Bafoué, trahi, laissé comme un moins que rien. Après avoir connu la gloire et le doux nectar de la vengeance si longtemps préparée et enfin exécutée, Cellendhyll de Cortavar pensait obtenir une juste récompense de la part de son seigneur et maître. Mais Morion d'Eodh, le Maître des Mystères, Puissance du Chaos, avait d'autres projets pour son Ombre favorite. Il a implanté de force en Cellendhyll un second cœur, un cœur de Loki, connu pour ses capacités régénératives importantes. L'expérience visait à créer une sorte de guerrier hybride, renforcé par la magie loki... mais le résultat fut plus que décevant en vérité.
Devenu une véritable loque, incapable de se regarder en face, Cellendhyll a rapidement sombré dans la dépression et la haine gratuite envers tout et tout le monde, se laissant totalement aller et refusant complètement de se voir comme principale source du problème. Son corps de guerrier l'a quitté, ses muscles sont là mais enfouis sous la graisse, ses deux cœurs battant certes à l'unisson mais l'obligeant à consommer énormément de nourriture pour les alimenter. Échec sur toute la ligne, le puissant guerrier tant espéré n'est rien de plus qu'une gloire du passé qui ne se reconnaît plus lui-même et se morfond d'humiliations en défaites.
Pour l'obliger à reprendre du poil de la bête et à repousser ses limites, Morion décide finalement d'envoyer Cellendhyll en mission sur le Plan Primaire, dans la belle cité-franche de Véronèse, réputée pour ses beautés naturelles à couper le souffle et ses capiteux parfums, son sens de l'esthétisme et du luxe, ainsi et surtout que ses gemmelites de pouvoir, tant convoitées par les Puissances des autres plans. La mission est on ne peut plus simple : signer un document par procuration au nom de l'une des identités de Morion et valider ainsi l'acquisition d'un comptoir. Rien de plus, et rien de moins. Ah, si... le temps du trajet, quelques semaines environ, Cellendhyll sera accompagné de son tout dernier ami restant et encore capable de supporter son mauvais caractère. Gheritarish le Loki a lui aussi une mission à remplir : remettre son camarade en forme, au top niveau, en un temps record !
Ainsi, le voyage se déroule sans incidents majeurs, à part un entraînement à la dure dans les bois pour renforcer le corps du guerrier déchu et reprendre les bases. L'esprit, en revanche, ce sera à lui-même de s'en charger, si tant est qu'il soit encore capable de dépasser les nombreux préjugés qu'il entretient vis à vis de sa nouvelle personne. En chemin, le duo fera la rencontre fortuite de Devora, une guerrière elle aussi en route pour Véronèse, et un rapide lien d'amitié finira par unir le petit groupe vers sa destination. Et plus que de l'amitié, en ce qui concerne Cellendhyll...
Malheureusement pas encore au top de sa forme et de ses capacités, la première fois tant idéalisée est encore un échec cuisant pour l'ex-Ombre, et Devora prend le large, aussi déçue que lui. Ne reste dès lors que la mission, simple routine avant de reprendre une existence morne et solitaire. Mais peu à peu, Cellendhyll parvient contre toute attente à renverser la vapeur et à reprendre le dessus, triomphant de sa dépression et de son auto-apitoiement aussi bien que de ses formes disgracieuses. Presque redevenu lui-même, le guerrier aux cheveux d'argent entend bien tester ses nouvelles capacités physiques dans des situations de combat variées une fois arrivés en ville.
Ce qui amènera le duo d'agent du Chaos à frayer avec la criminalité locale, et surtout se mettre dans les pattes d'un complot secret visant à déstabiliser le fragile équilibre existant entre les Puissances, à s'interposer au cours de multiples tentatives d'assassinat envers un notable très reconnaissant, et à une fois de plus croiser le chemin des Ténèbres et du Légat Leprìn dont les plans de conquête confinent au sadisme pur. Une fois de plus en travers de la route et du destin du Père de la Douleur, le roi-sorcier des Ténèbres, Cellendhyll ne devra son salut qu'à la confiance qu'il accordera à ses rares compagnons d'aventure, et surtout à ce sentiment tout nouveau et pourtant si puissant qu'il éprouve ardemment pour la belle Devora, dont il croise à nouveau le chemin.
