Tout le monde porte en soi une part d’ombre, d’insondables ténèbres dans les profondeurs de notre subconscient. Pour certains, c’est juste une petite voix qui se fait entendre de temps en temps. Mais pour d’autres, comme Stanley Ipkiss, c’est une véritable pulsion tapie juste sous la surface et qui ne demande qu’à apparaître au grand jour…
Quand Stanley achète pour sa petite-amie Kathy un étrange masque vert, il ne se doute pas que ce simple geste va bientôt chambouler toute sa vie. L’envie lui prend, après une énième dispute, de mettre le masque sur son visage, juste pour voir… et il devient alors Big Head, un psychotique de la pire espèce capable d’à peu près tout tant qu’il peut l’imaginer, et invulnérable de surcroit !
En l’espace d’une nuit, Stanley va déchaîner un véritable enfer dans les rues de la ville, s’en prenant à toutes les personnes qui lui ont fait du tort un jour ou l’autre, parfois même totalement gratuitement pour tester ses aptitudes. Les cadavres dans son sillage s’accumulent rapidement, et le lieutenant de police Kellaway est contraint de sortir l’artillerie lourde pour tenter d’en venir à bout. Finalement, c’est de Kathy que viendra la solution, quand elle comprendra que le masque et Stanley ne font qu’un. Désespérée après s’être débarrassée de Stanley, Kathy décide de confier le masque au lieutenant Kellaway avec pour instruction très stricte de ne jamais le mettre.
Mais évidemment, les meilleures blagues sont celles qui se répètent souvent ! Kellaway en vient lui aussi à enfiler l’étrange masque vert et devient à son tour un avatar de Big Head, décidé cette fois-ci à répandre la justice dans une ville corrompue, une justice expéditive bien sûr et avec un humour très noir à fort dosage. Les médias ne savent plus où donner de la tête : Big Head, tueur en série fou furieux ou héros inconnu qui nettoie les rues ? Kathy, elle, sait que la véritable nature du masque va finir par prendre le dessus tôt ou tard, et qu’il faut mettre un terme à ses agissements au plus vite !
De fil en aiguille, et surtout dans un nouveau bain de sang, le masque va passer entre les mains d’un petit malfrat peu sûr de lui qui deviendra lui aussi Big Head, avec comme ambition affichée d’être le nouveau parrain de la pègre ! Et pour ça, tous les moyens sont bons, à commencer par la méthodique et très sale extermination de tous les clans rivaux ! Avec Kellaway hors-jeu, Kathy est désormais la seule personne à pouvoir faire quelque chose pour tenter de récupérer le masque, quitte à user de ses charmes pour cela.
Mais même elle n’est pas insensible au chant ténébreux et envoûtant de l’artefact, et elle finit par l’enfiler à son tour pour débarrasser la ville des ultimes responsables de ses malheurs. Kathy pense être capable de garder le contrôle malgré la folie qui la dévore peu à peu, et elle ne devra son salut qu’à l’intervention de la dernière chance d’un allié de confiance… ou peut-être un nouveau coup tordu du masque pour chercher un nouveau propriétaire. La fête ne fait que commencer !
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Dans ce très bel album de chez Delirium, nous avons droit aux deux premières grandes histoires parues sur cet étrange masque qui dévoile la personnalité enfouie de son détenteur et le pousse à des actes absolument horribles pour assouvir ses moindres désirs secrets. The Mask et Le retour du masque sont deux récits complémentaires et qui se suivent de très près, mettant en scène les mêmes personnages principaux gravitant autour de l’objet maudit, chacun avec ses propres raisons.
Si comme moi vous faites partie de la génération qui a été bercée avec le célèbre film homonyme mettant un Jim Carrey délirant à souhait en vedette… eeeh bien passez votre chemin, parce qu’ici le masque, ou plutôt Big Head quelle que soit son identité, n’est pas du tout un justicier tordu avec beaucoup d’humour et de gags potaches en réserve. Ici, c’est un meurtrier de sang-froid, aussi malsain que le Joker par exemple, avec une invulnérabilité toute relative et surtout un leitmotiv récurrent : semer le chaos partout, tout le temps. La Justice au sens propre ne l’intéresse absolument pas, ce qui compte en premier lieu c’est de révéler et d’exacerber les plus mauvais côtés de la personnalité de son propriétaire du moment. Le masque passe d’un hôte à l’autre avec à chaque fois une conclusion sanglante et glaçante d’ironie. A ne clairement pas mettre entre toutes les mains.
Le Stanley Ipkiss que l’on voit ici en premier n’est qu’un raté qui passe trop de temps à se soucier de ses vieux démons, rien à voir avec l’adorable amateur de cartoons du film des années ’90. Le côté justicier extrême vient plutôt de Kellaway ainsi que ce sens du spectacle tout particulier, et ainsi de suite pour chaque détenteur du masque. Chacun laisse sa marque, son empreinte, et le Stanley du film de notre enfance n’est qu’un amalgame des meilleures parties de ses tristes avatars de papier. Je comprends totalement pourquoi le film a été à ce point édulcoré en lisant enfin l’œuvre d’origine, qui est vraiment prenante et qui se lit d’un bout à l’autre sans pause ni détours. Mais cette violence à la fois graphique et morale, que l’on doit aux auteurs John Arcudi et Doug Mahnke sur une idée de base de Mike Richardson, à vraiment de quoi mettre mal à l’aise par moments si on n’est pas enclin à ce genre d’humour très très noir et très très froid.
The Mask est une œuvre décomplexée comme il en a existé plusieurs durant les années ’80 et surtout ’90, terreau fertile pour des auteurs hors-limites. Mais peu d’histoires vont aussi loin dans le lâcher-prise et la violence gratuite, même si quelques lignes rouges ne sont jamais franchies afin de conserver un minimum de décence dans toute cette folie. Au final, qui des auteurs ou des lecteurs sont les plus séduits et possédés par le masque ? A vous de trancher.
Attention, pour être bien clair là-dessus, c’est une lecture que j’attendais vraiment avec impatience et que j’ai dévoré avec plaisir, mais qui m’a beaucoup surpris et désarçonné par moments, donc je vous conseille de ne pas vous faire de fausse idée avant de vous lancer dans ce pavé de très bonne qualité par ailleurs. Peut-être que le reste des aventures du masque maudit sera publié un jour, je l’espère en tout cas, et chez Delirium si possible !
Pour finir, je vous conseille une petite série cross-over du dessin-animé avec l’univers DC, dans laquelle le Joker s’empare du masque et fait régner la terreur à Gotham. Imaginez un peu ce que peut donner un objet révélant les plus mauvais côtés de votre personnalité chez un dingue qui ne vit déjà que pour semer le désordre partout. A lire au plus vite, Joker/Mask est aussi le chant du cygne officiel de la série avec une conclusion assez triste qui surprend elle aussi dans toute cette débauche de gags de mauvais goût.
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !
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