Si vous vous promenez la nuit dans les ruelles sordides de cette grande cité qu'est New York, vous risquez de vous retrouver face à certains problèmes récurrents. Des simples voyous qui pullulent et trafiquent on ne sait trop quoi, jusqu'aux vrais durs de durs travaillant pour des chefs mafieux à des lieues de là... pas certain qu'un super-héros soit de passage en plus pour vous sauver la mise pile au bon moment. Dans ces cas-là, vous vous retrouvez surtout seul à vous pisser dessus de peur, en priant le Ciel et tous les bons esprits au-delà de vous en sortir à moindre frais. Parfois, ça fonctionne. D'autres fois, le plus souvent, vous finissez dans la colonne ''Faits Divers'' du premier journal à paraître le lendemain.
Mais rassurez-vous, bonnes et petites gens du commun terrorisés par les criminels de tous poils : Frank Castle vous entend, lui, et il est bien déterminé à faire en sorte que votre vie change du tout au tout en purifiant par le feu la Grosse Pomme. Une famille mafieuse après l'autre, un clan à la fois, un dealer par-ci par-là... et petit à petit, la ville respire un peu mieux, les citoyens sortent à l'air libre et font la fête, les anges-gardiens héroïques prennent la pose et se satisfont d'un travail bien fait pour lequel ils ne sont pas responsables. Certes, la bonne conscience de certains est égratignée par tant de violence et de sang versé, mais au bout du compte ils ont les mains propres. Et aux yeux de la morale, c'est tout ce qui compte.
Frank Castle est devenu le redoutable et redouté Punisher après le meurtre sordide de sa famille lors d'un banal pique-nique dans Central Park, au milieu d'un règlement de compte entre mafieux. Depuis lors, ce soldat d'élite vétéran de la guerre du Vietnam a juré de faire payer tous les criminels, du plus petit au plus grand, du plus insignifiant au plus puissant et protégé, au nom de tous les innocents qui périssent jour après jour dans cette guerre incessante contre le Crime.
Après bien des déboires personnels, Castle est de retour à New York, là où tout a commencé, et il compte bien repartir sur de bonnes bases en éliminant la famille de Ma Gnucci, une mafieuse sadique typiquement son genre. Alors que la guerre ouverte est déclarée, la police de New York reçoit de plus en plus de pression venant des grosses huiles pour arrêter le Punisher avant qu'il n'aille trop loin et surtout ne fouille d'un peu trop près dans le lit des corrompus. Ordre est donc donné de constituer une Brigade Anti-Punisher, et elle sera confiée... à l'inspecteur Martin Soap, éternel loser de son état, bien en peine de tenter quoi que ce soit sans budget ni équipiers.
Mais Soap possède un petit atout mine de rien : il connaît le Punisher. Ou plus exactement, il lui fournit des renseignements précieux sur le milieu criminel pour que Castle se charge ensuite de faire le ménage de fond en comble. Cette fragile coopération portera de nombreux fruits, menant à l'élimination pure et simple de très nombreux gangsters et tueurs patentés par le Punisher dans sa croisade vengeresse. Soap n'a qu'à tenir sa langue juste ce qu'il faut, et tout ira pour le mieux.
N'allez pas croire cependant que Frank Castle soit parfaitement insensible. Au contraire, il peut à certaines occasions s'émouvoir stoïquement du sort des laissés pour compte, des parias, des gens de peu qui ne compte pas tant aux yeux de la bonne société à qui il permet de dormir les yeux fermés. Son voisinage immédiat profite de sa protection et le lui rend bien, les flics le laissent faire leur boulot pour se faciliter la vie, et tout le monde y gagne ou presque dans l'histoire. Tout le monde, sauf le Punisher lui-même, en quête perpétuelle de cette paix qu'il sait totalement hors de sa portée.
Mais rapidement les criminels ne se contentent plus de crever de trouille en attendant sa visite fatale, et certains tentent de contre-attaquer en employant les grands moyens. Des tueurs à gages sans scrupules, des militaires et commandos sur-entraînés assoiffés de sang, de monstrueuses erreurs de la nature lâchées sur une population plus qu'à cran... Difficile de croire qu'un homme seul et sans pouvoirs spéciaux puisse s'en sortir indéfiniment.
Et pourtant, c'est ce que fait le Punisher, encore et encore, inlassablement, se relevant de chaque combat, de chaque dérouillée, de chaque blessure fatale, pour avancer ne serait-ce qu'un peu plus loin et progresser sur une route sanglante qu'il sait infinie. Un homme profondément et irrémédiablement sans espoir de se sortir de sa propre spirale de violence, et déterminé à y entraîner un maximum de vicieux avec lui. Une volonté de fer, un véritable arsenal ambulant, et rien ni personne pour l'entraver ce coup-ci.
