vendredi 21 février 2025

La V.O. du vendredi n°281 : Spider-Man / Doctor Octopus - Negative Exposure (Marvel - Avril 2004)


Tandis que la grande Histoire fait son lit, allant d'événements marquants en témoignages saisissants, une plus petite histoire se joue généralement dans les coulisses. Alors que le jeune Peter Parker est plus que régulièrement titulaire d'une photographie amateur de première page dans les éditions du Daily Bugle, les autres photographes professionnels du journal doivent se contenter des pages intérieures, bien trop souvent sur des sujets mineurs en comparaison de l'article principal illustré grâce aux photos choc de Parker.


Parmi ces photographes, la plupart a appris à faire avec, à saisir d'autres opportunités et à se tenir relativement à niveau pour maintenir un salaire décent et une activité régulière. Mais pas Jeff Haight. Cet amoureux de l'art sensible qu'est la photographie de presse ne digère absolument pas qu'un simple morveux encore étudiant le coiffe au poteau à chaque fois que Spider-Man fait la une et affronte un vilain d'envergure. Et Jeff est bien décidé à damer le pion à son jeune rival, quitte à employer des moyens pas toujours légaux pour y parvenir.


Emprisonné à Ryker dans une cellule isolée tout spécialement pour lui, le Docteur Otto Octavius, plus sinistrement connu sous le nom de Docteur Octopus, vient d'essuyer une nouvelle défaite cinglante face à l'Homme-Araignée alors qu'il tentait de braquer un musée d'art où étaient exposées les œuvres de Léonard de Vinci. Jeff a réussi à prendre un cliché assez bon ce jour-là, il en était même très fier... mais encore une fois, c'est la photo fournie par Parker qui lui est préférée. Pourtant ce coup-ci Jeff en est persuadé, Parker n'était même pas présent à l'endroit idéal pour prendre sa photo !


Comprenant qu'il doit y avoir une sorte de rapport entre Spider-Man et la chance insolente de Peter Parker, Jeff commence à envisager d'autres options, quand il est contacté par l'avocate d'Octavius pour arranger une visite à Ryker. Il se trouve que le bon docteur a vu Jeff le prendre en photo le jour de son arrestation, et il a lui aussi commencé à échafauder un plan démentiel dont le malheureux photo-reporter va être un rouage essentiel. Prenant bien soin de flatter son interlocuteur, Otto parvient à lui arracher la promesse d'une association future entre eux, à la condition que ses tentacules lui soient rendus bien évidemment. Ils sont consignés dans une réserve de la police de New York et placés sous haute protection, mais il se trouve que Jeff a un contact sur place pour lui permettre de prendre des photos d'affaires ayant appartenu à des criminels. Une information qu'Otto sait pertinemment, lui qui a passé des heures à éplucher la carrière misérable de Jeff Haight pour mieux le manipuler.


Usant d'un appareil calibré pour amplifier le signal mental du harnais d'Octavius, Jeff va permettre aux tentacules de se libérer et de semer la désolation sur leur passage jusqu'à leur maître, qui attend patiemment dans sa cellule que sonne enfin pour lui l'heure de la juste revanche. L'accord est simple en vérité : en échange de sa libération, Otto accepte de fournir à Jeff le même service que celui-ci s'imagine que Parker reçoit de Spider-Man, à savoir des photographies exceptionnelles et exclusives directement sur les lieux du crime.


Évidemment, Octavius n'a aucunement l'intention d'honorer sa part du contrat et attend plutôt que Spider-Man fasse son entrée au lieu choisi par Jeff pour mieux le combattre et l'anéantir une bonne fois pour toutes. Jeff n'est alors qu'un précieux otage des circonstances, qui pourrait s'avérer utile pour négocier une retraite stratégique si jamais les choses dérapent à nouveau. Spidey est déjà presque K.O. après avoir tenté d'arrêter les tentacules durant leur évasion, ce sera donc une tâche aisée de l'achever une fois le vrai cerveau revenu aux commandes.


