samedi 12 août 2023

Conan le Barbare, par Kurt Busiek omnibus (Panini Comics - Octobre 2021)


Sache, ô Prince, qu'entre ces temps où l'océan engloutit l'Atlantide aux cités étincelantes, et ceux-là qui virent l'ascension des fils d'Aryas, fut un âge de prodiges...


C'est par ces quelques mots qu'un jeune prince de l'Orient, las de la guerre et des conquêtes futiles imposées par son père, fera la découverte qui changera sa vie à tout jamais : celle des Chroniques Némédiennes, qui remontent à une époque ignorée de tous, oubliée dans les replis du Temps, l'Âge Hyborien et ses nombreux royaumes et merveilles. Mais un homme entre tous occupe les esprits et les longues soirées du prince, un homme devenu légendaire de son vivant puis ayant sombré lui aussi dans l'oubli, un homme dont les nombreux exploits contribuèrent pourtant à forger un monde nouveau...


Né sur un champ de bataille, dans la lointaine Cimmérie, terre sombre et rocailleuse que seuls les peuples nomades du Nord ont pu apprivoiser, Conan est un être d'exception. Aussi fort que rusé, il grandit entre les flammes de la forge de son père et les chasses dans la forêt, se mêlant aux autres enfants de son clan pour rejouer encore et encore d'antiques batailles contées par les ancêtres rieurs. Mais Crom, le dieu sur sa montagne, n'entend pas que ses nombreux enfants et adeptes puissent jouir tranquillement d'une vie simple. Non, ils doivent endurer les sévices et caprices du temps, la famine, la misère même parfois, afin de prouver à l'heure de leur mort qu'ils ont vécu dignement selon ses préceptes.


Alors, rapidement, l'adolescent hirsute à la peau tannée est confronté à des choix douloureux et doit prendre des décisions cruciales pour l'avenir de son clan, malgré son jeune âge. Quand la guerre avec le royaume d'Aquilonie menace la vie des hommes des collines, tous les clans se rallient à la bannière d'un chef de guerre charismatique, dont Conan tirera plusieurs enseignements capitaux pour la suite de son parcours. Lors de la grande bataille de Venarium, les Cimmériens obtiennent la liberté au prix du sang versé en masse. Conan a alors seize ans, et il brûle désormais d'utiliser cette liberté pour parcourir le monde et découvrir par lui-même ses merveilles, dont son grand-père l'a tant abreuvé.


Sa première étape sera au Nord, dans les terres gelées des Ases, où il poursuit la légende de l'Hyperborée, un royaume si magnifique qu'il semble être le Paradis suprême, où les habitants bénéficient du savoir, de la paix et de l'immortalité. Hélas, Conan va rapidement s'apercevoir que ces dons prodigieux ont un prix atroce, que le reste des mortels est chargé de payer. Capturé par les soldats des immortels, Conan parviendra à s'enfuir de justesse non sans avoir appris au passage une rude leçon de vie. Désormais, il ne vivra que pour lui et rien que pour lui, et ne se laissera plus berner par les légendes de l'enfance. Mais il demeure curieux, parcouru d'une insatiable soif de nouveautés.


Ses pas le mèneront partout où l'Homme a un jour posé le pied, d'aventures prodigieuses en vulgaires rapines pour assurer sa survie, et il fera la rencontre de bien des compagnons durant son périple à la découverte du vaste monde. Risquant sa vie et luttant chaque fois pour que jamais ne faiblisse son ardent désir de liberté, Conan, ce barbare du Nord dont tous les civilisés se raillent, fera son chemin dans l'Histoire Hyborienne, tantôt voleur et brigand, tantôt mercenaire, tantôt bras armé d'anciennes prophéties où combattent le Bien et le Mal, mais jamais soumis à quiconque.


Ce que le jeune prince d'Orient apprend chaque soir sur celui qui deviendra bien vite son héros et même mentor à travers ses exploits, il brûle de l'appliquer dans la gestion de son royaume, de ses terres, de ses gens. Car Conan fut aussi roi à un moment de sa vie, prenant possession d'un vaste trône par la seule force de son épée et par la ruse de son esprit. Mais cela est une autre histoire... cependant, prends garde, ô Prince, car dans l'ombre complotent toujours des forces au-delà de la raison, et si l'ombre de Conan plane dans ta mémoire, tes actes eux sont peut-être dictés par de noirs conseils cherchant à te nuire. Là où l'on trouve un héros, il y a aussi de la sorcellerie, survivant au passage des Âges et cherchant toujours un moyen de s'emparer de l'âme du monde.


