En
1961, le Président des États-Unis John Kennedy donne son accord à
un scientifique prometteur, le Dr. Reed Richards, pour concevoir un
vaisseau spatial de pointe capable d'envoyer l'Homme dans les
étoiles, afin de faire avancer la science certes mais surtout pour
devancer les Soviétiques dans la course à l'espace qui fait rage.
En effet, les USA sont à la traîne et les récentes missions se
sont toutes soldées par des échecs cuisants. Mais cette fois-ci, ce
sera différent : Richards a semble-t-il mis au point un tout
nouveau type de carburant, révolutionnaire, qui rendra tout
possible... s'il est testé.
Hors,
le test ne pourra pas avoir lieu avant plusieurs décennies au moins,
selon les moyens de l'époque. C'est un véritable aveu d'échec
supplémentaire, et un camouflet pour Reed qui voit ainsi sa place au
panthéon des plus grands savants lui échapper. Mais il reste un
espoir : tester lui-même le carburant lors d'un vol en
conditions réelles. Mais pour cela il lui faut réunir une équipe
fiable et soudée : Sue Storm, sa compagne, et son petit-frère
Johnny l'accompagneront, ainsi qu'un pilote de renom chassé de
l'armée, Ben Grimm.
Si
le décollage se passe bien, même mieux que bien, et que les
résultats dépassent les espérances de Reed sur le moment, très
vite quelque chose dysfonctionne et provoque une embolie dans le
réacteur. En effet, Reed n'avait pas pris en compte les radiations
cosmiques et leur impact sur son carburant, et voilà tout le
vaisseau expérimental projeté dans un espace-temps inaccessible au
commun des mortels, avant de réussir par miracle à revenir
s'écraser sur Terre. A bord, les quatre membres de l'équipage
improvisé ont subi des changements drastiques et ont développé des
aptitudes hors du commun, du jamais vu pour leur époque. Mais le
plus important reste la vision qu'a eu Reed dans l'espace lointain :
un être omnipotent dévoreur de mondes, Galactus, qui lui a retourné
son regard... et se dirige désormais vers la Terre, attiré par ce
premier lien établi.
Reed
passera les décennies suivantes à prévenir, mettre en garde et
préparer les gouvernements du monde contre la venue de ce Galactus
et la destruction totale de la planète qui en résulterait, mais
c'est pratiquement peine perdue, personne ne veut y croire et les
dirigeants sont trop occupés par la Guerre Froide qui stagne un peu
partout. Deux hommes acceptent toutefois d'accorder du crédit et du
temps à Richards et sa folie : Tony Stark, milliardaire
spécialiste de l'armement de pointe, et Victor Von Fatalis,
scientifique de génie qui croit dur comme fer au récit de Reed et
se fait un devoir de l'aider à développer une solution au plus
vite.
Ce
travail, cette obsession de chaque instant, coûtera à Reed son
mariage et sa crédibilité, lui prendra tout ce qu'il possède ou
tente de posséder, tandis que Fatalis de son côté s'en nourrit et
développe sa propre obsession en réponse à celle de son confrère :
unir le monde sous une seule et même bannière, par la force si
nécessaire, afin d'apporter une réponse commune à Galactus. Mais
la Terreur semble être le seul moyen d'y parvenir selon lui, un
point qui oppose les deux comparses brutalement quand Fatalis utilise
l'armure développée avec Reed pour attaquer le siège de l'ONU et
tenter d'asseoir sa domination sur l'ensemble de la planète. Avec
l'aide des plus grands héros de la Terre, et de la Femme trop
souvent restée Invisible dans l'ombre de son ex-mari, Fatalis est
rapidement défait et la crise est surmontée. Mais c'est une perte
de plus pour Reed, à la fois de temps et d'espoir.
Heureusement,
il reste l'appui inébranlable de Tony Stark. Grâce à ses fonds
généreux et à ses relations au sein du Gouvernement des
États-Unis, un programme spatial ambitieux est développé et mis en
chantier le plus rapidement possible, basé sur les théories et
découvertes récentes de Reed et l'apport de nouveaux systèmes
informatiques. Baptisé ''Star Wars'', ce programme va cependant une
nouvelle fois prendre tout espoir à ses concepteurs quand il tentera
de déclencher une frappe nucléaire globale entre les USA et l'URSS.
Là encore, la catastrophe sera évitée de peu, grâce au sacrifice
admirable du plus cynique des membres du quatuor original.
Mais
tout cela, tout ce travail depuis tant d'années pour défendre la
Terre contre Galactus, sera réduit à néant en quelques secondes à
peine par l'arrivée d'un nouvel intervenant cosmique, pilotant un
surf d'argent et détenant le pouvoir cosmique de son maître
fractionné mais suffisant pour détruire toute la flotte stellaire
en un clin d'oeil. Puis, le Surfeur prononcera un discours simple
mais efficace devant les Nations Unies : Galactus est bel et
bien une réalité, une fatalité inévitable, et il sera là dans
exactement dix ans. Que la Terre tente de s'y préparer ne changera
rien. Le monde sera détruit, dévoré jusque dans son essence
vitale, et retournera au néant primal.
