Vampirella.
En voici une qui a fait fantasmer des générations entières de
lecteurs, depuis sa création en 1969 par Forrest J. Ackerman et
Frank Frazetta. La belle chasseuse de vampires, elle-même vampire
mais pas au sens où nous, le commun des mortels, l'entendons
habituellement. Issue du peuple-vampire de la planète Drakulon, où
le sang remplace l'eau et est source de vie pour les habitants de ce
monde (océans, mers, rivières, tout est fait de sang), Vampirella
se retrouve sur notre planète dans d'étranges circonstances dont
elle ne conserve pratiquement aucun souvenir (pas même de sa vie
d'avant ou de son monde d'origine), et entreprend de devenir
chasseuse de vampires pour protéger les innocents et assouvir sa
soif de sang avec celui des criminels... la plupart du temps. Dotée
des mêmes pouvoirs que les vampires classiques mais sans leurs
faiblesses, elle dispose d'avantages certains sur ses proies et se
révèle une excellente prédatrice, au point de grandement inquiéter
les organisations de vampires à travers le monde, qui la voient
comme une réelle menace à leur expansion et à leur projet de
domination des êtres humains. Car dans cette réalité il faut
savoir que les vampires ne sont pas des créatures solitaires et
déprimées par leur immortalité, non, ici il s'agit pratiquement de
familles criminelles très bien organisées sur le modèle des
mafias, touchant un peu à tout et préparant l'avènement d'un monde
nouveau, une ère où les humains serviront de bétail aux vampires,
qui trôneront en souverains incontestés sous un ciel où ne percera
jamais plus le moindre rayon du Soleil. Plutôt Métal comme concept,
non ?
L'histoire
de ce tome commence lorsque Vampirella réapparaît au grand jour,
après une longue période d'absence. On apprend qu'elle aurait été
tuée et envoyée en enfer par une ennemie particulièrement
puissante, mais que là-bas la belle chasseuse de vampires aurait
rencontré Lilith, la mère de tous les vampires, qui lui aurait
confié la mission d'exterminer ses enfants pour protéger le monde,
avant de la ressusciter. Désormais chargée de cette sainte mission,
Vampirella traque les grandes familles de vampires qui tentent de
renverser la pègre des grandes villes américaines pour prendre le
contrôle de ses réseaux et mener à bien leur sombre projet. Au
passage, elle recueillera Dixie Fattoni, fille d'un parrain de la
pègre de New York qui a été forcée par son bourreau de tuer son
père pour survivre. L'adolescente de 16 ans devient bien vite une
acolyte acharnée de Vampirella, ne rêvant que de se venger de
l'acte odieux qu'on l'a poussé à commettre, et d'exterminer elle
aussi le plus de vampires possible, comme sa sauveuse. Une longue
route qui les conduira jusqu'à Rome et à l'organisation connue sous
le nom d'Anti-Vatican, une secte religieuse de vampires ayant
détourné le message de la Bible et préparant la fin du monde des
mortels pour l'arrivée de celui des vampires et autres créatures
infernales. Aidées de façon inespérée par la loge des Bonnes
Soeurs Écarlates, de redoutables nonnes ayant dévoué leur vie
entière à la lutte contre le Mal par tous les moyens possibles,
Vampirella et Dixie vont pénétrer au cœur du sanctuaire du Pape
Noir pour tenter d'en finir une fois pour toutes avec ses projets
apocalyptiques. Ce sera aussi l'occasion pour chacune d'elles d'être
confrontée à son passé ainsi qu'à l'avenir : pour l'une, la
révélation partielle de ses origines, pour l'autre celle de sa fin
imminente et du destin de ses proches. Quel que soit le résultat de
cette opération, le monde ne sera jamais plus comme avant...
C'est
le tout premier récit de Vampirella que j'ai eu la chance de lire,
même si je connaissais le personnage depuis un bout de temps. J'en
suis ressorti vraiment fan, surtout que l'écriture à quatre mains
de génies tels que Grant Morrison et Mark Millar (fin des années
1990, quand ils s'entendaient encore) vous emporte tout au long du
récit sans jamais relâcher la pression ni l'intérêt de
l'histoire, les deux auteurs parvenant aussi à combler l'un et
l'autre leurs lacunes respectives en travaillant ensembles.
