Dernier
grand récit de la période Classique de Superman (1985-2011) avec
laquelle nous avons quasiment tous grandit, signé par l'illustre
mais peu présent J. M. Straczynski au scénario et Eddy Barrows au
dessin, Superman
– à terre
paraît entre 2010 et 2011 pour clore l'immense historique de l'homme
d'acier, au sortir de la plus grave Crise de l'univers DC mais
également la plus grave crise personnelle pour le héros, après la
découverte puis la perte à nouveau de son peuple d'origine à
l'issue d'une guerre impitoyable avec son monde d'adoption. Nécessité
était alors de relancer une toute dernière fois Superman sur les
traces de ce qui a toujours fait son identité, les valeurs qu'il
s'est autrefois juré de défendre et en lesquelles désormais il ne
croit plus.
La Nouvelle Krypton n'est plus. Détruite à l'issue de
la guerre contre le Général Zod, elle emporte avec elle l'ensemble
des survivants de la planète Krypton, le propre peuple d'origine de
Superman, qui se retrouve désormais réellement seul rescapé (si
l'on excepte Supergirl). C'est un coup dur pour l'homme d'acier, qui
perd petit à petit foi en tout ce en quoi il croyait jusqu'à
présent. La réaction des Terriens à son égard ne se fait pas
attendre, les doutes s'élèvent et beaucoup perdent également
confiance en leur protecteur de toujours, se demandant si son
allégeance va toujours à la Terre, son monde d'adoption et
désormais le seul qui lui reste, ou bien s'il va s'en détacher
comme il a tendance à le faire depuis quelques temps. Sommé de
s'expliquer, Superman tente de rassurer l'opinion publique, mais il
apparaît plus vulnérable que jamais moralement, brisé. Alors,
lorsqu'une femme surgit de la conférence de presse et le gifle en
plein visage, lui reprochant la mort de son époux qu'il aurait pu
soigner s'il avait été présent sur Terre au lieu de se battre loin
dans l'espace, c'est le point de non-retour. L'Ange de Metropolis va
alors prendre une décision très importante et lourde de
conséquences, après une période de profonde réflexion : il
va tenter de renouer le contact avec la Terre, avec les gens
ordinaires qu'il défend, et faire renaître la foi dans leur cœur
ainsi que dans le sien. Pour cela, il va entamer un long périple et
traverser l'ensemble des États-Unis... à pieds, uniquement.
Suscitant tantôt le déchaînement des journalistes puis
l'inquiétude de ses partenaires et amis de la Ligue de Justice,
Superman ne reculera devant aucune objection et se forcera à
poursuivre cette marche coûte que coûte, affrontant les problèmes
du quotidien des gens ordinaires, de ce monde si éloigné du sien,
sans super-pouvoirs, sans super-vilains ni menaces cosmiques,
simplement des citoyens humains et des problèmes très humains. Une
simplicité toute bête qui aidera Superman à prendre conscience de
l'importance relative de son combat jusqu'à présent, et peut-être
à apprendre à choisir ses véritables combats à l'avenir, pour
devenir un meilleur protecteur de la Terre. Mais une série de revers
et de surprises attendent encore le Kryptonien, qui sera mis à mal
bien plus qu'il ne le croyait durant ce voyage, et dont la cassure
morale risque fort de s'accentuer davantage. Au final, peut-être
n'est-il plus fait pour être ce qu'il est. Au final... la Terre
a-t-elle encore besoin et envie d'un Superman pour la défendre ?
C'est
là la plus grosse et la plus grave de toutes les épreuves morales
que Superman aura jamais eu à affronter, seul ou presque. S'il peut
compter sur le soutien de Loïs ou de Batman, il n'en demeure pas
moins isolé de tous, face à sa dépression et au contre-coup
horrible que fut la seconde perte de son monde d'origine et le
désaveux dont fait preuve à son égard son monde d'adoption. Une
période extrêmement sombre donc, avec des propos et des réflexions
assez dures que doivent encaisser autant le héros que le lecteur, et
qui mettent à mal les fondements-mêmes d'un personnage tel que
Superman et tout ce qu'il représente et défend. Une remise en
question exceptionnelle et dramatique, mais pas sans issue ni sans
espoir ! Car c'est là le véritable message, derrière toute
cette noirceur du propos (qui m'a un peu fait penser au début de
Civil
War
chez Marvel, par ailleurs, avec le dilemme moral auquel est confronté
Tony Stark), derrière toute cette atmosphère lourde et déprimante
et ces réflexions philosophiques plutôt désabusées : malgré
tout cela, il faut continuer à garder espoir et à défendre coûte
que coûte ses convictions, si l'on croit en elles. Au delà du titre
de cette histoire, Superman est bel et bien à terre, autant
physiquement que moralement, c'est la chute inédite d'une idole et
d'un héros de lumière, qui va apprendre à côtoyer son côté
sombre, ses doutes et ses peurs les plus profondes. Mais il s'en
relèvera plus fort et plus resplendissant que jamais, prêt à
croire en un nouvel avenir et à réaffirmer son attachement aux
valeurs qui l'ont vu naître, Vérité, Justice. Une fin admirable
pour le Superman de l'ère Classique, et qui fait d'ailleurs la
jonction quasi-parfaite avec ce qu'il deviendra à ses débuts dans
l'ère des New52 actuelle.
