jack Napier qui veut redorer le blason de la police
et de la ville qu'il aime, Sean Murphy veut rendre à Batman son
lustre d'antant, dans toute sa splendeur, en prenant même en compte
le plus ridicule et le moins apprécié.
Batman
– White Knight
n'est pas seulement un très bon comics et une très bonne histoire
indépendante de Batman, c'est aussi l'un des plus beaux hommages que
j'ai pu lire à ce personnage et à tout son historique, depuis 1939
jusqu'à nos jours, sans en perdre une miette. En quelques chapitres
à peine d'une histoire pleine de sens et de valeurs, l'auteur
parvient à nous réapprendre à aimer l'univers de Batman pour tout
ce qu'il est, a été et sera encore. C'est l'une de mes lectures
coup-de-coeur de l'année 2018, et je suis profondément heureux de
voir qu'Urban en a fait une magnifique édition très travaillée
avec de nombreux bonus graphiques. Je ne suis pas forcément fan du
design général de l’œuvre, mais sa portée en revanche et son
scénario me séduisent immédiatement dès les premières pages.
J'espère qu'il en sera de même pour vous, car si vous pensiez
connaître sur le bout des doigts le Batman vous verrez bien vite
qu'il vous reste beaucoup à apprendre et à accepter !
Sur
ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite
une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un
nouvel article !
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