La
série des Vampirella
Masters Series
est celle qui comporte les récits parus entre 1988 et 2008 chez
l'éditeur Harris Publication, repris par Dynamite Entertainment en
2010. Composée de 7 tomes en V.O., l'idée était que Panini puisse
nous les faire paraître en V.F., mais nous n'avons eu droit qu'au
premier tome, L'éveil
du Mal,
en Octobre 2012. Depuis, plus rien, même pas une annonce. Je suppose
donc, connaissant la logique éditoriale de Panini, qu'il faudra nous
contenter de ça. Cela dit si ça vous intéresse il y a eu par le
passé d'autres histoires de Vampirella parues en français,
principalement chez Soleil dans les années 1990, mais aussi un peu
chez Semic. Armez-vous de courage et de patience et vous devriez
pouvoir trouver ça, moi en tout cas je vais tenter ma chance !
Dans
ce tome unique en V.F. nous avons donc le droit à deux arcs des
auteurs, celui appelé L'éveil
du Mal
et sa suite directe, La
guerre sainte.
Les deux récits se suffisent en eux-mêmes, les auteurs ayant
travaillé sur le modèle de récits en trois chapitres, pouvant se
rejoindre entre eux au besoin. Pour compléter l'album nous avons
aussi droit, et ça il faut reconnaître que c'est une excellente
chose de la part de Panini, au numéro spécial des 25 ans de
Vampirella intitulé La
Reine de Coeur sanglante,
récit one-shot passionnant et écrit par Grant Morrison, tandis que
Mark Millar de son côté signe le second one-shot Un
enfer glacial,
petite aventure de Vampirella en Arctique sur les traces d'une secte
de vampires s'adonnant aux plaisirs les plus vils. Deux récits de
qualité, qui détendent bien après la lecture haletante des
précédents, quoique celui de Morrison soit une belle histoire à
faire peur comme on les aime pour Halloween.
Quelle
est la recette du succès de Vampirella ? De la violence, des
répliques cinglantes, de l'humour bien noir et froid, un zeste de
cynisme, de l'érotisme et parfois même du sexe, ambiance
rock'n'roll à l'ancienne, hardrock et métal réunis autour du culte
du vampire dans l'imaginaire collectif. Ça dépote, ça envoie du
lourd dans tous les sens et ça ne nous pousse même pas à trop
réfléchir pour comprendre, bref du Morrison qui se lâche un peu la
bride et qui s'éclate, en compagnie du scénariste probablement le
plus violent de la profession dans ses écrits. Pour vous faire une
idée de leur coopération sur ce personnage et ces histoires, vous
pourrez lire les bonus qui retranscrivent pour vous les conversations
entre les deux auteurs, un gros délire ! Véritable icône tant
sexuelle que culturelle pour plusieurs générations, phénomène de
société à l'âge de la libération des mœurs et du rock,
résolument irrespectueux des convenances et totalement débridé, le
comic-book Vampirella
a sans doute connu ses meilleures heures sous cette période bénie
de la fin des années 1990, et je regrette grandement que Panini ne
fasse pas l'effort de publier la suite (d'autant plus dommage que
pour ce tome on a quand même le droit à un gros ''1'' sur la
tranche, en sachant que la suite n'arrivera jamais...). Un petit coup
de pouce du lectorat pourrait sans doute aider, alors toutes celles
et ceux qui ont aimé, faites-le-leur savoir !
Pourquoi,
en conclusion, ai-je choisi de parler de Vampirella durant ce mois
spécial ? Tout simplement pour la même raison qui m'a poussé,
entre autres, à vous parler de Carmilla.
Dans ce monde dicté par les canons masculins, il est à mon avis
bien utile de rappeler qu'il existe aussi des femmes fortes dans ce
domaine, et Vampirella est sans doute la plus forte et la plus badass
que l'on puisse rencontrer. Et en plus elle est écrite admirablement
et de façon très féminine par des auteurs masculins, preuve qu'ils
en ont compris toute l'essence et qu'ils la respectent. Pouvoir aux
filles !
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et
je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver
bientôt pour un nouvel article !
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