vendredi 16 juin 2023

La V.O. du vendredi n°235 : Fantastic Four by Mark Millar & Bryan Hitch omnibus (Marvel - Avril 2023)


La Guerre Civile super-héroïque s'est achevée depuis quelques temps maintenant, et les principaux concernés sont retournés à leur vie tant bien que mal, faisant avec tout ce qui les oppose encore. Car après tout, le monde a toujours besoin de ses héros pour le protéger, n'est-ce pas ? C'est aussi le cas des Quatre Fantastiques, touchés comme très peu de leurs collègues par cette crise. Étant la première famille de super-héros de leur ère, ils ont vécu la guerre civile comme un véritable déchirement qui aurait très bien pu tout emporter sur son passage. Fort heureusement, il restait assez d'amour dans cette famille si particulière pour permettre de recoller les morceaux et de faire abstraction de tout ce mal-être et ces non-dits.


Mais alors que tout semble s'arranger peu à peu, voici que l'ex-petite amie de Reed Richards débarque à New York pour lui parler de toute urgence ! Et en effet, il y a une grosse urgence au programme : la Terre se meurt. Les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient, ainsi que les épidémies, et d'après les recherches d'Alyssa Moy ce serait tout bonnement la conséquence du dérèglement qu'inflige l'humanité à sa planète-mère. Si l'optimisme était de mise jusque là, il apparaît bien vite que cet état d'esprit est dépassé, tout comme l'urgence climatique. C'est un fait, le monde court droit à la catastrophe et plus rien ne pourra permettre de faire machine arrière. Mais il reste néanmoins un espoir.


Dans le plus grand secret, un consortium de multimilliardaires et de scientifiques de pointe s'est rassemblé pour concevoir le projet le plus démentiel de toute l'histoire humaine : une nouvelle planète Terre, un NU-World, entièrement artificiel et capable d'abriter la vie de tous les réfugiés de la première Terre quand viendra le temps de l'exode. Et il viendra, c'est inexorable. Aucun dieu, aucun super-héros ne peut aller contre cet état de fait, et l'on n'a pas besoin de Mister Fantastic pour trouver une solution de toute urgence. On a besoin de Reed Richards, le cerveau le plus brillant de la planète, pour aider à finaliser ce projet fou et à opérer la transition en douceur.


De son côté, Ben Grimm rencontre un nouvel amour lors d'une sortie exhibition, tandis que Sue Storm veille comme elle le peut sur ses deux enfants tout en tâchant de garder une activité constructive en vue avec son nouveau groupe d'intervention exclusivement féminin. Johnny, lui... restera toujours Johnny, quoi qu'il arrive. Mais alors que la dynamique du groupe s'essouffle et que chacun vaque à ses occupations, voici qu'une série d'attaques frappe le Baxter Building, la ville de New York et les laboratoires Richards. Quelqu'un qui semble très bien connaître le fonctionnement de la famille s'en prend à eux indirectement à travers leurs activités et leur public, quelqu'un qui tente peut-être tout simplement de leur communiquer une nouvelle information mais pas forcément de la meilleure des façons.


Quand un groupe de héros venu du lointain futur débarque soudainement pour exiger que la Terre leur soit livrée et que tous ses habitants l'aient évacuée avant l'arrivée de près de huit milliards de réfugiés du futur partis pour prendre leur place, c'est un nouveau problème qui se pose pour l'esprit le plus brillant de son temps. Mais même si c'est de Reed Richards dont on a besoin au départ, Mister Fantastic n'est jamais bien loin et il parviendra à trouver une solution qui arrangera tout le monde ou presque : envoyer les habitants du futur sur le NU-World, un monde parfait doté de toutes les ressources et de tous les moyens imaginables pour supporter la vie et l'activité humaine. Tout est bien qui finit bien... sauf que primo la Terre est toujours menacée d'autodestruction, et secundo les propriétaires du NU-World n'entendaient pas vraiment accueillir toute la misère du futur sur leur monde parfait ! Au contraire, cette Terre artificielle devait être un havre de paix mais seulement pour les plus méritants, les plus riches, les plus importants en somme. Le reste de l'humanité était dès le départ condamné à périr dans le cataclysme. Une vérité dérangeante qui une fois révélée fait exploser tout le projet, tandis que Reed s’attelle d’arrache-pied à trouver une autre solution pour sauver le monde, une fois de plus.


Pendant ce temps, le Docteur Fatalis n'est pas bien loin lui non plus et opère dans son propre rayon, même s'il a clairement failli y passer durant l'affrontement entre les héros du futur et les Fantastiques. A présent qu'il est fermement détenu comme prisonnier par la Cour Pénale Internationale, Fatalis demande un dernier entretien avec Reed Richards depuis sa cellule sur-mesure. Là, il lui révèle à demi-mots l'existence d'une entité terrifiante, un être de pur cauchemar, qui lui aurait appris pratiquement tout ce qu'il sait et qui seul serait digne d'être appelé son Maître.


Incrédule, Reed laisse cette information de côté pour se consacrer à ses autres problèmes, mais l'idée germe doucement dans un recoin de son esprit. Et si Victor avait raison ? Et s'il existait un être assez puissant pour tordre la réalité elle-même et qui aurait pris le déjà terrible Fatalis sous son aile bien des années auparavant pour en faire le super-vilain que l'on connaît et redoute tant ? N'y aurait-il pas, fort logiquement, bien plus à craindre de cet être si mystérieux si jamais il venait à tourner à nouveau son attention sur la Terre-616 ? En tout cas, les derniers mots de Fatalis vont dans ce sens et ne souffrent aucune mauvaise compréhension : ''Le Maître arrive...''.


Et quand vient le moment fatidique, c'est un Fatalis tout juste libéré par Norman Osborn durant le Dark Reign qui accueille son précepteur en Latvérie. Mais sitôt après cette cérémonie improvisée, Fatalis déchante quand son maître lui révèle qu'il est très déçu des agissements de son ancien élève, et qu'il compte non seulement le punir pour cela mais aussi et surtout reprendre tout à zéro et combler chaque lacune lui-même, à commencer par l'existence des Quatre Fantastiques ! Fatalis ose alors se rebeller et tenter de combattre de toutes ses forces... mais il perd. Et meurt en sachant que la Latvérie n'est plus que cendres sous ses pieds, et que le reste du monde suivra bientôt. Tandis que le corps brisé de Fatalis est envoyé dans les limbes du Temps pour y disparaître, le Marquis de la Mort tourne maintenant son attention sur la famille Richards au grand complet. Une guerre, ça peut se gagner en faisant certains efforts et quelques sacrifices. Mais il ne s'agit plus d'une guerre, c'est personnel, c'est une exécution pure et simple, un châtiment cosmique qui détruira toute vie dans cette réalité, avant de passer à une autre encore et encore. Et nul ne saurait empêcher cela. À part Mister Fantastic, peut-être ? S'il y a bien une chose de sûre depuis l'apparition des Quatre Fantastiques, c'est que quoi qu'il arrive ils sont toujours soudés et unis autour de leur leader, et dès lors rien ne saurait les arrêter ! Le compte à rebours est lancé pour l'ultime mission, sauver l'univers et vaincre le méchant à son propre jeu. Mais qui dit jeu dit aussi tricheurs potentiels qui s'invitent dans la partie...


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Je rêvais de lire ce run depuis sa parution en version française dans la collection ''Marvel Icons'', aujourd'hui abandonnée par Panini au profit d'une politique plus agressive centrée sur les omnibus. Mais c'est vers la V.O. que je me suis tourné, surtout avec cette magnifique couverture alternative de Marc Silvestri en personne et cette vignette représentant un Fatalis désespéré, ça ne pouvait que me séduire !


Bien sûr, à l'intérieur c'est très différent visuellement parlant. Le style de Bryan Hitch n'a pas grand chose à voir avec celui de Silvestri, et pourtant je trouve que la comparaison est à l'avantage des deux artistes à la fois. Hitch possède un sens pratiquement unique des proportions et du réalisme, rendant chacune de ses planches similaire à un arrêt sur image durant un film de type blockbuster, un grand spectacle comme on en voit chaque Été ou presque depuis bien longtemps. Fort peu de dessinateurs de comics savent surfer sur cette vague et mettre en image le fantastique et l'irréel avec une telle justesse, y compris dans l'apparence des personnages qui ne va jamais chercher dans l'excès facile que l'on peut souvent reconnaître à cette industrie du divertissement. Sans aller jusqu'au photo-réalisme saisissant d'Alex Ross, Bryan Hitch est capable de représenter des super-héros et des créatures incroyables sans que cela ne nous paraisse anormal le moins du monde, c'est exactement comme se poser dans son canapé et regarder un film à gros budget sur un écran adapté.


