lundi 1 avril 2024

Amazing Spider-Man par David Michelinie et Todd McFarlane omnibus (Panini Comics - Octobre 2023)


Soigné dans une clinique psychiatrique pour sa phobie centrée sur Spider-Man, Otto Octavius finit par retomber dans ses travers de toujours lorsque ses tentacules viennent le secourir et le faire redevenir le Docteur Octopus. Décidé à se débarrasser pour de bon de cet ennemi qu'il est jusque là incapable de battre à plate couture, le vilain prépare un plan drastique qui aurait pour conséquence majeure la mort des milliers de citoyens de Manhattan. Absolument hors de question pour le Tisseur, qui est prêt à aller jusqu'à se tourner en ridicule devant Otto afin de le guérir de sa phobie et lui rendre ses esprits juste avant qu'il ne soit trop tard. Tant pis pour sa réputation, Spider-Man a néanmoins sauvé la ville ce jour-là comme bien souvent, même si personne ne le saura jamais.


Juste après, c'est la Fondation Life qui se mettra à comploter et à acheminer du matériel très dangereux dans un complexe de haute sécurité au Nord de l'État. Avec l'aide du mercenaire Chance, Spidey parviendra à en venir à bout mais en sera de nouveau pour ses frais, juste au moment où Mary Jane et lui envisagent de quitter le petit appartement qu'ils occupent pour s'installer dans la prestigieuse résidence Bedford Towers. En effet, le couple désormais marié a grand besoin de changer d'air et la carrière de MJ en tant que mannequin vedette est plus que profitable, mais Peter a encore bien du mal à se laisser aller et entretenir par sa femme financièrement parlant. Pourtant cela fait déjà un moment que ses piges pour le Daily Bugle ne rapportent presque plus rien...


Et ce n'est pas prêt de s'arranger, puisque Jonah Jameson a fait concevoir dans le dos de Peter tout un recueil de ses premières photographies de Spider-Man, afin d'en tirer un maximum d'argent ! Peter n'aura droit qu'à de toutes petites indemnités, mais il parvient tout de même à tirer son épingle du jeu en acceptant un deal unique : dédicacer le livre dans tout le pays, contre 25 000 dollars de rétribution. De quoi voir un peu plus loin et participer lui aussi à l'emménagement dans le nouvel appartement obtenu grâce à MJ. Cette tournée jusqu'en Californie ne sera cependant pas de tout repos et verra le retour du cambrioleur Black Fox à la poursuite d'un calice extrêmement précieux pour assurer sa petite retraite paisible. Évidemment, c'était sans compter sur la présence de Spider-Man !


Mais le plus gros sujet de préoccupation pour le Tisseur comme pour Peter Parker sera sans conteste l'apparition d'un tout nouveau vilain dans sa galerie déjà haute en couleurs. Le redoutable Venom fait son entrée et entreprend de terroriser Mary Jane pour faire sortir Peter de sa réserve, lui prouvant ainsi qu'il sait qui il est réellement et où le trouver au besoin. Peter découvrira rapidement à ses dépends que Venom est en réalité la fusion de deux vieilles connaissances : le journaliste malheureux Eddie Brock et le symbiote extraterrestre qui était jusqu'à peu le costume noir de l'Homme-Araignée avant que celui-ci ne réussisse à s'en défaire. Il se trouve que Brock et le symbiote se sont réunis autour d'une seule et même cause : détruire Spider-Man ET Peter Parker à tout jamais, et leur haine est à la mesure du pouvoir et de la puissance dont ils disposent désormais.


Après un combat rapide et rondement mené bien que tout de même très risqué, Peter s'en sort indemne et demande aux Quatre Fantastiques de garder Venom sous clé en attendant son transfert dans une prison de haute sécurité pour super-vilains. Pendant ce temps, la vie reprend son cours et l'emménagement se passe plutôt bien, le nouvel appartement permettant à MJ de se changer les idées et au petit couple d'enfin repartir sur de bonnes bases. Tout serait parfait s'il n'y avait le propriétaire, Jonathan Caesar, un rien trop collant et entreprenant avec Mary Jane quand Peter n'est pas présent. Mais cette aventure-ci, la belle rousse devra la vivre et la surmonter en solo, tandis que son mari fou d'inquiétude se met à la rechercher dans toute la ville lorsqu'elle disparaît subitement de chez eux.