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Conan le Barbare. Où l'esprit libre par définition, la parfaite incarnation du rêve Américain à l'époque de son auteur, Robert Ervin Howard, et l'idéalisation de sa conception bien singulière du mal qu'inflige la civilisation à l'homme. A travers les aventures de Conan, ce sont les déboires personnels de Howard qu'il faut imaginer, visualiser, revivre, en des temps difficiles et incertains où l'esprit fait souvent mieux que le muscle.


Au début des années 2000, Dark Horse obtient enfin les droits pour publier une toute nouvelle série sur la licence Conan le Barbare, arrachée à Marvel après des années d'errance. L'éditeur indépendant fait alors appel à Kurt Busiek, auréolé par ses nombreux travaux super-héroïques, pour tisser le scénario de cette nouvelle adaptation voulue plus proche des écrits d'origine et de l'esprit des revues pulps d'antan. Busiek, totalement novice dans le domaine de la fantasy et plus encore de l'heroic-fantasy quasiment créée par Howard en son temps, prendra la pleine mesure de la tâche qui lui revient et décidera de se documenter un maximum, réunissant des bribes perdues de la correspondance de Howard avec ses fans et confrères, compilant les nouvelles et romans regroupant les aventures du Cimmérien, bref touchant à presque tout ce qui concerne le matériel d'origine.


Pour le dessin, après quelques tests auprès de jeunes talents, Dark Horse finit par choisir Cary Nord et son style si particulier presque sans encrage, très proche de ce que les éditeurs et auteurs de la série veulent recréer dans l'esprit des couvertures légendaires de Frank Frazetta. Mais comme Nord ne peut pas assurer un rythme régulier de douze numéros complets par an, décision est prise de lui adjoindre un autre artiste, Greg Ruth, qui se chargera de combler les trous en exploitant une période méconnue de l'histoire de Conan : son enfance.


Tout le génie de cette série à l'époque est de vouloir raconter l'ensemble du parcours de Conan le Barbare de Cimmérie, depuis sa naissance jusqu'à, possiblement, sa disparition au faîte de sa gloire. La série n'ira malheureusement pas jusque là, pas sous la plume de Kurt Busiek en tout cas, mais toute la production sera unanimement reconnue pour sa grande qualité et son respect des écrits de Robert E. Howard, tout en extrapolant et en développant les trous dans la chronologie officielle.


Cet omnibus assez épais s'il en est, adapté chez nous par Panini Comics, nous présente de façon très judicieuse je dois dire l'ensemble de ces chapitres mais arrangés et disposés dans l'ordre chronologique réel du récit, du début à la fin, ce qui n'avait encore jamais vraiment été tenté auparavant. Ça rend tout de suite le tout bien plus digeste et agréable à lire, et je ne peux que prendre en pitié les lecteurs de la période de publication originale qui devaient tout réorganiser eux-mêmes pour tenter d'y trouver un ordre cohérent.


Comme l'écrivait si bien Howard lui-même, « La barbarie est l'état naturel de l'humanité. La civilisation est contre-nature. C'est un concours de circonstances. Et la barbarie finira par triompher. »

Dans ces quelques mots l'auteur nous pousse à réfléchir sur les ascensions et chutes des grandes nations du passé comme du présent, à ce cycle apparemment inévitable où le barbare, l'étranger, l'inconnu, finit toujours par prendre la place de l'ordonné, du civilisé, avant de devenir lui-même civilisé et de céder plus tard la place à un autre barbare, et ainsi de suite, éternellement. Tout n'est que recommencement, et la découverte des aventures de Conan par le Prince d'Orient annonce peut-être également un retour à ces valeurs d'un autre Âge.


Je ne vais pas m'éterniser sur la philosophie de Howard, je laisse cela à vous cher public qui aurez peut-être la patience de lire l'épais dossier bonus disponible à la fin de cet omnibus et qui contient une tonne de postfaces, de croquis préparatoires, d'analyses et de semi-biographies qui seront je pense toujours très utiles pour se faire sa propre idée. Je terminerai simplement en vantant une fois encore les mérites de Kurt Busiek comme scénariste et auteur de génie, véritable caméléon capable de s'adapter à toutes les difficultés et de permettre à son œuvre comme à son public de s'adapter en même temps à ces mêmes difficultés.


Faut-il être un génie littéraire pour apprécier Conan le Barbare ? Pas plus que pour les autres grandes œuvres du passé, le mieux étant peut-être tout simplement d'avoir l'esprit ouvert et d'aimer plus que tout la liberté, à n'importe quel prix. S'évader de notre monde pour visiter une version plus ancienne et plus sauvage à travers la lecture, romans nouvelles comics, qu'y a-t-il de mieux pour se libérer l'esprit ?


Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

 

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