Dix
ans, c'est tout ce qu'il reste à l'humanité pour tenter de se
rassembler et d'attendre sereinement la fin programmée de tout ce
qu'elle connaît. Reed renonce même à ses projets, à la fois
abattu par cette échéance brutale et ravi de pouvoir délaisser son
fardeau pour la première fois depuis plus de trente ans. Mais de son
côté, Fatalis n'a pas renoncé à son propre plan de domination, et
s'il lui faut inclure Galactus dedans ainsi soit-il ! Contactant
le Surfeur par ses propres moyens, Fatalis tente de s'assurer une
place au sommet de toute chose, place qu'a dénié Reed Richards dans
un éclair de lucidité.
Et
quand enfin se présente l'heure dernière, ceux qu'il reste des
Quatre Fantastiques d'antan s'unissent à nouveau pour faire face
vaillamment à Galactus, contre toute probabilité de l'emporter ou
de le ralentir un tant soit peu. Parfois, la science ne peut rien
contre certains phénomènes. Parfois, il suffit d'espérer... et
l'espoir, l'humanité en regorge si on sait où regarder.
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Vous
connaissez le concept de ces scénarios Histoire d'une vie
chez Marvel, inventé pour la mini-série de Chip Zdarsky sur Spider-Man précédemment et repris ici pour les Quatre Fantastiques,
la toute première famille de super-héros de l'univers de la Maison
des Idées. Les faisant vieillir normalement à mesure que le temps
et les années passent, l'auteur nous offre un bel hommage de
l'ensemble de leur carrière de ces soixante dernières années.
Déjà,
premier avertissement, si vous pensiez comme moi vous retrouver dans
une sorte de ligne commune avec le récit de Spider-Man,
détrompez-vous. Les événements décris dans cet album-ci sont
différents de ceux relatés dans le scénario de Zdarsky, et tout
porte à croire que si jamais d'autres histoires de ce type sont
écrites et publiées elles seront toutes uniques en leur genre et
mettront en scène un monde chaque fois différent, à l'image du
héros dont il sera fait mention principale.
Ensuite,
ici le ton de Mark Russell est beaucoup plus cynique et désabusé
que ne l'était Chip Zdarsky, ou que ne l'est Dan Slott dans sa série
actuelle Fantastic Four.
Sa vision du monde est volontairement pessimiste, nombriliste contre
toute logique, même si l'on pourra trouver ici et là de bonnes
raisons d'espérer et surtout des concepts intéressants à mettre en
avant au fur et à mesure de leur développement historique réel.
Par
exemple, l'émergence du féminisme plus poussé des années '70-'80,
au travers du regard de Susan Storm qui hérite sans doute du pouvoir
le plus utile mais le plus ingrat des quatre puisqu'elle passe
toujours au dernier plan, voire est systématiquement mise en retrait
pour être maman à plein temps plutôt qu'héroïne. Une situation
qui va grandement s'améliorer avec le temps et amener le lecteur à
porter un regard plutôt critique sur les premières années
d'existence du quatuor fantastique, fantasmé plutôt, et servira
d'exemple de ce qu'est réellement la morale de cette histoire :
on peut changer les choses, si on le veut et si on a le courage de
saisir la bonne opportunité.
Un
dernier mot sur le dessin ce coup-ci car je ne veux pas m'étendre
davantage sur le déroulé du scénario de peur de vous en gâcher
les moments les plus mémorables et essentiels. Confiée à Sean
Izaakse, la partie graphique de cette œuvre est plutôt dans la
bonne moyenne de ce que l'on trouve de nos jours. Ça n'a pas
vraiment la splendeur du trait de Mark Bagley mais l'artiste fait son
travail efficacement tout de même, malgré une certaine exagération
concernant les visages de quelques personnages devenant assez
caricaturaux. Le respect du matériau de base est bien là, et c'est
le plus important dans ce genre de projet anthologique.
Mais
au final, j'ai été davantage intéressé et touché par Spider-Man
– L'histoire d'une vie que par
cette version sur les Quatre Fantastiques, non qu'elle soit moins
bonne mais c'est avant tout une histoire de goûts, ça varie en
fonction des gens et des humeurs surtout. Peut-être qu'en relisant
ce one-shot plus tard dans d'autres circonstances, j'y décèlerais
autre chose qui m'y fera repenser d'une nouvelle manière. En
attendant, c'est quand même un beau travail et il faut saluer la
performance, en espérant que d'autres auteurs se voient accorder
l'insigne honneur de travailler sur ce genre de projet à l'avenir !
Sur
ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite
une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un
nouvel article !