samedi 28 février 2015

Lady Death tome 1 (French Eyes - Août 2013)


Petite pause dans les sorties cette semaine, je n'ai rien d'actuel à me mettre sous la dent, du coup ai-je décidé de piocher dans mes réserves inépuisables de lecture en retard. Et j'ai eu envie de vous parler des bad-girls. Phénomène de mode, de société ou de génération, appelez ça comme vous voulez, l'idée germe et se développe durant les années '90, notre enfance bénie, terreau on ne peut plus fertile de l'imaginaire débridé qui casse tout. Dans le monde de l'industrie des comics, de nouveaux courants de pensée voient le jour, de nouveaux éditeurs apparaissent pour grignoter le marché entre les deux géants, et le succès sourit aux personnages qui sortent du lot, qui sont classés comme atypiques et brisant un peu tous les genres et les codes de l'époque, qui n'obéissent qu'à leur propre loi et mènent leur vie selon leur credo bien à eux, loin des motivations héroïques et morales classiques. Chez DC, cette vague underground va donner le Mec-Plus-Ultra, l'inégalable Lobo. Chez Marvel, nous allons voir les mutants exploser les scores de popularité sous le crayon de Jim Lee, qui ensuite rejoindra McFarlane et consort pour fonder Image Comics et plus particulièrement le label Wildstorm en ce qui le concerne, avec des séries comme WildC.A.T.S. au style très reconnaissable.
Globalement l'idée de base de cette décennie c'est l'indépendance, s'affranchir de tout ce qui se faisait auparavant et des dogmes en vigueur, mener sa barque comme bon le semble et ne rester fidèle qu'à soi-même. Et quelle partie de la société a bien besoin de gagner son indépendance et de la défendre farouchement, dans la vie comme dans les comics ? Les femmes, les héroïnes, toujours dans l'ombre de ces messieurs si musclés et si intelligents. Les années '90 voient les femmes conquérir les premières places dans les classements de popularité, parfois même se tailler la part du lion en ce qui concerne les ventes chaque mois (le succès de Darkchylde de Randy Queen, parvenant dès ses premiers numéros à dépasser les ventes de Batman ou Spider-Man, fait office de référence). Le public réclame des héroïnes fortes et volontaires, libres, indépendantes, en remontrant aux hommes, dans des histoires mouvementées et palpitantes et bien sûr sensuelles. Finie la gentille fille restant dans son coin, finie la super-héroïne servant le plus souvent de renfort ou de soutien, maintenant les filles plongent au cœur de l'action et ne se laissent plus détrôner. Le public veut des bad-girls !

Et l'industrie en perpétuelle évolution qu'est l'édition de comics va lui en fournir une chiée, de ces bad-girls. En veux-tu en voilà, partout chez tout le monde, des plus gros éditeurs aux plus petits, et même surtout chez les plus petits, bien placés puisque classés Indépendants dans le milieu. Héroïnes de lumière comme de l'ombre, méchantes charismatiques et sexy, amoureuses passionnées ou intellectuelles de génie.

Lady Death se charge d'essuyer les plâtres en la matière, dès sa création en 1991 pour Eternity Comics, qui la cédera très vite à Chaos ! Comics dès 1993 qui couvrira le plus gros de sa carrière et de son succès. Héroïne autant que méchante, personnage au passé tragique ayant repris sa vie en mains après sa mort et menant le monde souterrain d'une poigne de fer, terrassant ses ennemis sans pitié, asseyant son pouvoir sur le trône infernal, usant de magie noire autant que de charmes féminins, toujours pour défendre sa cause et parvenir à retrouver l'objet de sa quête, sa mère brutalement arrachée à son affection. Inutile de chercher à résumer ou présenter davantage le passé du personnage, sachez en substance qu'il s'agit d'une humaine prénommée Hope de sa Suède médiévale, flouée lors d'un pacte démoniaque pour sauver l'âme de sa mère condamnée pour sorcellerie, devenue une déesse de la mort et nouvelle souveraine du Monde Souterrain, les Enfers, après en avoir arraché le trône à Lucifer en personne au terme d'une guerre impitoyable, et condamnée par la malédiction de ce dernier à ne plus jamais pouvoir retrouver le monde des mortels.
Le quotidien de Lady Death est fait de rage, de sang, de passion et de magie noire. Elle fait partie de ces personnages que l'on classe sous le qualificatif de ''borderline'', comprenez en cela qu'elle est toujours sur le fil du rasoir moral et qu'elle peut basculer d'un côté ou de l'autre sans prévenir, par ses actions autant que par ses réflexions. Elle n'appartient ni au Bien ni au Mal, elle est un peu des deux à la fois et s'affranchit de ces schémas classiques de forces en opposition. Il n'y a pour elle que deux camps distincts : le sien, et les autres. Quoi qu'elle fasse, elle le fait toujours en accord avec elle-même et ses propres valeurs et désirs, et toujours dans le but de parvenir à retrouver sa mère un beau jour.
Évidemment, elle a quand même des ennemis, des opposants qui voudraient lui ravir le trône des Enfers, donc une certaine idée de la dichotomie existe bel et bien. Lady Demon, Purgatori, la Reine Death... autant d'adversaires que de buts personnels à atteindre et d'histoires différentes.