Après des retrouvailles on ne peut plus agréables et un réel soulagement pour les deux, Peter et MJ doivent faire face au retour de Venom, fraîchement évadé de prison et toujours déterminé à leur nuire, jusqu'à menacer Tante May l'air de rien ! Là encore l'affrontement sera de courte durée et le criminel vaincu et réincarcéré, mais le trauma qu'il laisse derrière lui sera difficilement surmontable. D'autant plus qu'avec les nouvelles manigances de Caesar, le couple est évincé de son appartement et obligé d'aller habiter d'urgence chez Tante May pour ne pas finir à la rue !


Et tandis que Mary Jane ne parvient plus à décrocher le moindre contrat en tant que mannequin, Peter de son côté doit affronter l'Enfer qui se déchaîne sur New York, avec de vieux ennemis qui en profitent pour tenter leur chance comme Mysterio ou le Lézard par exemple. Harry Osborn redevient le Bouffon Vert le temps d'un affrontement dantesque avec le Super-Bouffon, et même s'il semble avoir tout oublié concernant le secret de Spider-Man le meilleur ami de Peter n'en demeure pas moins une cocotte minute capable de sauter à tout instant si jamais quelque chose le faisait de nouveau basculer du côté obscur.


Après une courte échauffourée avec le Scorpion et le Rhino nouvelles moutures, petite courtoisie de l'entrepreneur Justin Hammer, Spider-Man est embarqué malgré lui dans une affaire d'état qui pourrait possiblement conduire à une guerre ouverte entre les USA et la Symkarie ! En effet, un complot se trame pour faire assassiner le roi de ce petit pays Européen, et tous les indices mènent à la CIA, ce qui a pour effet de briser les relations diplomatiques entre les deux nations à présent à couteaux tirés. Acceptant d'aider Silver Sable contre une récompense non négligeable qui lui permettra de voir venir le quotidien pendant quelques temps, Peter reçoit l'aide de Captain America en personne et du mercenaire fermement anti-terroriste baptisé Solo, afin de remonter lentement mais sûrement le fil du complot jusqu'à la tête pensante, nul autre que le diabolique Crâne Rouge !


Une fois cette affaire résolue et de retour à New York, Spider-Man n'a pas de répit pour autant car c'est l'heure des Actes de Vengeance, une conspiration ourdie en secret par différents super-vilains pour s'échanger leurs adversaires de toujours et espérer les vaincre à l'aide de l'effet de surprise. Ainsi, en quelques jours à peine, le Tisseur se retrouve opposé à Graviton, puis Magneto, au Hulk gris, et enfin à une Tri-Sentinelle projetant d'atomiser toute la ville en détruisant une centrale nucléaire. Heureusement, à cette même période Peter a repris ses études universitaires dans l'espoir de décrocher sa Maîtrise, et il a été bombardé de rayons énergétiques par accident lors d'une expérience ce qui lui a conféré des pouvoirs cosmiques gigantesques qui l'aideront à batailler et à vaincre le plan dément du dieu perfide Loki au terme d'un marathon qui le laissera épuisé.


Enfin, alors que MJ réussit à décrocher un rôle à la télévision dans un feuilleton populaire et qu'un troisième appartement est trouvé grâce à Harry Osborn, voilà que Flash Thompson présente à la petite bande sa nouvelle petite-amie : Felicia Hardy ! Flash ignore bien sûr qu'elle est en réalité la Chatte Noire, de retour d'un long voyage en Europe et bien décidée à poser ses griffes sur Spider-Man de nouveau, mais avec un changement de taille cette fois : elle veut aussi Peter Parker ! Comble de malchance, Mary Jane doit de nouveau subir de son côté le harcèlement incessant de Jonathan Caesar... mais elle ne se laissera pas faire impunément !


