Encore
un récit de la collection ''DC Nemesis'' de chez Urban, me
direz-vous ? C'est vrai que c'est une collection que
j'affectionne tout particulièrement, un peu comme ''Marvel Dark''
chez Panini, en raison de ses histoires plus sombres qu'ailleurs. Et
les vilains de DC Comics sont tout de même, pour ceux de Batman,
bien plus emblématiques et passionnants que la plupart de ceux de
Marvel ! C'est d'ailleurs le cas de celui-ci, le professeur Hugo
Strange, docteur en psychiatrie officiant à Gotham City et grand
obsédé par Batman depuis l'apparition du justicier. Ennemi de ses
premières heures, Strange a tout tenté pour briser
psychologiquement la Chauve-Souris, l'amener à se trahir et
découvrir son identité secrète, dans le but de le démasquer
publiquement mais surtout de prendre sa place, symboliquement
parlant. Pour faire cesser son obsession, Strange doit tuer le
Batman, le personnage construit de ce héros trop parfait, de cet
idéal inaccessible pour lui. Et si pour cela il doit également tuer
l'homme sous la cape, qu'à cela ne tienne ! Doug Moench et le
dessinateur Paul Gulacy nous replongent avec brio et intelligence
dans les premières années d'aventures de Batman, revisitées pour
les décennies suivantes (celles de la série Legend
of the Dark Knight),
en tâchant de retranscrire le ton très sombre et violent de
l'époque, cette fin des années '30 où les récits pulps étaient
encore la norme et où les enquêtes se terminaient souvent de triste
manière.
Ainsi,
dans cette histoire, nous assistons aux toutes premières apparitions
du Batman à Gotham, comme dans Année
Un.
Tandis que l'opinion publique se divise rapidement sur les
motivations et la valeur de l'action d'un tel justicier, le
professeur Hugo Strange apparaît comme un sérieux détracteur du
Chevalier Noir et propose ses services à la mairie afin de le
démasquer et de le livrer à la police, en établissant son profil
psychologique et en menant à la création d'une brigade
d'intervention spéciale chargée de traquer et d'arrêter Batman par
tous les moyens. Gotham devient alors le théâtre d'une sanguinaire
lutte d'influence, entre Strange qui gagne peu à peu du terrain et
Gordon qui tente tout son possible pour protéger son allié, quitte
à se mettre lui-même dans une situation très délicate vis à vis
des autorités. Sans parler du justicier, qui en vient doucement à
douter de sa propre santé mentale et qui se perd dans les fantômes
de son passé, les ombres de ses traumatismes et de la création du
personnage de Batman à partir de l'enfant brisé que fut Bruce
Wayne. Strange monte alors sa campagne d'un cran en faisant sien le
pouvoir des médias, et lance une véritable propagande de
harcèlement à l'encontre de Batman, arrachant un à un tous les
détails le conduisant vers son inévitable conclusion, la véritable
identité du Chevalier Noir. Dès lors, il ne peut plus y avoir qu'un
dénouement possible : la disparition de la Chauve-Souris, ou
celle d'Hugo Strange. Le duel psychologique entre les deux hommes
prend une tournure de plus en plus violente à mesure que la fin se
rapproche, inexorablement, et que les premières victimes
collatérales s’amoncellent... et sur toutes les lèvres, y compris
celles des protagonistes, la même question se pose encore et
encore : qui est vraiment sain d'esprit ?
Après la conclusion brutale de la première histoire,
nous avons droit à un second récit d'envergure, se déroulant
quelques années plus tard, avec le retour d'Hugo Strange et la mise
en place de son implacable vengeance, déterminé à détruire Batman
une fois pour toutes et à se libérer de sa dangereuse obsession.
Pour cela, il commettra l'irréparable et s'arrangera pour faire
sortir d'Arkham le tristement célèbre Jonathan Crane, alias
l'Epouvantail, psychologiquement brisé par ses premiers
affrontements avec la Chauve-Souris, et que Strange va entreprendre
de regonfler à bloc pour se servir de son gaz de terreur, tout en le
maintenant sous son emprise thérapeutique. Mais cette fois, le
psychiatre semble avoir trouvé plus fou que lui, et très rapidement
la situation échappe totalement à son contrôle et l'Epouvantail se
rebelle, ivre de rage et du désir de vengeance envers toutes les
personnes l'ayant torturé et humilié durant sa jeunesse, jusqu'à
Batman et Strange eux-mêmes. Ce qui était jusque là une
machination bien huilée se transforme alors en véritable cauchemar,
qui poussera Batman dans ses derniers retranchements et le plongera
dans la folie de l'Epouvantail ainsi que dans ses propres peurs les
plus secrètes et profondément enfouies, là d'où nul ne revient
indemne. Quoi qu'il arrive, quelle que soit l'issue de ce combat
désespéré pour la survie, les blessures infligées au héros ne se
refermeront sans doute jamais complètement et feront de lui le
justicier que nous connaissons...
Deux
très très bonnes histoires, j'ai tout particulièrement aimé la
seconde je dois dire, même si la première est vraiment magistrale
de bout en bout, une sorte de thriller psychologique absolument
intense qui nous tient en haleine jusqu'à la résolution finale, et
même au-delà. Un véritable chef-d’œuvre d'écriture et de mise
en scène, comme on en voit trop rarement depuis. Quant à la seconde
histoire donc, c'est tout simplement sans doute la meilleure histoire
que j'ai pu lire avec l'Epouvantail, ainsi que sur la relation
naissante entre Batman et Catwoman (qui apparaît dès le premier
récit) qui déterminera nombre des éléments futurs pour ces deux
personnages. C'est une plongée merveilleuse dans le passé du héros
et de son univers, de ses plus intimes combats, qui permet à un
public plus jeune de comprendre un peu mieux les doutes et les
faiblesses de l'homme chauve-souris et de s'enfoncer dans la noirceur
de ses origines les plus douloureuses. Le dessin vieillot de la
première histoire, Proie,
est un bon moyen de voyager entre les époques et de retrouver
l'ambiance feuilletonnesque des premières années des parutions sur
Batman, tandis que le style graphique de la seconde, Terreur,
est digne d'un film (vous noterez par ailleurs les petites références
à la Gotham de Tim Burton, j'ignore qui est venu en premier mais
tout est lié c'est assez clair) et est extrêmement agréable à
regarder.
N'hésitez
donc pas longtemps avant de vous prendre cet album, La
proie d'Hugo Strange
est une véritable mine d'informations pour les lecteurs les plus
anciens comme les plus récents, il vous permettra de vous
familiariser avec l'un des ennemis les plus acharnés et intimistes
de Batman et vous proposera une virée dans la psyché du héros que
vous n'êtes pas prêts d'oublier de sitôt. Toutes les promesses
faites par Urban au dos de l'album lors du résumé et de sa
présentation sont donc tenues selon moi !
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et
je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver
bientôt pour un nouvel article !
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