Émilie
est internée dans un institut psychiatrique pour cas assez pointus
et désespérés, Fort Orée. Droguée et amnésique, elle ne se
rappelle d'aucun élément de son passé, ni des raisons qui l'ont
faite interner ici. Elle est d'une grande beauté dit-on, vulnérable
également et soumise aux caprices et attouchements du Docteur
Charron, le psychiatre en charge de lui faire avouer ses crimes. Car
apparemment, Émilie aurait tué plusieurs personnes par le passé,
mais elle ne s'en souvient pas. Tout est flou, et même les viols
répétés du Docteur Charron ne parviennent pas à la tirer de sa
transe, quand bien même un infirmier sensible à sa détresse
parviendrait de justesse à lui permettre de s'évader. Commence
alors pour Émilie une échappée belle dans une forêt qu'on pourrait
dire hantée, où les chemins sont trompeurs et où tout peut se
produire, à commencer par la rencontre avec une terrible sorcière
noyée cherchant à assouvir son impitoyable désir de vengeance. Là,
au cœur des bois, notre infortunée va se retrouver dans un luxueux
manoir sorti de nulle part, vide, qui lui servira de refuge contre
les éléments et contre la sorcière des bois... mais elle
découvrira rapidement que l'endroit renferme lui aussi son lot de
lourds et inavouables secrets, des horreurs sans nom qui s'y sont
produites et s'y produisent encore à la nuit tombée. Émilie sera
prise au piège et forcée de jouer à ce jeu pervers du chat et de
la souris, remontant peu à peu le cours des événements et
assistant aux meurtres sanglants des tortionnaires habitant le
manoir, avant d'être de nouveau la proie de la sorcière et de sa
lugubre histoire. Mais tout au long de ce récit, une question se
pose : qui est réellement Émilie ? Blanche colombe
égarée, ou psychopathe sanguinaire ? Au lecteur de trancher,
si tant est qu'il puisse survivre lui aussi à cette plongée dans
les eaux tumultueuses de la folie furieuse...
J'ai
été attiré dès le départ par ces Contes interdits,
cherchant tout d'abord des renseignements en librairie sur leur
parution, les auteurs, l'éditeur... ils viennent du Québec, douce
province à l'accent chantant, et se proposent de revisiter avec un
niveau de langue assez soutenu les contes d'autrefois, les belles
histoires de notre patrimoine de l'imaginaire, celles-la mêmes qui
ont fait le succès des studios Disney entre autres. Ici, L. P.
Sicard nous entraîne dans une relecture moderne et macabre de
Blanche Neige, où
tout le merveilleux cède la place à l'horreur et à l'effroi pur.
La perdition du personnage principal, son errance dans la folie, les
tourments dont elle est victime ou bien bourreau... rien n'est jamais
vraiment certain dans ce conte cruel et sanguinolent, et même arrive
à la toute fin le lecteur devra encore se poser bien des questions
pour tenter de donner un sens à cette aventure au bord du gouffre.
Comme je le disais plus haut, le niveau de langue est assez soutenu,
les mots choisis avec soin et poésie, une certaine habileté venant
de l'habitude, et même dirai-je une virtuosité à nous faire
naviguer au cœur de la tempête. Si certains passages sont d'un cru
cruellement réaliste, ce n'est que pour mieux mettre en valeur la
structure du conte dans toute son horreur. Âmes sensibles
s'abstenir, jeune public également, car il faut avoir le cœur bien
accroché pour rester jusqu'au bout, quand l'unique flamme de raison
finit par s'éteindre et nous plonge dans une nuit sans fin...
Sur
ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite
une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un
nouvel article !
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