Petite
pause dans les sorties cette semaine, je n'ai rien d'actuel à me
mettre sous la dent, du coup ai-je décidé de piocher dans mes
réserves inépuisables de lecture en retard. Et j'ai eu envie de
vous parler des bad-girls. Phénomène de mode, de société ou de
génération, appelez ça comme vous voulez, l'idée germe et se
développe durant les années '90, notre enfance bénie, terreau on
ne peut plus fertile de l'imaginaire débridé qui casse tout. Dans
le monde de l'industrie des comics, de nouveaux courants de pensée
voient le jour, de nouveaux éditeurs apparaissent pour grignoter le
marché entre les deux géants, et le succès sourit aux personnages
qui sortent du lot, qui sont classés comme atypiques et brisant un
peu tous les genres et les codes de l'époque, qui n'obéissent qu'à
leur propre loi et mènent leur vie selon leur credo bien à eux,
loin des motivations héroïques et morales classiques. Chez DC,
cette vague underground va donner le Mec-Plus-Ultra, l'inégalable
Lobo. Chez Marvel, nous allons voir les mutants exploser les scores
de popularité sous le crayon de Jim Lee, qui ensuite rejoindra
McFarlane et consort pour fonder Image Comics et plus
particulièrement le label Wildstorm en ce qui le concerne, avec des
séries comme WildC.A.T.S.
au style très reconnaissable.
Globalement
l'idée de base de cette décennie c'est l'indépendance,
s'affranchir de tout ce qui se faisait auparavant et des dogmes en
vigueur, mener sa barque comme bon le semble et ne rester fidèle
qu'à soi-même. Et quelle partie de la société a bien besoin de
gagner son indépendance et de la défendre farouchement, dans la vie
comme dans les comics ? Les femmes, les héroïnes, toujours
dans l'ombre de ces messieurs si musclés et si intelligents. Les
années '90 voient les femmes conquérir les premières places dans
les classements de popularité, parfois même se tailler la part du
lion en ce qui concerne les ventes chaque mois (le succès de
Darkchylde
de Randy Queen, parvenant dès ses premiers numéros à dépasser les
ventes de Batman
ou Spider-Man,
fait office de référence). Le public réclame des héroïnes fortes
et volontaires, libres, indépendantes, en remontrant aux hommes,
dans des histoires mouvementées et palpitantes et bien sûr
sensuelles. Finie la gentille fille restant dans son coin, finie la
super-héroïne servant le plus souvent de renfort ou de soutien,
maintenant les filles plongent au cœur de l'action et ne se laissent
plus détrôner. Le public veut des bad-girls !
Et l'industrie en perpétuelle évolution qu'est
l'édition de comics va lui en fournir une chiée, de ces bad-girls.
En veux-tu en voilà, partout chez tout le monde, des plus gros
éditeurs aux plus petits, et même surtout chez les plus petits,
bien placés puisque classés Indépendants dans le milieu. Héroïnes
de lumière comme de l'ombre, méchantes charismatiques et sexy,
amoureuses passionnées ou intellectuelles de génie.
Lady
Death se charge d'essuyer les plâtres en la matière, dès sa
création en 1991 pour Eternity
Comics,
qui la cédera très vite à Chaos !
Comics
dès 1993 qui couvrira le plus gros de sa carrière et de son succès.
Héroïne autant que méchante, personnage au passé tragique ayant
repris sa vie en mains après sa mort et menant le monde souterrain
d'une poigne de fer, terrassant ses ennemis sans pitié, asseyant son
pouvoir sur le trône infernal, usant de magie noire autant que de
charmes féminins, toujours pour défendre sa cause et parvenir à
retrouver l'objet de sa quête, sa mère brutalement arrachée à son
affection. Inutile de chercher à résumer ou présenter davantage le
passé du personnage, sachez en substance qu'il s'agit d'une humaine
prénommée Hope de sa Suède médiévale, flouée lors d'un pacte
démoniaque pour sauver l'âme de sa mère condamnée pour
sorcellerie, devenue une déesse de la mort et nouvelle souveraine du
Monde Souterrain, les Enfers, après en avoir arraché le trône à
Lucifer en personne au terme d'une guerre impitoyable, et condamnée
par la malédiction de ce dernier à ne plus jamais pouvoir retrouver
le monde des mortels.
Le quotidien de Lady Death est fait de rage, de sang,
de passion et de magie noire. Elle fait partie de ces personnages que
l'on classe sous le qualificatif de ''borderline'', comprenez en cela
qu'elle est toujours sur le fil du rasoir moral et qu'elle peut
basculer d'un côté ou de l'autre sans prévenir, par ses actions
autant que par ses réflexions. Elle n'appartient ni au Bien ni au
Mal, elle est un peu des deux à la fois et s'affranchit de ces
schémas classiques de forces en opposition. Il n'y a pour elle que
deux camps distincts : le sien, et les autres. Quoi qu'elle
fasse, elle le fait toujours en accord avec elle-même et ses propres
valeurs et désirs, et toujours dans le but de parvenir à retrouver
sa mère un beau jour.
Évidemment, elle a quand même des ennemis, des
opposants qui voudraient lui ravir le trône des Enfers, donc une
certaine idée de la dichotomie existe bel et bien. Lady Demon,
Purgatori, la Reine Death... autant d'adversaires que de buts
personnels à atteindre et d'histoires différentes.
