C'est
une grande question et je ne prétends pas chercher à y apporter une
réponse définitive, simplement faire en sorte que vous vous la
posiez également.
Quand
un auteur créé quelque chose, une œuvre littéraire par exemple,
elle ne lui appartient plus vraiment. Dans les faits c'est le public,
le lectorat, qui décidera ou non du succès de cette œuvre, de sa
pérennité et de sa longévité ainsi que la nécessité, la
possibilité, d'y accorder ou non une suite. En bref, un auteur ne
possède réellement ce qu'il invente que pendant une courte période
de temps, c'est aussi pour cette raison que beaucoup son assez
frileux quant à annoncer une date de sortie officielle pour leurs
livres. Après, l’œuvre qu'elle soit ou non protégée par des
droits et contrats légaux appartient au cœur de chaque lecteur, de
chaque fan, et chacun a ensuite droit d'y apporter son observation.
Certains font ça par le biais de critiques, plus ou moins
constructives, d'autres vont carrément jusqu'à inventer des
fan-fictions se basant sur l'univers de leur auteur préféré pour
continuer dans d'autres directions le développement de l'histoire et
des personnages.
Là
où je voulais en venir, c'est au cas particulier des auteurs qui
désirent revenir sur leurs œuvres pour y apporter une correction ou
bien une amélioration jugée utile. Steven Spielberg et Georges
Lucas pour Indiana Jones,
E.T., Star
Wars, etc. Si vous êtes un
spectateur assidu de la série South Park,
vous n'aurez certainement pas manqué les épisodes traitants de ce
douloureux sujet qu'est le moment où un auteur décide de son propre
chef de modifier ce qu'il a créé précédemment, parfois de façon
infinitésimale et parfois de façon très grossière, changeant
alors presque totalement de cap ou ''violant'' son propre univers. Je
vais éviter les exemples cités plus haut et prendre plutôt comme
référence le cas de l'univers de la série hyper géniale et
cultisssime qu'est Saint Seiya – Les chevaliers du
zodiaque !
C'est
avant tout un véritable phénomène de génération, Saint
Seiya a fait rêver des foules
d'admirateurs et de fans du monde entier, et particulièrement chez
nous en France ainsi bien sûr qu'au Japon, son pays d'origine. Celui
que l'on appelle avec respect Maître Masami Kurumada s'est efforcé
de créer un manga d'action, type shonen, en y intégrant des valeurs
fortes et en tâchant de respecter les codes de ce qui fait une bonne
''tragédie grecque'' dans le plus pur style. Par la suite, il a
tenté d'exploiter davantage son univers au-delà des 28 volumes de
la série d'origine, en créant par exemple avec Megumu Okada la
série Saint Seiya – Episode G
qui se propose de revenir sur la jeunesse des Chevaliers d'Or de
notre génération, à travers l'évolution d'Aiolia le Chevalier du
Lion. Terminée en 20 tomes, cette nouvelle série n'a pas fait que
des heureux et s'est montrée décevante par bien des aspects, mais
elle reste malgré tout assez bonne dans son genre et surtout ne
prétend pas modifier ce que l'on connaît déjà de la série
d'origine et de son déroulement, mais plutôt d'expliquer et
d'exploiter les sources en place. On a ensuite eu l'excellente série
Saint Seiya – The Lost Canvas
avec Shiori Teshirogi qui elle retournait 250 ans dans le passé et
proposait de suivre une toute nouvelle génération de chevaliers
d'Athéna, sans rien changer de la série d'origine toujours.
Mon
interrogation et mon coup de gueule en tant que fan viennent de
l'existence de séries comme Saint Seiya Omega
ou encore Saint Seiya
Shô où
Kurumada se propose de revenir sur sa série phare et d'en étoffer
certains passages ou détails. Là où le bas blesse, c'est quand ces
modifications entraînent le fait de totalement dénaturer le filon
d'origine. On apprend par exemple que depuis le départ il existe un
corps secret de chevaliers entièrement féminin et dévoués à la
protection rapprochée d'Athéna (à quoi servent donc les Chevaliers
de Bronze qui passent leur temps à se sacrifier pour elle ?) mais
aussi que contrairement à ce que préconisent les règles d'une
tragédie grecque, les héros sont tous bien vivants à la fin et
deviennent les nouveaux Chevaliers d'Or. Or non, non et non, dans le
code du théâtre et de toute œuvre se targuant d'être une
''tragédie grecque'', le point fondamental à ne pas changer est que
tous les héros œuvrant pour le bien doivent mourir à la fin, lors
de leur ultime affrontement avec le mal. La fin de Saint
Seiya – Les chevaliers du zodiaque
était parfaite, les héros entourant Athéna et Seiya mortellement
blessé, les Enfers s'effondrant tout autour d'eux et un voile de
lumière divine venant les accueillir dans un au-delà meilleur.