Pendant ce temps, Estrée d'Eodh, sœur de Morion et Fille du Chaos aussi courtisée que volage, poursuit ses tractations douloureuses avec le Légat des Ténèbres tout en entretenant une relation puissante et passionnée avec le Seigneur des Conquêtes de cette même Puissance, Empaleur des Âmes, qui s'éprend lui aussi très rapidement d'elle au point de remettre en question sa propre allégeance à terme. Évidemment, c'est un affront personnel pour le Légat, qui ne peut laisser cela impuni et se fera dès lors un devoir de détruire cette relation avant qu'elle ne porte ses fruits et surtout avant qu'Estrée ne lui échappe définitivement, et avec elle tous ses rêves de gloire et de grandeur aux yeux du Père de la Douleur.
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C'est le second tome de la saga L'Agent des Ombres du Français Michel Robert, et le moins que l'on puisse dire c'est que l'on reconnaît déjà bien le style si particulier de l'auteur, entre maladresses disséminées ça et là au cours de la rédaction peut-être trop intense et surtout sans réelle relecture je pense, maladresses tout aussi imputables à son premier éditeur qui n'a pas effectué les vérifications d'usage à mon avis, ce qui devrait pourtant être un automatisme. Je finis par croire que je prêche dans le vide...
Bref, reprenons. Au-delà des fautes, des erreurs ou des confusions qui sont somme toute assez rares mais néanmoins présentes, nous nous trouvons ici face à un récit de reconquête, celle du corps de Cellendhyll par son esprit, après une déchéance très rapide puisque intervenue dans les toutes dernières lignes du précédent volume. Comme quoi il faut bien lire jusqu'à la toute fin, les incidences sont très importantes par la suite !
C'est aussi, et contre toute attente de ma part, une sorte d'histoire d'amour à la fois très sensuelle et en même temps terriblement crue par moments entre notre anti-héros qui n'est plus que l'ombre de lui-même et la redoutable guerrière itinérante Devora que le Destin, à défaut d'autre mot, placera judicieusement sur sa route comme une sorte de rédemption promise à l'issue de cette quête. Une récompense enfin à la hauteur de ses attentes, qui les dépassera même largement quand il en sera enfin digne et qu'il cessera de faire sa tête de cochon, pour rester poli.
L'entremêlement de ces deux genres, la romance fantaisiste et le côté plus sombre, poisseux, auquel nous étions précédemment habitués... fait des merveilles, je suis bien obligé de le reconnaître. Quand Michel Robert tient une idée, une bonne idée, il ne la lâche pas de sitôt et vous attendrez aussi durement et impatiemment que Cellendhyll le moment des retrouvailles avec Devora, l'aboutissement de tout un cheminement de pensée qui mènera à une grande révélation... et je ne peux déjà plus en dire davantage sous peine de vous gâcher toute une moitié du roman.
L'enquête multiple en elle-même est plutôt bien ficelée, même si assez prévisible en fin de compte, les personnages intervenants et gravitants autour de notre trio principal n'étant au final pas si nombreux et variés que cela. Des pistes très intéressantes et intrigantes sont cependant révélées et dévoilées en partie pour l'avenir, les prochains tomes, puisque cette saga en compte neuf ! Après, on retrouve les défauts du style peut-être pas encore trop expérimenté de l'auteur, dans la narration comme dans le recours parfois abusif à certains raccourcis ou au contraire un temps trop long passé sur de la simple exposition de faits. Des défauts qui ne sont pas réellement dérangeants une fois que l'on est plongé à fond dans l'histoire, qui se dévore alors d'une traite sans problème.
J'espère que les tomes suivants seront à la hauteur des attentes générées ici, en tout cas n'espérez toujours pas une fin 100% heureuse je préfère vous prévenir de suite, ici nous avons affaire à un univers sombre, froid, terriblement injuste et surtout cruel par bien des aspects. La moindre petite once d'espoir doit lutter chèrement pour survivre au milieu de tout cela, et les conséquences d'un abandon malavisé sont parfois redoutables. Un peu comme dans les bonnes vieilles parties de Jeu-de-Rôles au fond quand j'y pense, ça ne m'étonnerait pas outre mesure d'apprendre que Michel Robert en est un fervent adepte ! En tout cas, il fait honneur au genre à sa façon, et c'est tout ce que l'on est en droit d'attendre fondamentalement.
Les succès francophones dans le domaine de la fantasy, de la dark-fantasy en plus, sont assez rares et donc suffisamment précieux pour ne pas être boudés outre mesure, on peut sans difficultés passer l'éponge sur les quelques défauts un peu grossiers car ils ne sont que la marque d'un auteur qui se cherche encore à cette époque et qui affine cependant bel et bien son style, capable en outre de faire de réels progrès et de tenir les promesses de ses dénouements haletants. Ne boudons pas notre plaisir !
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !
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