En cette fin du XIXème siècle, la modernité prend le pas sur beaucoup d'anciens usages et petit-à-petit remplace les croyances par ce que la Science toute puissante peut expliquer et prouver sans l'ombre d'un doute. Le cinématographe, la photographie, les transports au charbon et à la vapeur, l'électricité qui se démocratise, l'assainissement des eaux... Le confort de vie est aux portes du monde moderne. Pourtant, il est encore certaines choses que l'on ne peut tout simplement pas expliquer...
Juillet. Le Demeter, navire de commerce russe en partance du port de Varna, subit des avaries catastrophiques durant le voyage. A son bord, des plantes exotiques destinées aux riches familles d'Angleterre, ainsi que neuf caisses pleines d'un terreau malodorant dont l'équipage reste le plus loin possible. Très vite, alors que la tempête fait rage au-dehors et que les flots se déchaînent sur une mer plutôt calme d'ordinaire, des membres de l'équipage disparaissent ou présentent d'étranges symptômes, une maladie que personne ne peut justifier ni expliquer de quelque façon que ce soit.
Sur les côtes Britanniques, dans le cimetière accolé au prestigieux établissement scolaire de Whitby, quatre adolescents prennent une agréable collation en attendant de jouer un tour pendable à la seule fille de leur établissement, Mina, quand soudain le Demeter s'écrase contre les falaises. A son bord, aucun survivant, et seul un homme mort ligoté semble tenir la barre en dépit des éléments en rage. Une étrange créature ressemblant à un immense loup fait irruption depuis l'intérieur du navire et disparaît aussi vite dans la campagne anglaise, sans doute pour toujours.
Trois des garçons se ruent aussitôt à l'aventure, à la recherche d'un trésor imaginaire, laissant seuls derrière eux Mina et Luke Westenra. Le pauvre dessinateur sera la première victime du fléau qui vient de s'abattre par malchance sur Whitby...
Hanté à la nuit venue par de sombres visions et une voix qui l'appelle dans son esprit, Luke, dont le somnambulisme contient une part féminine de sa psyché qui remonte alors à la surface, se rend dans les appartements de Mina et échange avec elle une bien étrange promesse. Tandis que les deux jeunes filles s'éloignent de l'académie pour se retrouver en plein cœur du cimetière voisin afin de s'y promettre le secret absolu de leurs confessions, en ville on rapporte une agression meurtrière sur un chien de combat, éviscéré par une créature infâme qui rôde dans les environs.
Lucy avoue à Mina qu'elle a désormais un nouveau soupirant, venu de l'Orient lointain, et que celui-ci semble surclasser tous les autres à ses yeux. Cependant la jeune femme semble consciente dans son délire de l'impossibilité d'une telle relation, ce qui ne manque pas de la peiner. Le lendemain, comme si de rien n'était, Luke reprend ses liens ordinaires avec les autres garçons, sans plus sembler se souvenir de quoi que de soit au sujet de cette sortie nocturne.
Quelque chose rôde pourtant bel et bien dans les environs de Whitby, quelque chose qui s'est approchée bien près de la civilisation moderne, au point d'en goûter fébrilement l'énergie vitale... et cette chose est affamée.
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Arrêtez tout, attention chef-d’œuvre incroyable à l'horizon !!
En ce mois d'Octobre et en cette approche de Halloween 2024, il me semblait de bon ton de démarrer enfin une lecture que j'ai de trop nombreuses fois repoussée depuis sa sortie, et grand bien m'en a pris car c'était tout bonnement magnifique, à tous les niveaux !
L'évidence me pousse à taire le nom complet de cette œuvre, vous l'aurez très certainement déjà reconnue ou lue par vous-mêmes depuis un moment, mais laissez-moi vous dire ce qui m'a plu le plus dans la plus récente série de Shin'ichi Sakamoto.
Déjà, nous avons un récit assez proche du roman de Bram Stoker, des lettres et autres correspondances trouvées ça et là par les protagonistes ou échangées entre eux et qui permettent de décrire au lecteur le climat angoissant de cette histoire, évoluant toujours vers le pire, comme si le moindre espoir n'était permis.
Mais ce qui change ici, ce sont les illustrations bien sûr, média manga oblige ! Je n'ai fait que de très rares incursions dans le domaine de l'horreur chez les auteurs Japonais, et je suis bien obligé de reconnaître que ma culture en la matière est défaillante. Mais je sais reconnaître aussi quand je me trouve face à quelque chose de si puissant, de si horriblement magnifique, que l'on ne peut qu'en rester sans voix durant la lecture.
Le graphisme est vraiment très très beau, le souci du détail est poussé assez loin et par moments on a même le sentiment que ce même souci vient à disparaître pour nous livrer des illustrations renversantes et éthérées, presque surnaturelles, où le manque de traits est compensé par la vivacité du style. Le beau au service de l'action autant que de l'anticipation, car ces quelques scènes de féerie malsaine qui nous sont présentées dans ce premier tome auront quelque chose d'assez perturbant mises bout à bout.
Certains passages, du début comme vers la fin, semblent aussi se répondre en miroir, comme si l'ensemble de la structure narrative et visuelle adoptée par l'artiste avait sa vie propre et tentait de nous faire soulever le voile de mensonges sous lequel se dissimule la terrible, la si crue et angoissante vérité. On y retrouvera toute la symbolique développée par exemple dans le cultissime film de Francis Ford Coppola : les insectes, la moiteur ambiante de l'atmosphère ainsi que ce goût prononcé pour l'onirique et l'irréel au beau milieu des réalisations de l'ère industrielle galopante.
Mais plus récemment, on peut aussi citer le film Le dernier voyage du Demeter qui nous permettait de vivre au plus près la tourmente épouvantable qui s'abat sur le navire russe transportant par mégarde le Mal jusqu'en Angleterre. Beaucoup de passages du film correspondent avec une justesse troublante à ces quelques pages d'ouvertures du manga d'horreur dont nous parlons aujourd'hui, au point que là aussi le réel se mêle aux souvenirs flous et à l'imaginaire débridé du lecteur/spectateur.
Le choix original de Shin'ichi Sakamoto, outre le fait de placer les personnages principaux dans un âge adolescent, est de mettre en parallèle la prolifération des maladies dont on commence tout juste à prendre conscience à l'époque avec la progression de la hantise générale qui frappe Whitby après l'arrivée du Demeter. Si bien qu'au final, nous ne sommes même pas certains de ce que nous voyons et lisons concrètement... et j'aime énormément ça ! Cette horreur de l'invisible, du suggéré, ce début de cauchemar éveillé, ça correspond tellement au genre Gothique littéraire qui fut inventé par des nouvelles comme Carmilla par exemple.
J'avais depuis longtemps le projet de me lancer dans une série de Shin'ichi Sakamoto, je pensais simplement commencer Innocent en premier mais là je suis obligé de continuer même si je dois y perdre la santé ! Et je ne vous ai même pas parlé en détail de la mise en parallèle des différents écrits des protagonistes entre eux, là où le lecteur pourra comparer à loisir ce que disent les retranscriptions fidèles de Mina à celles plus mesurées et parfois auto-censurées de ses camarades masculins. Découvrons tout cela ensemble ce mois-ci chers abonnés et amis !
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !
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