Désolé pour les spoils, lisez la série ça vaut vraiment le coup.
Bref,
donc à la fin d'une bonne tragédie grecque le ou les héros meurent
à la fin en affrontant le ou les méchants et en triomphant malgré
tout, signe que face à la mort il y a toujours une étincelle
d'espoir qui subsiste et que le mal sera toujours contré par des
cœurs valeureux. Le fait de faire revenir les héros de la première
série dans Saint
Seiya Omega
ou bien encore Saint
Seiya Episode G – Assassin,
c'est donc ne pas respecter les codes de ce qui a été écrit
précédemment par la même personne (toujours Kurumada, vous suivez
?) et se dédire d'une fin qui avait le mérite d'être définitive
et surtout exceptionnellement forte et poignante pour un manga de ce
type. Pourquoi donc revenir en arrière et modifier cela ? Afin
de créer de nouvelles séries, évidemment, et donc de capitaliser
sur le succès du nom Saint
Seiya
en en exploitant la plus petite parcelle et le moindre personnage que
l'auteur décide de ramener et de modifier en conséquence. La
raison ? Souvent l'argent malheureusement, derrière une fausse
volonté de faire connaître à une nouvelle génération de lecteurs
et de spectateurs cet univers grandiose. On va jusqu'à produire une
série d'animation et incorporer de nouveaux chevaliers qui viennent
de nulle part pour se rattacher le plus d'audience possible (dans le
cas de Saint
Seiya Shô et
de sa caste secrète de chevaliers féminins). L'univers de Saint
Seiya Omega,
ce futur qui n'avait pas lieu d'être, est corroboré par celui de
Saint Seiya
Episode G – Assassin,
deux séries relativement médiocres à la fois en manga papier et à
la télé.
Qu'on
s'entende bien, bien avant l'apparition toute récente de Saint
Seiya Omega
il y a eu des histoires se déroulant après les faits de la série
originale. Des films d'animation surtout, qui avaient surtout valeur
de très belles fan-fictions produites par les studios pour rendre
hommage à la série et à son univers. La différence d'avec Omega
c'est que ces films n'avaient pas vocation de devenir des suites
légitimes et officielles, et pouvaient très bien se regarder sans
aucune pression de l'auteur. Mais, depuis, Kurumada est revenu sur
ses propres écrits et en a tiré de nouvelles séries, parfois
bonnes souvent mauvaises, et il est même allé jusqu'à tenter de
contrer The Lost
Canvas
et son succès foudroyant avec sa propre série le voyant revenir aux
dessins, Next
Dimension,
assez affreuse dans son genre.
Donc
la question est posée : doit-on protéger les œuvres contre
leurs auteurs et la volonté de se faire davantage d'argent en
revenant en arrière et en modifiant ce qui peut l'être et même ce
qui ne devrait pas l'être ? Peut-on, sous prétexte d'être
l'auteur et créateur original d'une série à succès, se permettre
dès lors d'en faire ce que l'on veut ? Ou bien y'a-t-il une
certaine forme d'appartenance de la série à son public, dès sa
sortie et dès lors qu'elle trouve son chemin dans le cœur de bien
des fans ? Pour ma part, je pense qu'effectivement le public a
son mot à dire, mais que mal informé il est souvent manipulé par
les studios et les auteurs. Bien sûr ce n'est pas au public que
revient la décision finale, et il ne faut pas tomber dans la logique
inverse et donner tout pouvoir aux fans (le cas Naruto
est assez flagrant). Mais c'est à vous désormais de vous poser ces
questions, et heureusement le débat reste toujours ouvert !
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