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A la toute fin des années 1980, le scénariste prolifique David Michelinie obtient le Graal, la série Amazing Spider-Man, à une seule petite condition non négociable : qu'il mette en scène et valide la vie maritale de Peter Parker et Mary Jane Watson, fraîchement unis. Problème, cette idée ulcère Michelinie mais l'auteur de génie parvient cependant à contourner cette défiance en imposant une vision bien personnelle de cette union, une vision qui n'a rien de traditionnelle dans le petit monde des super-héros. Et avec les dessins d'un tout jeune étalon nommé Todd McFarlane, la série devient rapidement un véritable succès d'estime et public, jetant les bases de nombreuses intrigues et adaptations sur d'autres médias dans un avenir pas si lointain.


Le secret, c'était de faire de Mary Jane une femme certes dévouée mais cependant pas du tout dépassée par l'aspect super-héroïque de son mari, au contraire ! C'est bien souvent grâce à MJ que Peter renonce à renoncer à Spider-Man, ou à baisser les bras après un échec ou une vexation de trop. Elle le soutient dans toutes ses épreuves, et si c'est elle aussi qui subvient à tous leurs besoins financiers elle n'en demeure pas moins équitable et fait tout son possible pour intégrer Peter dans sa vie à elle, faite de paillettes et de célébrités en tous genres que le lectorat se plaira à croiser au détour d'une case ici et là.


On retiendra surtout cette période pour la première apparition du terrible Venom, devenu rapidement très populaire et incontournable pour Marvel, et c'est effectivement un succès énorme pour Michelinie et McFarlane qui peuvent se targuer d'avoir créé l'un des super-vilains à la fois les plus complexes et les plus simples de la Maison des Idées, encore très utilisé de nos jours d'ailleurs.


Leur run est aussi bourré de petites surprises, des Easter Eggs à dénicher dans toutes les pages et des personnalités à reconnaître, comme par exemple les nombreuses apparitions de Félix le Chat ou bien encore des caricatures à peine déguisées d'autres artistes du monde des comics ou du cinéma. C'est un vrai plaisir de parcourir toutes ces histoires et de tomber par hasard au détour d'une case sur ces pépites trop rapidement oubliées ensuite, une sorte de témoignage du passage de deux génies dans la vie du Tisseur. McFarlane partira ensuite faire ses propres expériences sur une série qui lui sera entièrement dédiée, avant de quitter Marvel en 1992 pour fonder Image Comics et lancer son héros le plus célèbre et représentatif de son style si particulier : Spawn !


David Michelinie quant à lui poursuivra son œuvre aux commandes du destin de Spider-Man durant les années suivantes, avec l'aide d'Erik Larsen ou encore Mark Bagley, mais nous verrons cela plus tard et peut-être ailleurs. Pour le moment, je voudrais profiter de ces quelques lignes qui me sont accordées afin de vous parler d'un thème récurrent dans les épisodes de Michelinie présents dans cet omnibus : la masculinité toxique.


En effet, on la retrouve un peu partout et à travers des personnages extrêmement bien décrits et mis en scène, notamment Jonathan Caesar et son impitoyable campagne de harcèlement envers Mary Jane pour qui il nourrit une vilaine obsession qui le poussera à toutes les bassesses afin de s'emparer d'elle, ou à la punir, elle comme Peter, quand elle lui échappera enfin. Venom aussi sera montré assez violent avec la gente féminine, par exemple en torturant la Chatte Noire pour obtenir des renseignements privés sur Peter Parker/Spider-Man, ou en terrorisant Mary Jane pour atteindre Peter personnellement. Il n'y a que Tante May qui s'en sorte bien, et encore son Jules lui pique de l'argent en douce pour jouer à la loterie...


Ça paraissait peut-être plus normal ou anodin à cette époque, mais de nos jours on ne peut que saluer la performance des artistes sur ces épisodes, performance ayant pour but selon moi de dénoncer ces agissements et ce type de personnalités extrêmement toxiques tout en montrant de l'autre côté des personnages féminins forts et capables de s'en sortir par elles-mêmes, vraie nouveauté avant l'avènement des Bad-Girls des années '90. Là où Felicia cède mais cherche à se venger par la suite, MJ endure les tourments infligés par Caesar à la fois dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée, parvient à s'en extraire d'elle-même et finit par le mettre hors d'état de nuire, du moins pour un temps. Une image de femme forte capable de sortir d'une relation toxique et de faire preuve de courage, ça n'est pas banal en cette toute fin des années '80 et je crois qu'il faut saluer l'effort méritoire de Michelinie et McFarlane à ce niveau.