Si
je prends le temps de vous parler de tout cela, c'est qu'il est
nécessaire de bien comprendre le personnage avant d'aborder sa
parution en France, assez chaotique (blague inside). En V.O. on
compte pas moins de quatre éditeurs s'étant refilés le bébé :
Eternity Comics (1991-1993), Chaos ! Comics (1993-2002),
CrossGen
Comics
(2003-2004) et enfin Avatar
Press
jusqu'à nos jours. Beaucoup des meilleures histoires du personnage
sont celles des années '90 de Chaos !, et Avatar se content de
publier du nouveau matériel et de nouvelles séries maintenant
l'intérêt dans le cœur des fans de l'époque mais ne parvenant pas
réellement à accrocher un nouveau public. Les séries vivotent dans
leur coin, tranquillement, suivies fidèlement par une minorité.
En
France, deux parutions notables : Medieval
Lady Death,
un unique tome chez Milady
(Bragelonne)
en 2010 et reprenant le début d'une série datant de 2005 en V.O.
chez Avatar. Le succès n'est pas au rendez-vous et Milady s'arrêtera
là, les tomes suivants ne paraîtront donc jamais. Les droits de
publication passent alors entre les mains de French
Eyes,
filiale de Summer Média (Dr.
Who, Hellraiser, True Blood, River Dream, Zombies Tales, Dracula la
comparnie des monstres)
qui sort en Août 2013 un premier tome couvrant le début de la
nouvelle série datée de 2010 toujours chez Avatar, offrant un
nouvel âge pour l'héroïne et son univers, une ère de renouveau où
tous les codes sont chamboulés. Nous sommes en 2015 et il n'est
toujours pas question apparemment d'une sortie d'un éventuel ''tome
2'', donc je crois qu'on peut se dire qu'on l'a dans l'os à nouveau
et qu'il faudra attendre un autre éditeur courageux. Il est vrai que
Lady
Death
est, à l'instar de beaucoup de ses sœurs, ce que l'on appelle une
série de niche, s'adressant à un public très restreint de lecteurs
et n'arrivant pratiquement jamais à sortir de son cadre pour en
toucher de nouveaux. En France la niche n'est visiblement pas assez
importante pour faire durer une parution en librairie sur le long
terme, donc si vous êtes intéressés il vous faudra vous tourner
vers la V.O. … car il y avait jusqu'à récemment encore une
initiative de l'éditeur Lyonnais Lugdunum Presse sur Mymajorcompany de créer un magazine en kiosque pour publier régulièrement du Lady Death en V.F.. Malheureusement, le projet lancé le 26 Janvier dernier a capoté et a été annulé le 16 Février, n'ayant pas du tout atteint l'objectif escompté et n'ayant trouvé que très peu de contributeurs, justement sans doute en raison de cette niche très étroite de lecteurs en France.
Pour en finir et revenir à ce tome précis chez French Eyes, qui est mon sujet principal mine de rien : Lady Death a été vaincue et détrônée par celle qui se fait appeler Queen Death, et fut bannie dans le monde mortel privée de ses souvenirs, de ses pouvoirs et de son identité. Tandis qu'au sein des Enfers la révolte gronde contre le nouveau régime teinté de folie aveugle, celle que l'on nomme désormais Illadra la voleuse va entreprendre un péril tout autour du monde afin de retrouver les morceaux épars de sa conscience et de son passé, pour redevenir celle qu'elle était et peut-être réussir à reprendre les rênes de son royaume infernal avant qu'il ne soit trop tard et que l'ensemble des mondes ne connaisse une Apocalypse prématurée.
Pour en finir et revenir à ce tome précis chez French Eyes, qui est mon sujet principal mine de rien : Lady Death a été vaincue et détrônée par celle qui se fait appeler Queen Death, et fut bannie dans le monde mortel privée de ses souvenirs, de ses pouvoirs et de son identité. Tandis qu'au sein des Enfers la révolte gronde contre le nouveau régime teinté de folie aveugle, celle que l'on nomme désormais Illadra la voleuse va entreprendre un péril tout autour du monde afin de retrouver les morceaux épars de sa conscience et de son passé, pour redevenir celle qu'elle était et peut-être réussir à reprendre les rênes de son royaume infernal avant qu'il ne soit trop tard et que l'ensemble des mondes ne connaisse une Apocalypse prématurée.
Un peu Tsubasa RESERVoir CHRoNiCLE sur les bords me direz-vous, et vous auriez diablement raison car les parallèles sont assez nombreux et flagrants tant les concepts des deux univers se ressemblent. Cependant là ce n'est ni mignon ni gentillet, c'est sanglant et corrosif, pas tout à fait pour lecteurs avertis mais plutôt pour lecteurs initiés, dirons-nous. Vu que de toute manière il n'y a qu'eux qui achètent...
Un premier tome peut-être mal rythmé par moments, pas chapitré (pas bien !) mais plutôt bien dessiné et raconté, et surtout très bien édité par French Eyes, on est loin du papier de mauvaise qualité (et mauvaise odeur) de Dracula la compagnie des monstres dont je vous ai déjà parlé il y a quelque mois. La traduction est bonne, souffrant cependant de deux ou trois coquilles malvenues ou erreurs de mise en page, mais rien de grave ni de fondamentalement dérangeant pour la lecture. On en retrouve aussi chez Urban, alors bon. L'histoire se lit vite, se suit bien, le dessin est bon, les couleurs sont belles, le plaisir et le confort de lecture sont au rendez-vous, bref donnez sa chance à ce tome 1 qui, peut-être dans un avenir pas trop lointain espérons-le, pourrait avoir des petits frères qui nous offriraient enfin la fin de cette série en 29 numéros (et donc 6 ou 7 en V.F. dans ce tome). Ayez pitié, French Eyes, la fin de ce premier tome nous laisse vraiment sur une action décisive et sur notre faim !
La prochaine fois nous parlerons d'une autre bad-girl avec une très longue carrière derrière elle et une parution tout aussi spéciale en France, alors préparez-vous à être frustrés. C'est comme ça quand on veut suivre ces dames par chez nous !
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !