Les
comics, ce n'est pas que Marvel ou DC. C'est aussi une myriade
d'éditeurs moins imposants mais tout aussi importants dans
l'industrie, ceux que l'on appelle les Indépendants, et dont le plus
gros reste à ce jour et depuis sa création Image Comics. C'est chez
eux que l'on trouve de petites merveilles telles que Saga,
par exemple. Ou encore le comics dont je m'apprête à vous parler,
sorti chez nous en Juillet dernier chez Delcourt, et sobrement
intitulé Sexe.
Scénarisé par Joe Casey et dessiné par Piotr Kowalski, ce récit
passionnant nous propose un concept atypique : imaginez un
super-héros semblable à ce bon vieux Bruce Wayne, ayant traversé
un soudain passage à vide et décidant de raccrocher sa cape et son
masque pour se consacrer entièrement à sa vie civile, au sein de sa
cité idéale de modernisme ?
C'est le cas de Simon Cooke, milliardaire et PDG d'une
compagnie internationale basée à Saturn City, la ville du progrès.
Simon a aussi été connu pendant des années sous le nom du Saint en
Armure, un justicier combattant le crime à l'aide de gadgets et d'un
entraînement intensif, dans le but de nettoyer Saturn City de la
vermine qui la gangrène dans l'ombre. Mais voilà, suite au décès
d'une personne très proche de lui, Simon décide, après un temps de
réflexion, de remiser son costume et d'abandonner sa vie de
super-héros pour revenir sur le devant de la scène en tant que
Simon Cooke, et rien de plus. Avec l'idée de changer les choses en
plein jour et à la vue de tous dans le domaine public, il n'était
cependant pas préparé à ce qui allait suivre : la difficulté
de se réadapter au milieu des civils. Et surtout, en côtoyant
chaque jour le vice et la décadence de cette ville trop parfaite où
les pauvres sont livrés à eux-mêmes et où les riches ne demandent
qu'à s'encanailler pour se distraire. Difficile de comprendre tout
cela lorsque l'on a été l'un des êtres les plus vertueux de la
ville durant des années, mais il faut pourtant faire bonne figure et
accepter bon gré mal gré de se ''mettre à la page''. Il pourrait
même y avoir de bonnes surprises, comme de retrouver une ancienne
alliée costumée sous son visage civil également et commencer un
nouveau genre de jeu du chat et de la souris avec elle, un peu comme
au bon vieux temps finalement. A ceci près qu'il faut ajouter le
stress de la position à temps plein de PDG d'une entreprise si
renommée et cruciale pour l'économie locale et nationale, ainsi que
la recrudescence du crime qui désormais ne se cache même plus pour
mener ses affaires. Comme si finalement, l'action du Saint en Armure
n'avait servie à rien durant tout ce temps, et que son départ n'ait
fait qu'accélérer les choses. Dans ces conditions, à quoi bon
rester droit et immaculé alors que tout fout le camp et que la
tentation s'intensifie d'enfin connaître le mauvais côté de la
vie, la décadence, le laisser-aller lascif des soirées mondaines,
l'exercice du pouvoir social, celui de l'argent... le sexe. Sous bien
des formes. Une nouvelle vie commence pour Simon Cooke, bien loin du
héros qu'il était et qu'il persiste à vouloir rester, quoique
moins vivement à mesure que le temps passe. Une vie dans laquelle il
a encore tant de choses à apprendre, à découvrir... et dont il
tâchera de profiter.
Grandeur
et décadence d'une idole, non pas déchue cette fois-ci mais l'idée
est bien présente. Que devient un héros lorsqu'il prend sa
retraite, comment revenir à la vie civile et comme appréhender
toutes les facettes de cette existence, partagée entre le bien et le
mal, entre le vice et la vertu, où rien n'est tout blanc ou tout
noir mais tout en nuances de gris (tiens tiens...) ? Sexe,
c'est le récit inédit et novateur de cette chute morale, qui n'en
est vraiment une que selon le point de vue que le lecteur choisira
d'adopter durant son expérience de découverte. Beaucoup de
questions morales et sociologiques, psychologiques, seront posées au
lecteur dans ce premier tome, en guise de sous-texte faisant
réfléchir à notre propre société et à ses valeurs si facilement
déformables voir oubliables. Simon, après toutes ces années de
droiture et de service aux autres, n'a-t-il pas le droit aujourd'hui
de s'éclater comme une bête lui aussi et de bouffer la vie à
pleines dents ? Un héros doit-il forcément s'interdire de
connaître le plaisir, charnel ou autre, pour avoir le droit d'être
appelé ainsi ? Est-ce vraiment la société qui fait chuter nos
idoles, ou bien est-ce inscrit bien plus profondément dans notre
nature ? Et bien d'autres questions possibles encore, suivant
vos propres impressions et votre caractère.
Pour ma part ce fut une bonne surprise que ce premier
tome, acheté un peu sur un coup de tête après de petites
recherches, dans un moment de creux l'été dernier. Et je ne le
regrette nullement à présent que je (crois) saisir les enjeux et
questionnements de cette série, et tout le potentiel d’innovation
et d'exploration qu'elle nous réserve encore. Comme quoi, et ça
rejoint mine de rien le thème central de l'histoire, ce n'est jamais
mauvais de vouloir tester de nouvelles choses et de découvrir de
nouveaux horizons par curiosité, tant que l'on sait ce que l'on veut
et ce que l'on aime !
Avertissement
toutefois, Sexe
se destine clairement à un public de préférence adulte ou du moins
assez mature et averti pour en comprendre les images ainsi que la
volonté, au-delà du choquant. A ne pas mettre entre toutes les
mains et à ne conseiller qu'à celles et ceux qui sont prêts à
appréhender correctement tout cela.
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et
je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver
bientôt pour un nouvel article !
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