Straczynski signe donc ici un récit magistral où il
permet au lecteur de faire connaissance, à la veille de sa fin, avec
son plus grand héros jusque dans les plus sombres recoins de son
esprit et de ses failles. Cette histoire me prouve quant à moi, par
son audace et ses références multiples ainsi bien sûr que son
traitement du personnage, que l'auteur connaît on ne peut mieux
Superman et était le mieux placé à cette époque pour lui offrir
une fin digne de ce nom, belle et spectaculaire, pleine de sens et
d'une portée morale convaincante.
Sauf que...
Le
mauvais point, selon moi, c'est que justement là encore Straczynski
a renoué avec sa légendaire mauvaise habitude d'abandonner ses
récits en court de route, obligeant l'éditeur à trouver quelqu'un
d'autre en urgence pour les terminer. Superman
– à terre
n'échappe pas à cette règle, et en plein milieu c'est Chris
Roberson qui reprend le bébé et l'accompagne jusqu'à la fin. Un
changement d'auteur et de ton qui se traduit directement par un
changement majeur dans l'histoire : les super-problèmes
réapparaissent, alors que ça ne devait être qu'une longue marche à
travers le monde ordinaire et ses difficultés. Roberson n'étant pas
Straczynski, il ne peut maintenir l'intérêt et l'attention du
lecteur sur un concept aussi peu mouvementé et donc il réintroduit
d'un seul coup de grosses menaces héroïques dans l'entourage
immédiat de Superman, dont le périple s'interrompt de plus en plus
souvent jusqu'à n'être plus qu'un souvenir lointain vers la fin,
totalement disparu derrière la nécessité de contrer ces menaces
démesurées. Alors, comprenez-moi bien, je ne trouve pas que le
message en soi soit gâché par cela, au contraire ça permet même
de mieux illustrer Superman se relevant de sa chute et redevenant peu
à peu un héros, mais quand bien même je ne peux pas m'empêcher de
penser que je me suis senti un peu trahi en voyant ça, sur le coup.
J'achète cette histoire justement pour son côté près de
l'ordinaire et du quotidien, un retour aux sources magistral pour
Superman, et je me retrouve avec toute une seconde moitié qui
revient dans l'action super-héroïque loin du ''peuple''. Pour moi
le pitch de base a été désavoué en court de route, suite au
départ de l'auteur et à la reprise en urgence par un autre, ce qui
a tendance à faire oublier tout le concept du début de cette
histoire, pourtant la meilleure partie. C'est bien dommage, mais bon
ça reste un récit de qualité malgré cela et ce n'est pas la faute
de Roberson non plus, il a fait avec ce qu'il pouvait et ce que lui
avait laissé Straczynski surtout, pas facile de passer derrière lui
beaucoup d'autres peuvent le dire.
Pour
conclure, ce récit m'a fait immédiatement repenser à un autre du
même genre : Wonder
Woman – L'Odyssée,
paru globalement à la même époque et servant également au lecteur
une telle déconstruction du personnage et de son univers proche,
pour mieux s'en relever par la suite et porter un nouveau message
d'espoir et de convictions. Tiens, étrange, cette histoire de Wonder
Woman était aussi signée et initiée par J. M. Straczynski... et
abandonnée en court de route pour être reprise en urgence par Phil
Hester. Quelle drôle de coïncidence ! Surtout que dans
Superman
– à terre,
il y a une référence très appuyée à ce qu'il advient de Wonder
Woman dans le même temps. Je trouve le parallèle des plus
intéressants, moi !
Bref, je termine et je conclue cet article déjà bien
assez long, en vous répétant que cette histoire de Superman est
magistralement menée de bout en bout malgré ses difficultés en
interne, et qu'à mon sens je n'aurais pas pu imaginer plus belle fin
pour le personnage Classique de Kal-El, elle lui va finalement comme
un gant, peu importe les critiques (qui d'ailleurs sont bien
représentées à travers les journalistes qui suivent Superman dans
son périple, petite pique amusante je trouve). L'on assiste à la
fin de Superman tel que nous le connaissons, et à son grand retour
triomphal, plus fort et plus lumineux que jamais, prêt à la
transition avec un nouvel univers DC plein de promesses et
d'espoirs !
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et
je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver
bientôt pour un nouvel article !
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