lundi 3 avril 2017

La question du lundi n°34 : Peut-on vraiment tuer un héros ?


Vaste question que celle-ci, les vilains du monde entier se la posent sans doute depuis des temps immémoriaux. Peut-on vraiment tuer un héros ? Un super-héros, qui plus est ?

Depuis les temps mythologiques, les héros de tous poils affrontent des dangers titanesques et sauvent la veuve et l'orphelin, rendant la justice et écrasant le Mal où qu'il se trouve. Les héros sont par définition les exemples que chacun s'emploie à suivre dans le cours de sa vie, les modèles auxquels on veut absolument ressembler et s'identifier car ils incarnent les meilleures valeurs humaines. Mais pour autant, chacun doit un jour mourir, et cela vaut même pour les héros. Mettre en scène la mort d'un héros est une tâche ardue, à laquelle s'emploient les metteurs en scène depuis l'Antiquité, notamment avec l'essort du genre de la tragédie grecque dont le principe est, je le rappelle, que le Bien finisse par triompher du Mal au prix de l'ultime sacrifice, n'échappant aucunement à la fatalité de son destin. Kurumada, si tu me lis, c'est pour toi.

À l'heure actuelle, ce sont les super-héros qui dominent le marché et l'imaginaire collectif, ce depuis bien avant les années '30 et la création du meilleur et plus iconique d'entre eux, Superman. De nos jours avec les films au cinéma, le genre est devenu grand public et séduit même les néophytes, les comics ont le vent en poupe depuis plusieurs décennies et générations. Aussi il devient plus compliqué de tuer un personnage iconique, hautement symbolique et adulé de tous. Pour autant les éditeurs ont essayé, dans les années '90 par exemple avec le très célèbre arc de La Mort de Superman, à lire absolument dans son entièreté. Batman, brisé par Bane durant le même temps, n'échappa pas bien longtemps à son triste sort puisqu'à la fin des années 2000 le voilà tué par Darkseid durant Final Crisis. Et même bien plus récemment, Marvel a réussi le pari fou de tuer l'intuable, Wolverine lui-même, dans La mort de Wolverine (à lire prochainement sur Radiophogeek). On comprend qu'après des années et des années de bons et loyaux services, il soit temps de tourner la page et de faire passer l'arme à gauche aux personnages ayant la plus longue carrière. Captain America n'y a pas coupé à la fin de Civil War (le comics, pas le film), lui qui officiait depuis la Seconde Guerre Mondiale. Au bout d'un moment, la continuité devient trop lourde à assumer, il y a trop de récits et d'aventures à prendre en compte pour comprendre l'évolution d'un personnage, aussi vaut-il mieux le faire partir sur une dernière note des plus héroïques et le remplacer durant un temps par un de ses acolytes (Nigthwing, X-23, Winter Soldier... choisissez, il y en a plein). Tuer un personnage familier et aimé des lecteurs, ça fait vendre également. Les récits les plus lus et achetés sont en général les premiers et les derniers d'un héros, quel qu'il soit. Mais la Mort est-elle vraiment le point final ultime des aventures d'un super-héros ? Là où nos héros de l'Antiquité mourraient avec dignité au combat, les super-héros de notre époque moderne eux se fichent de la Mort comme d'une vieille chaussette et en reviennent sans arrêt. Batman est en réalité transporté dans le passé, Superman n'est entré que dans un état ''proche de la mort'', Wolverine va bientôt revenir si l'on en croit les rumeurs et Thor a même vécu des aventures épiques dans l'au-delà en attendant sagement sa résurrection. Tous les super-héros qui ont un jour affronté la Mort, la vraie, en sont revenus pour vivre de nouvelles et passionnantes aventures. Parce que c'est ça que le public aime désormais, des héros qui se montrent plus forts que la Mort, plus forts que la fatalité, et capables de revenir d'entre les défunts pour reprendre leur éternel combat contre le Mal. Dans ces conditions, peut-on réellement tuer définitivement un personnage central tel que Batman, Superman, Wolverine, Thor, Captain America, Green Lantern, Flash, Charles Xavier, etc. ?

En vérité ce sont les éditeurs qui décident, du moins fonction du chiffre réalisé par la série de tel ou tel personnage. Lorsque le moment est venu, on tire le rideau sur l'un et l'on en met un autre en lumière, avant de mieux faire reparaître le précédent. Le système fonctionne et fait vendre, ce qui est le principal argument commercial de tout éditeur. Comment vendre le 958ème épisode des aventures de Untel ? En le tuant et en arrêtant la série... pour quelques temps, années ou mois, avant de le ramener à la vie et de recommencer presque à zéro, ramenant le public d'antan et permettant de faire découvrir le personnage tout neuf à une nouvelle génération.

Peut-on vraiment tuer un héros ? De nos jours bien moins aisément qu'autrefois, car son public le réclamera toujours et sa voix fait loi. La Mort devra se contenter de locataires temporaires de l'au-delà, car envers et contre tout nous aurons toujours besoin de nos héros pour nous éclairer et nous servir d'exemples. C'est ce qui fait qu'un héros, un vrai, reviendra toujours.

La question pourrait se poser pour les personnages secondaires, les acolytes... le cas de Jason Todd, le second Robin, fait école depuis les années '80 et 2000 qui virent sa mort et son retour. On oublie bien plus facilement un héros de second plan, et son décès peut même servir à renforcer le héros principal, qui ressortira plus fort de cette tragique expérience. Bucky Barnes revient ainsi des dizaines d'années après sa mort en tant que Winter Soldier, et Jason Todd en tant que Red Hood, soit pour seconder à nouveau leur mentor soit pour le tourmenter, mais dans tous les cas pour lui fournir une nouvelle épreuve dont il saura triompher.


Un jour qui sait, nous aurons peut-être l'occasion de voir mourir un héros pour de bon, qu'il soit secondaire ou principal, et ce jour sera à marquer d'une pierre blanche car réellement historique. À l'heure où la Fox décide de tuer Wolverine sur grand écran, mais où Marvel annonce son grand retour dans les comics pour bientôt, il serait plus que jamais temps de se décider et de prendre un vrai risque éditorial. Car à trop jouer avec la Mort, on finit par en dénaturer le concept, et la tragédie perd de son intérêt. À méditer.

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