Et c'est là qu'entre en jeu le talent de Mark Millar comme conteur d'histoires. Millar est au scénario et à la mise en scène ce que Hitch est aux dessins, un véritable artiste qui s'échine à rendre concret l'impensable, à faire entrer dans nos petits crânes des visions et concepts totalement hallucinants sans que cela ne nous dérange outre-mesure une fois que l'on prend le train en marche. Comme un film, je vous dis ! Pas étonnant que ce run, assez court finalement, soit tellement apprécié et si souvent décris comme cinématographique.


L'alliance de ces deux talents, qui nous avait déjà offert la série Ultimates par le passé, nous plonge dans une intrigue à couper le souffle en deux gros temps forts, qui remet en question l'existence même du groupe des Quatre Fantastiques et leur raison d'être quand le monde va mal à un point inimaginable. En tout cas ça l'était dans la seconde moitié des années 2000, de nos jours c'est déjà bien plus concret malheureusement. Comme quoi, les avertissements étaient déjà là depuis un moment dans l'esprit collectif.


Pour en revenir strictement aux histoires fictives racontées ici dans ce bel omnibus, ma préférée est de loin celle concernant le Marquis de la Mort, fameux Maître de Fatalis en personne, comme s'il pouvait exister quelque part dans le vaste multivers un être dont la seule présence puisse faire s'agenouiller un homme au cœur aussi dur que Fatalis. Rien que l'idée donne déjà le vertige, alors accrochez-vous bien quand vous le verrez apparaître pour de bon car l'échelle de puissance est juste impensable. Et rien que pour la façon dont tout ceci finit par se résoudre (je ne vous dirai pas comment) je ne peux que vous conseiller cette lecture absolument dantesque. Pour le moment et à ce jour j'ignore qui est le scénariste qui est passé sur la série Fantastic Four juste après Millar, mais ça ne devait sûrement pas être de la tarte !


Cet omnibus regorge aussi de suppléments, comme l'ajout de deux mini-séries additionnelles signées Millar également. La première concerne la Fantastic Force, à savoir les héros présents sur le NU-World et en provenance de notre futur de l'an 2609, et leurs difficultés à s'adapter à un monde qui ne veut clairement pas d'eux ni de toutes ces bouches à nourrir. La seconde, c'est le légendaire récit sobrement intitulé 1985 et qui offre une vision splendide de ce que c'est que d'être fan de comics, à plus forte raison des comics de l'âge d'argent de la Maison des Idées. Tout un pan de la culture pop est traité ici avec un regard neuf, vif, et terriblement moderne en fin de compte. Là encore, une vive recommandation de ma part si vous souhaitez approfondir le sujet. Je crois même que Panini l'a sorti en version française il y a quelques temps, c'est peut-être encore trouvable si vous cherchez bien. Pas d'excuse pour passer à côté !


Enfin, la galerie de bonus. Des pages crayonnées, des études de personnages et des costumes, des éditos signés par de grands noms de chez Marvel et une interview exclusive de Mark Millar à destination des fans de l'époque, bref l'idéal pour plonger dans cette fin des années 2000 et retrouver le contexte si particulier qui était celui de l'univers créatif Marvel d'alors. Bilan, un très bel omnibus, à taille humaine (comprenez lisible facilement physiquement parlant) et offrant du grand spectacle en pagaille, que demander de plus ? Vivement que Panini l'annonce en V.F. dans une prochaine newsletter afin que le public francophone puisse en profiter pleinement à son tour ! N'allez pas croire que je me lasse de vous présenter ces histoires sur le blog, mais il y a tellement à en dire et si peu de partages... n'hésitez pas à donner votre avis sur vos histoires préférées des FF !

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