Et
voilà, comme je vous l'avais promis me revoici à vous parler de la
bd Succubes
de Thomas Mosdi. Je ne me lasse pas de cette lecture, c'est
proprement fascinant et j'espère parvenir à vous en faire partager
mon intérêt !
Ce second tome est dessiné cette fois par Adriano De
Vincentiis, dont le style tranche avec le tome précédent mais n'en
est pas moins agréable et plutôt réaliste. Les corps féminins
(puisque c'est là l'atout principal de l'histoire) sont correctement
réalisés et représentés, rien de choquant ou d'exagéré à
outrance, ça fait plaisir à voir pour une fois. De plus,
l'atmosphère ici est radicalement différente puisque nous passons
de la France de la Révolution aux fastes de l'Empire Ottoman de
Soliman le Magnifique, quelques siècles plus tôt.
Alexandra Lissowska est une jeune femme vivant dans un
petit village reculé de la Russie médiévale. Elle vit entourée
des hommes de sa famille, et aspire à connaître autre chose que les
frontières de son village enseveli sous la neige ou bien encore les
préceptes religieux de son prêtre de père. Un soir, le village est
attaqué par des pillards venant du Moyen-Orient, et Alexandra est
capturée et violée après avoir vu son père assassiné sous ses
yeux pour l'avoir défendue. Emmenée jusqu'aux sables de Crimée,
elle est vendue comme esclave de plaisirs au grand vizir de Soliman,
qui la destine à son sultan mais compte bien auparavant en profiter
quelques peu pour la former. Accompagnée par Setkem, une Numide
farouche elle-aussi destinée au harem du sultan, Alexandra va
traverser les contrées menant au grand Empire Ottoman, en passant
par Venise et les tractations politiques avec la Vieille Europe,
tandis que dans l'ombre un complot se prépare. L'Eglise semble en
effet s'intéresser de très près à ces femmes qui vont bientôt
faire partie de l'entourage proche de Soliman, l'un des hommes les
plus puissants et influents de son époque. Et si l'ordre des Filles
de Lilith faisait ici une autre de ses tentatives pour prendre le
pouvoir en manipulant les grands hommes ? Alors que le doute
s'installe, Alexandra entend bien prendre son destin en mains :
puisqu'elle sera désormais une courtisane condamnée à vivre dans
le harem du sultan, elle sera la meilleure de toute et accaparera le
souverain de ses charmes pour obtenir une place d'exception à ses
côtés ! Mais, lorsque la véritable agent des Filles de Lilith
est démasquée et échoue dans sa mission de se rapprocher de
Soliman, Alexandra le vit comme un choc immense. Désormais, ses
priorités sont réécrites et elle décide de prendre la relève de
sa défunte amie pour poursuivre sa tâche et assurer la réussite et
la survie des Filles de Lilith, en se rapprochant de Soliman pour
doucement commencer à influencer ses décisions politiques... mais
avant cela, il faudra l'isoler, le faire se méfier de ses
conseillers et de ses proches, afin qu'il ne place sa confiance
absolue qu'en sa favorite, celle que désormais l'on appellera
Roxelane. Ainsi le jeu de la séduction opère-t-il à nouveau sur le
monde politique, et la plus grande courtisane du monde s'apprête à
instaurer un ''Règne des Femmes'' sur un Empire gigantesque et
traditionnellement masculin. Les Filles de Lilith sont victorieuses,
et ce n'est que le commencement...
Cette histoire se déroule donc quelques siècles avant
celle de Camilla et de Robespierre durant la Révolution Française,
dans le tome précédent. Ici, les prêtresses d'Isis sont quasiment
à l'apogée de leur pouvoir et de leur influence sur le monde,
l'Eglise les redoute et n'a pas encore les moyens de les traquer
efficacement, et l'un des plus grands Empires au monde finit par
tomber sous leur coupe. Un âge d'or qui se paiera très cher par la
suite, comme on a déjà pu en être témoin dans le tome 1.
Succubes,
malgré ou plutôt grâce à son titre racoleur, est une œuvre
féministe assez intelligente qui séduit autant par ses
protagonistes que par ses enjeux et sa qualité d'écriture.
Une fois encore ici un soin tout particulier est apporté
afin de représenter les paysages et les lieux de l'époque, la
culture Arabe et Moyen-Orientale de ce début de Renaissance, cet âge
d'opulence et de merveilles à nulle autre pareilles. Les fastes de
l'Orient, du désert, des palais du Sultan Suprême, les tenues, tout
est extrêmement bien détaillé et a fait l'objet de nombreuses
recherches pour paraître le plus réaliste possible. Si les systèmes
politiques en eux-mêmes sont assez simplistes et finalement peu
présents dans l'histoire, c'est aussi parce que l'enjeu se porte
directement auprès du dirigeant tout en haut de la pyramide, celui
qui est au-dessus de tout et ne joue pas dans la même catégorie que
ses sujets. C'est maigre comme explication et ça peut laisser une
certaine déception pour celui ou celle qui chercherait à retrouver
les rouages si particuliers de tels systèmes politiques, mais
finalement est-ce bien ce que l'on attend d'une bande-dessinée de
cette sorte ? Saluons déjà les recherches et les efforts pour
recréer un cadre historique plausible et jouer avec des
personnalités ayant réellement exister, c'est déjà suffisant en
soi !
En
bonus avec ce tome nous avons droit à 8 pages de sketchs
(déformation du monde des comics, excusez-moi), de croquis et
d'esquisses pour le personnage d'Alexandra, son évolution et celle
de son style et de ses attitudes. Agréable s'il on aime savoir d'où
viennent les détails et les images que l'on admire, ce qui est mon
cas. La somme de travail derrière une simple case vaut déjà à
elle-seule un certain degré d'intérêt de reconnaissance (c'est
vrai ici comme dans beaucoup d'autres bandes-dessinées et ça l'est
surtout pour Wika,
dont je vous ai parlé récemment).
Si l'on devait résumer par une phrase, une maxime, ce
tome, ce serait sans doute celle-ci : finalement, l'exercice du
pouvoir se joue surtout dans l'intimité.
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et
je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver
bientôt pour un nouvel article !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire