La guerre du Joker a plongé Gotham City dans un chaos dont elle peine encore à se sortir, et alors que les choses reprenaient le chemin de la normalité voici qu'un attentat au gaz empoisonné provoque la mort de près de 500 patients, soignants et gardes de l'asile d'Arkham, dont le redoutable Bane qui a lui aussi causé bien du tort à la ville récemment. Petite signature, le gaz a fait pâlir les visages des victimes et leur a provoqué un sourire démoniaque... le Joker est donc mis sur la tête de liste des suspects.
Parfois, certains milieux extrêmes ont tout de même besoin de respecter un cadre pour continuer à fonctionner. Pas les lois, elles ne sont pas faites pour ces gens-là, mais des règles s'appliquent malgré tout, une sorte de code de bienséance entre gens du mauvais monde. Premièrement, autant que possible on évite de s'en prendre à ses co-patients quand on est interné. Ainsi qu'aux intérêts des grandes familles, surtout à plusieurs reprises et dans un délais assez court. Le Joker vient de faire la nique à toutes ces règles, et là ça ne va pas passer du tout. Autant dans le monde du crime organisé que dans les cercles intimes des grands super-vilains, sans parler des meurtriers traditionnels, son attentat ulcère tout à chacun et tout le monde veut voir le Clown Prince du Crime chuter de son piédestal pour de bon ! Reste à trouver la personne idéale à qui confier ce travail...
Parce que, bien évidemment, Batman se refuserait à collaborer avec ces gens-là. Il a une éthique, un sens de l'honneur, et autant que faire se peut il tâche de respecter les lois, les plus importantes en tout cas. Donc il faut quelqu'un que la Loi a suffisamment usé, détourné de son autel, dégoûté de la vie en général, que le côté sombre de Gotham a détruit psychologiquement autant que professionnellement... l'ancien commissaire James Gordon semble le candidat idéal, après une courte réflexion.
Petite retraite insuffisante pour bien vivre, perte tragique d'un fils à cause du Joker, handicap lourd de sa fille à cause du Joker, des nuits et des nuits interminables de cauchemars atroces à cause du Joker... bref, rien qu'avec ça les raisons qu'aurait Gordon d'accepter de poursuivre le Clown sont plus que crédibles. Si on ajoute la satisfaction garantie de pouvoir lui loger une balle personnellement entre les deux yeux, pour de bon cette fois... alors ne reste plus qu'à signer.
Évidemment, Jim Gordon n'est pas un tueur à gages dans l'âme. Il demande tout d'abord de l'aide à Batman pour remonter la piste de ses mystérieux employeurs, qui tiennent tant à voir le Joker se balancer au bout d'une corde ou enterré six pieds sous terre définitivement. Le Détective accepte de laisser Gordon accéder à une partie du réseau Oracle, surtout quand Gordon révèle connaître l'identité de sa fille depuis un bon moment déjà. Ensuite, ne reste qu'à laisser la Chauve-souris mener son enquête, tandis que Jimbo va utiliser toutes les ressources de ses clients anonymes mais richissimes pour remonter la piste du Joker jusqu'au Belize, dans une résidence de luxe ultra-sécurisée où il se planque en reprenant des forces avant son prochain coup de folie.
Mais ce serait une grave erreur de penser que le Clown n'a que Jim Gordon aux fesses. Sans compter le Batman lui-même qui rêve de lui mettre encore une fois la main dessus, il y a les adeptes de Bane qui comptent bien venger leur idole horriblement décédée, et des membres des familles des patients d'Arkham qui entendent bien faire payer au Joker sa trahison envers ses partenaires de chambre. Et tout ce petit monde va évidemment tomber ensemble sur le râble du Joker au même moment, sinon où serait la blague ?
La blague... parlons-en, parce qu'il y en a une bonne. Écoutez plutôt... il se murmure qu'en réalité, le Joker n'y serait absolument pour rien dans l'attentat du Jour A qui a tant traumatisé les Gothamites. Ce doute suffit à arrêter le doigt de Gordon au moment où il allait presser la détente, le temps de mener sa propre investigation pour tirer toute cette histoire au clair. Une fois que les vrais coupables, s'ils existent bel et bien, seront identifiés, ne restera plus qu'à reprendre la valse mortelle où elle en était restée. Mais entre-temps, il faudra suivre le Joker à la trace durant ses déplacements erratiques, jusqu'à Paris où apparemment Interpol décide de s'en mêler à son tour après que plusieurs cadavres asphyxiés aient été retrouvés dans un laboratoire secret du gouvernement. Dans quoi Gordon a-t-il mis les pieds, et surtout pourra-t-il s'en tirer vivant au bout du compte ?
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Alors là c'est la vraie bonne surprise de cette ère DC Infinite démarrée pour moi il y a quelques semaines. La série Joker Infinite prend le pari de créer une histoire centrée sur le Clown Prince du Crime et de durer dans le temps sans en épuiser toutes les subtilités et tout le mystère. Pari risqué pour tout autre auteur que James Tynion IV, déjà aux commandes de la série-sœur Batman Infinite et qui relève le défi avec une astuce toute simple : raconter l'histoire du point de vue du personnage aux trousses du Joker, nul autre que James Gordon, pilier indéfectible de l'univers du Batman ayant chuté et poussé dans ses retranchements comme jamais.
On se souviendra notamment à plusieurs reprises du fameux Killing Joke d'Alan Moore et Brian Bolland qui sera souvent évoqué en images de fond et en rappel constant de la cruauté du Joker envers Gordon et sa famille dès le début. Personnellement j'ai aussi trouvé un petit double-miroir de la célèbre scène dans Batman – Silence où Gordon parvient à arrêter Batman juste à temps avant qu'il ne tue le Joker lui-même dans sa rage. Tous les arguments de l'époque sont maintenant opposés à Gordon en personne, qui se retrouve confronté à une situation intenable où tous les coups semblent permis !
Graphiquement c'est du très bon Guillem March comme on a pu le savourer à une époque sur Les Sirènes de Gotham par exemple, et j'ai très très envie de suivre cette série au-delà de ce premier tome, sans me spoiler bien entendu ! Si on accepte de passer cette couverture absolument HIDEUSE signée par un Frank Quitely peu inspiré (franchement, la galerie disponible en bonus à la fin de l'album en montre de bien meilleures sur tous les plans), on se retrouve face à un récit décapant et prenant à plus d'un titre, dans lequel les personnages présentés, nouveaux comme anciens, ne sont pas tous certains d'arriver jusqu'au bout de l'aventure et le couperet peut leur tomber dessus à tout instant.
J'espère vous avoir donné envie de lire Joker Infinite sur la durée parce que moi c'est clairement le cas, ne serait-ce que pour parvenir à cerner cette nouvelle dynamique entre Gordon et Batman, et aussi bien sûr pour tenter de résoudre le mystère de la culpabilité ou non du Joker dans l'attentat du Jour A. A lire en parallèle de Batman Infinite donc, j'espère que les deux séries se rejoindront à un moment pour une ultime confrontation de la dernière chance avant la fin de run de l'auteur. Et que les prochaines couvertures seront mieux choisies !
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !
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