Voilà maintenant bientôt
trois ans (et quatre pour la Wii U) que les consoles dites de 8ème
génération sont arrivées dans nos chaumières. Chaque génération
est l'occasion pour les studios de jeu-vidéo de proposer de nouveaux
concepts qui débouchent parfois sur des nouveaux genres à part
entière. Si d'habitude Nintendo n'est pas un grand pourvoyeur de
nouvelle licence, préférant se reposer sur ses personnages phares
qu'il décline dans des jeux plus ou moins réussis, il n'en est pas
de même pour les éditeurs tiers travaillant plutôt sur Playstation
4, Xbox One et PC.
Et là il faut bien dire
que c'est le drame : comparativement aux générations
précédentes, très peu de nouveauté sont apparues. Comment
l'expliquer ?
Les facteurs sont
multiples, le premier, assez évident, c'est que l'industrie du
jeu-vidéo depuis maintenant une dizaine d'année et la 7ème
génération est une vraie industrie de loisir de masse à l'échelle
du cinéma. Forcément les coûts de développement et autre budget
marketing ont pris une telle ampleur que dorénavant pour les gros
éditeurs, il est impossible de se rater sur la sortie d'un gros jeu
(dit triple A ou AAA). Ceux-ci sont donc frileux à proposer de
nouveaux concepts et préfèrent rester sur des genres qui ont fait
leur preuve, et tant qu'à faire, autant rester sur des licences
connues et reconnues plutôt que de créer de nouveaux univers et
personnages dans ce cas.
Parallèlement à cela,
et alors que PS4 et Xbox One se vendent plutôt très bien, la
transition avec l'ancienne génération déjà pourtant anormalement
longue (il a fallu attendre 8 ans entre les deux Xbox et 7 pour les
deux Playstation contre une moyenne de 6 ans auparavant) fut
particulièrement compliquée. Pour les licences multi-plateformes
annuelles tel Fifa et autre Call of Duty, celle-ci
continuent de sortir sur les vénérables Playstation 3 et Xbox 360
qui ont dix ans ! Sur le marché japonais, qui il est vrai est
spécifique, les studios commencent à peine à lâcher la
Playstation 3 au profit d'un combo Playstation Vita (portable guère
plus puissante que la PS3) et Playstation 4. De fait les anciennes
licences ne profitent pas pleinement de la puissance des nouvelles
machines.
Et chose nouvelle dans
le milieu, même les nouvelles licences (comme Destiny et
Titanfall) se sont parfois retrouvées portées sur les
anciennes générations ! Sacrifiant ainsi l'effet de nouveauté
à celui de la profitabilité. Ce qui en soit est une aberration et
un non sens : l'attrait de la nouveauté (quelle qu'en soit la
qualité) a toujours eu pour but de nous faire craquer pour une
nouvelle machine. Si dorénavant les licences se trouvent être
portées sur tout les supports pour en rentabiliser le développement,
quel intérêt d'acheter les nouvelles générations de console ?
Preuve que même Nintendo qui essaye à chaque fois de proposer une
nouvelle façon de jouer avec ses produits, n'a pas réitéré le
carton de la Wii avec sa petite sœur la Wii U. Pas de vrai Mario
3D, un nouveau Zelda pas encore sorti et déjà annoncé
sur la nouvelle Nintendo sortant en début d'année prochaine (tiens,
tiens, tiens...), Mario Kart et Smash Bros qui ont mis
du temps à sortir. Le petit artisan de Kyoto a eu du mal a prendre
le virage des jeux HD. Mais quand il propose de nouvelles choses,
celles-ci fonctionnent, preuve que le public est friand de
nouveauté : Splatoon s'est très bien vendu au point de
tutoyer les ventes de Mario Kart 8, le concept atypique de
Mario Maker a
rencontré un franc succès, etc.
Autre soucis pour les
consoliers : le regain de forme du PC et l'intérêt que leur
portent les éditeurs tiers. Plutôt que de s'en distinguer comme par
le passé, Sony (et Microsoft dans une moindre mesure) a rapproché
l'architecture de sa PS4 des PC traditionnels pour en faciliter les
portages. Mais ce n'est pas sans poser des problèmes avec des
portages souvent de piètre qualité. Et la comparaison technique
entre console et PC lorsque ledit portage est bien fait est rarement
à l'avantage des consoliers. Moralité encore : quel intérêt
d'acquérir une machine déjà dépassée et sans licence exclusive ?
Sony ne s'y est pas
trompé en présentant sa Playstation 4 Pro (version gonflée aux
amphétamines du modèle de base) : l'adversaire c'est le PC,
vers lequel les utilisateurs les plus exigeants se tournent en ce
moment. Et quoi de mieux qu'une nouvelle licence maison tirant profit
du surplus de puissance de la PS4 Pro pour en faire la promotion me
direz-vous ? Voici Horizon, jeu très prometteur au
demeurant, qui devient le fer de lance de la communication du
Playstation Meeting !
Nous avons jusque lors
fait bien attention de ne pas mentionner un pan entier de
l'industrie, moteur de la créativité aujourd'hui : les
indépendants. Car si les gros éditeurs préfèrent se concentrer
sur les reboot de licences tombées plus ou moins en désuétude et
les portages HD de jeux de l'ère PS2-PS3, les éditeurs plus
confidentiels et les studios de développement plus modeste ont pris
le relais depuis maintenant dix ans. Justement et paradoxalement par
le biais du PC et du dématérialisé. Le carton de Steam a permis
une mis en avant conséquente de ces créateurs et le principe du
financement participatif a permis le retour de vieilles gloires du
jeu-vidéo et de nouveaux petits génies de se faire une place au
soleil. L'avantage étant que les budgets sont bien plus réduits et
donc la rentabilité plus facile, même si la profusion des
indépendants n'est pas sans commencer à poser des problèmes
évidents de visibilité quant à la promotion des projets, le bouche
à oreille ne fonctionnant pas toujours et le manque de publicité se
faisant alors cruellement sentir.
Mais il est indéniable
que le milieu des indépendants fût une vraie bouffée d'air frais
dans une industrie de plus en plus bouffie de son importance
financière et médiatique. Une sorte de retour aux sources, chez ces
pionniers des années 80-90, dans ce que l'on appelle l'âge d'or du
jeu-vidéo. Et si c'était finalement là que devait se trouver
l'équilibre des nouvelles licences ? Dans des concepts
originaux de petits jeux aux univers gigantesques des gros triple A,
l'émulation et l'inspiration de l'ensemble de l'industrie
vidéoludique est nécessaire afin de ne pas faire du surplace
forcément néfaste à tout le monde. Comme en cette fameuse année
1983 où la profusion de clones et de jeux à la qualité discutable
avait fait s'effondrer le marché à l'époque du grand Atari et
juste avant qu'un certain Nintendo ne pointe le bout de sa manette
avec la NES...
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