lundi 12 février 2024

Les Contes Interdits - Raiponce (ADA Éditions - Février 2019)


On sait relativement peu de choses sur l'incendie de l'orphelinat pour enfants aliénés de Saint-Charles-Borromée, si ce n'est qu'aucun pensionnaire n'y a survécu. Les anciens racontent encore entendre les cris et les appels à l'aide à travers la fumée et les flammes, les bruits déchirants des vies qui s'éteignent à mesure que le brasier s'étend. Depuis des années, pour les jeunes du coin, c'est un peu le passage obligé pour tester sa bravoure et son courage, se faire mousser auprès des filles, bref faire ce que veut l'adolescence en mal d'être regardée et louée.


Jacinthe, treize ans, s'y rend un soir en compagnie de deux de ses amis proches, dans le but de filmer leur petite expédition dans cette antichambre de l'Enfer et de revenir avec peut-être un beau trophée à exhiber devant leurs camarades pantois. Mais la jeune femme en devenir va surtout se rendre compte que les monstres existent bel et bien, et que leurs légendes sont loin d'avoir livré tous les détails de leur cruauté...


Après avoir assisté aux meurtres de ses amis, Jacinthe est traînée à travers les bois jusque dans une ancienne mine abandonnée où se terre le monstre au visage gravement brûlé et à la force brute presque animale à qui elle doit ses malheurs. Enfermée dans une petite cellule avec pour seule compagnie un peigne et un miroir de fortune, l'adolescente comprend vite que sa survie n'est due en grande partie qu'à sa belle et longue chevelure, que semble d'une certaine manière convoiter le monstre.


Cette découverte s'accompagne de celle de nombreuses autres prisonnières du vaste complexe souterrain, toutes dans la même situation et là depuis plus longtemps qu'elles ne sauraient le dire. Une à une, le monstre vient les chercher et les emmène dans un endroit encore inconnu, d'où elles ne reviennent jamais. Chaque fois en revanche, le monstre arbore une nouvelle chevelure sanguinolente sur son crâne meurtri...


Jacinthe n'y tient plus, elle doit s'enfuir, loin, vite, avant que son tour ne vienne. Quand ses cheveux auront atteint la bonne longueur et seront suffisamment au goût de son bourreau, elle disparaîtra elle aussi dans les affreux tunnels de cette mine, oubliée de tous, victime anonyme parmi d'autres dans la folie furieuse d'une créature consumée par le Mal. A moins qu'un sauveur providentiel ne vienne à son secours ?


C'est là qu'entre en scène Rob, le chasseur aguerri, cocaïnomane reconnu et adepte de violences inavouables, longtemps sur la retenue toutefois faute de pouvoir laisser libre cours à sa propre folie. Mais là-bas, dans ces bois du bout du monde, loin de toute forme d'autorité, il compte bien assouvir ses sombres penchants et se laisser totalement griser par la drogue et le plaisir d'une chasse mortelle. Aucun gibier ne saurait lui résister, ni dans la vie ni dans la mort, aucun repos n'est possible. Mais, alors qu'il vient tout juste de se rendre coupable d'un véritable meurtre pour la première fois de sa vie, Rob est soudain assailli par une voix qui l'appelle, à travers la forêt, une voix faible, féminine, chantante... condamnée.


N'écoutant que ses pulsions les plus sauvages, Rob s'élance à la recherche de cette voix, de sa propriétaire, et des nombreux outrages qu'il compte lui faire subir. De son côté, Jacinthe a survécu de justesse à une tentative d'évasion désastreuse, et sa vie repose désormais entre les mains du monstre. Le chasseur semble être sa seule porte de sortie, loin de ce cauchemar, mais lui aussi a des projets pour elle. Qui donc emportera la belle Jacinthe dans les tréfonds de l'horreur finale ?


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Je ne vais pas vous mentir, cette lecture-ci a été un peu plus aisée que la précédente de cet auteur dans cette collection des Contes Interdits chez ADA. L. P. Sicard avait en effet signé auparavant l'adaptation de Blanche-Neige, que je me souviens vaguement avoir trouvé un peu trop perchée et même psychédélique par moments, donnant dans le gratuitement insensé peut-être pour se donner un genre... mais j'avais tort !


Car avec cette version actualisée et revisitée de Raiponce, Sicard nous offre toute l'étendue de son talent pour la poésie macabre et de son obsession pour la dualité existante entre fatalité et espérance, les deux intrinsèquement liées dans l'esprit des victimes de son histoire. Les monstres ne sont pas là pour faire joli, le chasseur n'est pas tout blanc (sauf le nez peut-être) et la belle prisonnière va vivre un cauchemar véritable avant de pouvoir revoir la lumière du jour. Et encore, si le peu de raison qu'elle conserve en elle fait le poids face à l'écrasante et horrifiante réalité qu'elle découvrira !


J'ai bien aimé ce conte-ci, qui me réconcilie donc avec L. P. Sicard et me donne plutôt envie de découvrir les autres titres de son crû dans cette collection désormais incontournable pour les amateurs d'horreur et de frissons glauques. J'aurais simplement préféré que l'auteur prenne peut-être davantage son temps sur certains passages, et puisse ainsi éviter des répétitions malheureuses qui parasitent un peu le rythme de lecture quand on les remarque. En somme comme presque à chaque fois, je crois qu'il manque une sérieuse relecture pour gommer ces petits défauts évitables, travail qu'aurait sans doute accompli un éditeur plus appliqué sur le moment.


Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

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