Si je prends le temps de vous parler de tout cela, c'est qu'il est nécessaire de bien comprendre le personnage avant d'aborder sa parution en France, assez chaotique (blague inside). En V.O. on compte pas moins de quatre éditeurs s'étant refilés le bébé : Eternity Comics (1991-1993), Chaos ! Comics (1993-2002), CrossGen Comics (2003-2004) et enfin Avatar Press jusqu'à nos jours. Beaucoup des meilleures histoires du personnage sont celles des années '90 de Chaos !, et Avatar se content de publier du nouveau matériel et de nouvelles séries maintenant l'intérêt dans le cœur des fans de l'époque mais ne parvenant pas réellement à accrocher un nouveau public. Les séries vivotent dans leur coin, tranquillement, suivies fidèlement par une minorité.
En France, deux parutions notables : Medieval Lady Death, un unique tome chez Milady (Bragelonne) en 2010 et reprenant le début d'une série datant de 2005 en V.O. chez Avatar. Le succès n'est pas au rendez-vous et Milady s'arrêtera là, les tomes suivants ne paraîtront donc jamais. Les droits de publication passent alors entre les mains de French Eyes, filiale de Summer Média (Dr. Who, Hellraiser, True Blood, River Dream, Zombies Tales, Dracula la comparnie des monstres) qui sort en Août 2013 un premier tome couvrant le début de la nouvelle série datée de 2010 toujours chez Avatar, offrant un nouvel âge pour l'héroïne et son univers, une ère de renouveau où tous les codes sont chamboulés. Nous sommes en 2015 et il n'est toujours pas question apparemment d'une sortie d'un éventuel ''tome 2'', donc je crois qu'on peut se dire qu'on l'a dans l'os à nouveau et qu'il faudra attendre un autre éditeur courageux. Il est vrai que Lady Death est, à l'instar de beaucoup de ses sœurs, ce que l'on appelle une série de niche, s'adressant à un public très restreint de lecteurs et n'arrivant pratiquement jamais à sortir de son cadre pour en toucher de nouveaux. En France la niche n'est visiblement pas assez importante pour faire durer une parution en librairie sur le long terme, donc si vous êtes intéressés il vous faudra vous tourner vers la V.O. … car il y avait jusqu'à récemment encore une initiative de l'éditeur Lyonnais Lugdunum Presse sur Mymajorcompany de créer un magazine en kiosque pour publier régulièrement du Lady Death en V.F.. Malheureusement, le projet lancé le 26 Janvier dernier a capoté et a été annulé le 16 Février, n'ayant pas du tout atteint l'objectif escompté et n'ayant trouvé que très peu de contributeurs, justement sans doute en raison de cette niche très étroite de lecteurs en France.

Pour en finir et revenir à ce tome précis chez French Eyes, qui est mon sujet principal mine de rien : Lady Death a été vaincue et détrônée par celle qui se fait appeler Queen Death, et fut bannie dans le monde mortel privée de ses souvenirs, de ses pouvoirs et de son identité. Tandis qu'au sein des Enfers la révolte gronde contre le nouveau régime teinté de folie aveugle, celle que l'on nomme désormais Illadra la voleuse va entreprendre un péril tout autour du monde afin de retrouver les morceaux épars de sa conscience et de son passé, pour redevenir celle qu'elle était et peut-être réussir à reprendre les rênes de son royaume infernal avant qu'il ne soit trop tard et que l'ensemble des mondes ne connaisse une Apocalypse prématurée.

Un peu Tsubasa RESERVoir CHRoNiCLE sur les bords me direz-vous, et vous auriez diablement raison car les parallèles sont assez nombreux et flagrants tant les concepts des deux univers se ressemblent. Cependant là ce n'est ni mignon ni gentillet, c'est sanglant et corrosif, pas tout à fait pour lecteurs avertis mais plutôt pour lecteurs initiés, dirons-nous. Vu que de toute manière il n'y a qu'eux qui achètent...
Un premier tome peut-être mal rythmé par moments, pas chapitré (pas bien !) mais plutôt bien dessiné et raconté, et surtout très bien édité par French Eyes, on est loin du papier de mauvaise qualité (et mauvaise odeur) de Dracula la compagnie des monstres dont je vous ai déjà parlé il y a quelque mois. La traduction est bonne, souffrant cependant de deux ou trois coquilles malvenues ou erreurs de mise en page, mais rien de grave ni de fondamentalement dérangeant pour la lecture. On en retrouve aussi chez Urban, alors bon. L'histoire se lit vite, se suit bien, le dessin est bon, les couleurs sont belles, le plaisir et le confort de lecture sont au rendez-vous, bref donnez sa chance à ce tome 1 qui, peut-être dans un avenir pas trop lointain espérons-le, pourrait avoir des petits frères qui nous offriraient enfin la fin de cette série en 29 numéros (et donc 6 ou 7 en V.F. dans ce tome). Ayez pitié, French Eyes, la fin de ce premier tome nous laisse vraiment sur une action décisive et sur notre faim !

La prochaine fois nous parlerons d'une autre bad-girl avec une très longue carrière derrière elle et une parution tout aussi spéciale en France, alors préparez-vous à être frustrés. C'est comme ça quand on veut suivre ces dames par chez nous !

Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

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