Que New York se tienne prête. Qu'ils se tiennent prêts jusque dans l'Ouest du Texas s'il le faut, car Frank Castle ira les chercher où qu'ils se terrent, où qu'ils soient, quoi qu'ils fassent pour maquiller leurs activités, quoi qu'ils tentent pour s'en sortir à peu de frais. Le Punisher est de retour, et il n'est pas condamné à terrasser des criminels sans en voir la fin : ce sont les criminels qui sont condamnés à le subir lui jusqu'à la fin.
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Dans ce massif premier tome d'une série de quatre omnibus consacrés aux aventures du Punisher au tournant des années 2000, vous trouverez des récits tantôt sordides et tantôt teintés d'un humour noir absolument atroce et plein d'esprit, le tout servi admirablement par les dessins très inspirés du regretté Steve Dillon alors en grande forme. Garth Ennis nous dévoile sans chichis ni blablas inutiles sa propre vision du justicier au crâne, solitaire et bourru comme jamais mais ne rechignant pas à donner un coup de main de temps en temps pour renvoyer l'ascenseur.
A travers ces quelques mille pages et plus, vous irez du rire aux larmes, de l'extase d'un plan bien rodé et bien mené jusqu'au désespoir d'une immense solitude, et le plus drôle dans tout ça c'est que vous vous surprendrez à tourner chaque page en espérant avoir une nouvelle dose d'adrénaline et de cynisme fatal.
Une fois encore j'ai opté pour la version collector proposée sur le site de Panini exclusivement, surtout pour le plaisir de cette couverture métallisée signée Steve Dillon donc et représentant le Punisher en plein exercice. Non pas que je boude le style plus réaliste de Tim Bradstreet, qui a réalisé pratiquement toutes les couvertures des épisodes présents dans ce premier omnibus, mais je préfère un certain degré d'irréalisme quand je savoure une violence décomplexée, peut-être pour mieux m'en détacher après.
Contrairement à ce qu'affirment les crédits sur la jaquette, vous n'aurez pas affaire qu'au seul Steve Dillon dans ce volume, il y a plusieurs autres dessinateurs et artistes crédités à l'intérieur au fur et à mesure que la série avance et évolue, prenant un ton de moins en moins humoristique d'ailleurs et de plus en plus cynique et froid. Ma petite préférence va au chapitre 27 de la série de 2001, où le Punisher croisera la route de la belle mais mortelle Elektra, superbement mise en valeur par Tom Mandrake dont je ne connaissais pas du tout le graphisme mais que j'adore déjà !
En tout, des premières passes d'armes face à la famille de Ma Gnucci jusqu'à la bataille sauvage avec Daredevil, Spider-Man et Wolverine ligués contre lui, en passant par l'inexplicable Russe ou encore Soap et sa poisse sidérante, ce sont pas moins de quatre années éditoriales ET de vie du personnage que nous suivrons, chapitre après chapitre, sans pouvoir le lâcher d'une semelle. Et comme annoncé dès le départ et l'introduction, ce n'est que le début puisqu'il faut attendre encore trois autres omnibus de ce genre ! La vision de Garth Ennis semble parfaitement inépuisable en la matière, la violence est omniprésente et le pire c'est que l'on s'y fait assez vite en fin de compte, et que la plupart du temps on en redemande !
J'allais me permettre de conclure cette petite review avec un commentaire élogieux à l'égard de Panini et de la qualité de l'édition de cet omnibus-ci, ayant cru jusqu'au bout qu'ils avaient fini par retenir leurs erreurs passées déjà signalées à de nombreuses reprises ici... mais c'était trop beau, ils n'ont pas pu tenir sur la longueur et les deux ou trois derniers chapitres comportent quelques fautes de frappe ici et là, quoique rien de très embêtant ce coup-ci. Petit à petit ils s'améliorent, c'est à signaler !
Ah si, on peut en revanche saluer franchement la présence en fin d'album d'un bonus non négligeable : rien moins que le très convoité Punisher Kills the Marvel Universe de 1995, un petit bijou de nihilisme et savant mélange des codes éculés des années '90 en termes graphiques avec une bonne dose d'auto-dérision et surtout pas mal de violence, normal quand un homme seul s'en prend à tous les êtres à pouvoirs de la création. Le final m'a scotché, c'était d'une noirceur insondable et je ne pensais vraiment pas que les scénaristes et éditeurs de chez Marvel iraient jusque-là. Bien joué.
Ne reste donc plus qu'à attendre sagement la parution du prochain tome de cette rétrospective du travail ahurissant de Garth Ennis & Cie sur le personnage du Punisher, qui revient de loin il faut bien le reconnaître mais qui nous avait cruellement manqué. Salut Frank, et bon retour au bercail !
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !
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