Sans le savoir, Jeff Haight s'apprête à prendre la photo la plus importante de toute sa carrière, de toute sa vie même ! Mais quelle sera-t-elle : la victoire de Spider-Man... ou bien son trépas ?


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J'ai récemment pu mettre la main sur cet album regroupant les cinq chapitres de cette mini-série datée de 2003-2004, soit quelques mois avant la sortie du second film Spider-Man de Sam Raimi sur les écrans du monde entier, faisant la part belle au Docteur Octopus et à ses nouveaux bras mécaniques mortels.


Pourquoi ? Parce qu'à l'époque j'avais été très marqué par leur design dans un autre album, Le Dernier Combat par Mark Millar dans la collection Marvel Knights. Design qui avait été reproduit pour les figurines de Spider-Man combattant le Docteur Octopus dans la gamme Marvel Select il me semble, figurines qui furent très fréquemment mes partenaires d'histoires infantiles. J'étais donc très curieux et assez nostalgique il faut bien l'avouer de retrouver les origines de ces tentacules et de ce design si particulier, et finalement après quelques recherches il semble bien qu'ils soient apparus pour la première fois dans ce récit signé Brian K. Vaughan (le papa de Saga), il me le fallait donc dans ma collection !


L'histoire est celle d'une jalousie professionnelle qui tourne à l'obsession véritable, celle de Jeff Haight envers Peter Parker. Par le passé nous avons déjà pu observer que la fameuse ''chance Parker'' faisait de nombreux envieux, certains allant très loin comme Eddie Brock en son temps pour tenter de prendre les devants. Là, pas de super-vilain en devenir, juste un homme aigri et amer qui se croit supérieur à ce jeune blanc-bec venu d'on ne sait où sans la moindre formation valable et qui parvient tout de même à lui dérober une à une ses chances de faire la couverture du journal.


La présence du Docteur Octopus au casting n'est finalement que l'un des ressorts parmi d'autres pour illustrer cette histoire de rancœur, tout comme on y retrouvera aussi le Vautour ou Mysterio. Chaque fois les crimes commis sont de moindre importance, personne n'a de grand plan très inspiré pour prendre le contrôle de la ville ou ce genre de choses... non, ce coup-ci ce ne sont que des successions de hasards qui placent Jeff en première ligne pour prendre sa fameuse photo du siècle, millimétrée et conçue de A à Z dans les règles de l'art.


A mon sens c'est aussi et surtout l'occasion de présenter un peu au reste du monde l'envers du décor, ces petites gens qui restent éternellement sur le carreau pour que le héros puisse exister en pleine lumière. Bien sûr Jeff n'est qu'une exception prenant très mal son propre sort alors qu'il aurait très bien pu tourner les choses autrement pour se découvrir une autre voie vers la célébrité ou du moins la reconnaissance de ses pairs, mais son obsession maladive pour Peter Parker va l'amener à pactiser avec le Diable et à en subir les conséquences... mais que ne ferait-on pas pour l'amour de l'art justement ?


Le dessin, et donc le fameux design de cette nouvelle version des tentacules d'Octopus, est l’œuvre de Staz Johnson, dont franchement je n'avais jamais entendu parler avant d'avoir cet album entre les mains aujourd'hui. Et pourtant son trait nerveux et précis n'a rien à envier aux meilleurs de son époque comme Mark Bagley sur Ultimate Spider-Man par exemple, on y retrouve une science du grand spectacle et un talent certain pour mettre en valeur ses sujets ainsi que les décors dans lesquels ils évoluent. Les inspirations sont nombreuses, du Silence des Agneaux aux films noirs, le tout dans une atmosphère générale qui sent bon le super-héroïsme décomplexé et bourré de peps des années 2000.


Bref, merci aux artistes d'avoir créé ce design iconique et surtout cette histoire tout autour, qui à mon sens valait clairement le coup d’œil et m'a pleinement satisfait ! Je suis très content d'avoir résolu cette affaire en suspend chez moi depuis de trop nombreuses années, et le moi de mon enfance doit certainement me remercier quelque part de lui avoir expliqué les vraies origines de ses figurines chéries. De rien, petit !

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