S'il y a bien un vilain de la sinistre galerie du Batman qui fasse tâche, c'est sans doute Mister Freeze...
Bien que ce ne soit pas sa faute de prime abord, le personnage est apparu en plein durant les années folles de la carrière du Chevalier Noir de Gotham, à grand renfort d'humour absurde et de jeux-de-mots qui ne l'étaient pas moins, dans un contexte où la censure faisait encore rage et où les auteurs devaient rivaliser d'imagination pour pondre quelque chose qui soit accepté par les autorités tout en délivrant un message au travers de leurs écrits.
Mister Zéro, puisque tel était son pseudonyme à l'origine, est un génie scientifique du type braqueur en série, avec une très forte obsession pour le froid, son gimmick étant de littéralement congeler tout ce qui lui passe par la tête grâce à son cryo-pistolet. Suite à un accident de laboratoire, Victor Fries développe une intolérance suprême aux températures au-dessus de 0°C et doit donc vivre confiné dans un scaphandre spécialement adapté pour le protéger et maintenir sa propre température corporelle.
On ne va pas se mentir, le choix des teintes vert et violet pour son premier costume historique était assez douteux, le faisant davantage ressembler à un bouffon adepte des pirouettes scénaristiques à base de changements de températures. Mais assez vite quelques auteurs ont su déceler chez ce personnage un véritable potentiel pour autre chose que de la pure comédie, et dans les décennies qui ont suivi, libérés de la censure et du Comic-Code, les scénaristes vont enfin pouvoir exploiter toute la noirceur et la tragédie qui entourent désormais Victor Fries.
Scientifique toujours, mais doté cette fois-ci d'une femme, Nora, atteinte d'un rarissime trouble cardiaque incurable et que son mari décide de cryogéniser pour pouvoir la sauver plus tard une fois la médecine plus avancée. Suivant les versions et les auteurs, c'est à partir de ce point-ci que les choses basculent. Tantôt par la faute d'un patron trop avide, tantôt suite à une intervention du Batman, ou encore après un rappel à l'ordre par Bruce Wayne en personne, Victor finit aspergé par sa propre solution expérimentale et son corps mute alors, lui interdisant à tout jamais de profiter de la chaleur du soleil un jour d'Été.
Reprochant à Batman et plus généralement à Gotham City toute entière son infortune, et la séparation forcée d'avec sa femme adorée, Fries prend le nom de Mister Freeze et se consacre entièrement à la ruine de ses ennemis jurés, qu'ils soient magnats de la finance ou hommes politiques en mal de pouvoir. Lui-même en manque criant de reconnaissance, Freeze apparaît chaque fois plus enfoncé encore dans son délire monomaniaque autour du froid et de la préservation parfaite qu'il représente à ses yeux.
Cela va sans dire, l'interprétation d'Arnold Schwarzenegger dans le très mauvais Batman & Robin de 1997 au cinéma va couler la carrière de Mister Freeze dans les comics, en plus de faire pas mal d'autres dégâts fâcheux. Mais le connaisseur pourra toutefois se consoler en identifiant çà et là dans le long-métrage quelques clins d'œil aux origines graphiques et gaguesques du personnage, à défaut de vraiment l'apprécier. Et on notera aussi que l'histoire de Nora Fries est conservée malgré tout, ce qui rend un tout petit peu de panache à ce film. Un tout petit peu seulement.
Par la suite, des séries comme Gotham Knights que j'affectionne particulièrement durant les années 2000 vont s'atteler à la lourde tâche de ramener de l'ordre dans la réputation de Mister Freeze, et du drama évidemment à la pelle. Si le résultat reste anecdotique à côté des grosses pointures comme le Joker, Black Mask ou à l'époque aussi Silence, il est certains récits à mettre tout particulièrement en avant pour la profondeur de ton et des thématiques abordées, notamment durant les faces à faces entre Freeze et Batman directement sur le terrain de leur incompréhension réciproque.
Les New52 à partir de 2011 vont nous offrir une toute nouvelle version des origines du vilain, où cette fois Nora n'est plus réellement SA femme mais plutôt UNE femme cryogénisée bien des années auparavant et à qui Victor a voué une thèse entière lors de son doctorat. Refusant de lâcher prise et de quitter ce fantasme de vie à sens unique, Fries provoque une fois de plus l'accident fatal qui le fera muter et le changera en monstre et en criminel.
Les années Rebirth reviendront un peu là-dessus une fois de plus et rendront quelques éléments du passé, mais retenez globalement que Victor Fries est avant tout un être brisé souffrant d'une psychose très particulière et qui nécessite à la fois des soins constants et une surveillance de chaque instant. Tour à tour tueur à gages, braqueur, terroriste, super-vilain diabolique ou dépressif morbide, Mister Freeze a beaucoup plus à nous apprendre sur notre propre rapport à la Mort que ce que l'on peut s'imaginer de prime abord.
Enfin, je voudrais glisser un petit mot pour la version animée de Bruce Timm et Paul Dini dans les années '90, juste magnifique de mélancolie dans le film Batman – Subzéro par exemple ou encore dans la série Batman Beyond où un Terry McGinnis impuissant assiste au suicide définitif de Freeze juste après qu'il ait retrouvé son humanité. De quoi, là aussi, nous faire longuement réfléchir...
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !
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