Peter aussi fait preuve d'un ego masculin assez déplacé aujourd'hui mais qui paraissait là encore peut-être tout à fait normal à l'époque, comme quand il déplore le fait que Mary Jane gagne bien mieux sa vie que lui et les fasse vivre tous les deux, ou quand d'inévitables engueulades surviennent dans le jeune couple alors que les soucis d'argent se mettent à pleuvoir. Mais notre héros fait toujours contre mauvaise fortune bon cœur et réussit le tour de force de faire taire son ego blessé et d'aller de l'avant en mettant toujours un point d'honneur à reconnaître les écueils que Mary Jane leur évite, ou surtout ceux qu'elle affronte seule.


On notera aussi, pour changer de sujet, quelques similitudes entre le scénario de Michelinie et d'autres rédigés plus tard, preuve de la vague d'inspiration que l'auteur a su lancer via ce run. Par exemple, le plan du Docteur Octopus pour tuer Spider-Man ressemble étrangement à celui mis en scène plus tard par Jeph Loeb et Tim Sale dans Batman – Un long Halloween pour l'intervention aérienne du Joker. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a eu quelques clins d’œils appuyés aux travaux de Michelinie durant une bonne période pendant et après son passage sur Amazing Spider-Man, de la part de ses collègues, partenaires et confrères dans le milieu assez fermé des comics de super-héros. Certaines histoires, certains visuels aussi pour McFarlane, sont repris presque tels quels dans d'autres parutions ou bien dans des adaptations télévisées, comme l'excellente série-animée Spider-Man de 1994 avec laquelle j'ai grandi. Ces histoires n'étaient pas toujours les plus marquantes ou les plus essentielles, certaines traitant simplement du quotidien du Tisseur sans son masque et ses collants, mais on s'en souviendra toujours pour leur côté à la fois réaliste et déjanté qui nous aura fait rire ou pleurer à foison.


Enfin, pour terminer, un mot sur cet album en lui-même. Il ne vous aura pas échappé grâce au visuel de cet article audio que je me suis procuré à la version collector de cet omnibus, avec le célèbre costume noir en couverture. Je tiens à souligner le travail tout particulier de Panini pour cette version collector, un travail assez proche finalement de ce que l'on trouve dans les parutions d'omnibus V.O. chez Marvel : jaquette avec un effet de relief, dessin courant sur l'ensemble de la couverture cartonnée sous la jaquette, etc. Si seulement ce même travail pouvait se généraliser à tous les omnibus de Panini ce serait parfait ! Le seul point négatif, c'est que je n'ai pu me le procurer qu'en passant directement par le site de vente en ligne de l'éditeur, puisque les versions collectors ne sont pas disponibles dans les librairies traditionnelles. Et c'est bien dommage !


Il est plus que temps de clore ce sujet, mais je voudrais avant cela insister une toute dernière fois sur le côté avant-gardiste et novateur du travail de David Michelinie. Si on retient surtout Todd McFarlane pour ses trouvailles graphiques impactantes comme la fameuse toile-spaghetti ou la gestuelle toute arachnéenne, je pense qu'il faut aussi souligner l’œuvre colossale du scénariste pour nous faire passer des messages forts qui ont traversé les décennies et les médias, des messages qui aujourd'hui trouvent enfin une résonance dans les débats de société et dans les travaux des auteurs actuels, hommes et femmes confondus. Ça peut paraître sexiste à première vue, et parfois ça l'était sûrement, mais il n'empêche que des personnages emblématiques comme Mary Jane ou Felicia Hardy doivent leur émancipation de l'ombre du héros principal à des histoires choc et bien écrites, dont l'auteur est bien trop souvent négligé pour la postérité. Espérons de tout cœur que les prochains omnibus à sortir chez Panini comme en V.O. chez Marvel nous offrirons l'ensemble de ce long run d'exception !


Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

 

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