Tout allait bien pour Yves Dupuis, qui célèbre sa retraite tout juste obtenue avec ses trois filles dans sa propriété. Le repas est succulent, et l'ambiance chaleureuse, malgré les piques que se lancent les filles entre elles. La dernière, Izabelle, subit particulièrement les assauts de ses aînées qui lui ont toujours reproché d'avoir causé la mort de leur mère bien des années plus tôt lors de sa naissance. Mais à part cet incident, la soirée se passait plutôt bien pour Yves.
Jusqu'au moment où des hommes armés et cagoulés font irruption dans la maison et enlèvent toute la famille Dupuis rassemblée, les emportant à bord d'un véhicule banalisé et sac sur la tête à travers le Nord, vers une destination inconnue. A leur arrivés, les Dupuis sont enfermés dans des cages séparées, au sein d'une étrange bâtisse isolée dans les bois. N'ayant pour seule compagnie qu'un autre prisonnier gravement mutilé et un adolescent du nom de Joe qui vient leur apporter à heures régulières les repas, les Dupuis ne savent vraiment pas dans quelle sombre affaire ils viennent d'être embarqués, et commencent sérieusement à craindre pour leurs jours.
Quand Joe revient avec l'intention d'emmener Yves dans une autre partie du bâtiment, Izabelle décide de lui proposer d'échanger sa place avec son père, afin d'épargner le vieil homme au moins un jour de plus. Joe accepte et entraîne Izabelle à sa suite, laissant croupir les autres Dupuis dans leurs cages. Izabelle ne le sait pas encore, mais elle va mettre les pieds dans une histoire qui la dépasse totalement et qu'elle n'aurait jamais pu imaginer, où un homme mystérieux l'invite à sa table et dans son quotidien solitaire, fait de sombres réflexions et d'activités intellectuelles tout autant que d'actes sanguinaires.
Rapidement, Izabelle sent qu'elle pourrait amadouer le maître des lieux en jouant son jeu, en lui faisant du charme, ne serait-ce que le temps de trouver un moyen de s'échapper avec sa famille dès que possible. Mais quand l'occasion se présentera enfin, la belle ne découvrira qu'une vérité insoutenable qui la poussera à prendre la fuite à travers les bois, poursuivie par Joe et son maître, jusqu'à finir par être recueillie par la police après une fusillade effrayante dans une propriété privée où elle avait trouvé refuge. Les inspecteurs qui recueillent son récit lui révèlent qu'il ne reste plus rien du manoir où les Dupuis étaient enfermés, parti dans un gigantesque brasier avant que les forces de l'ordre ne puissent se rendre sur place. Izabelle doit faire avec et accepter de reprendre sa vie d'étudiante en médecine, sans chercher à en savoir davantage...
Sauf que quelque chose ne colle pas. Les inspecteurs Gélinas et Lafrenière en sont rapidement convaincus après la découverte d'une seconde survivante à la fusillade meurtrière, une enfant de sept ans à peine qui a assisté à toute la scène depuis sa cachette et qui raconte une toute autre version de l'histoire à la police, une autre version dans laquelle Izabelle est loin d'avoir le beau rôle. Qui croire ? Et qui était donc ce monstre résidant dans la forêt à qui d'autres apportaient régulièrement de nouvelles victimes à torturer ? Ce n'est qu'en retrouvant la trace d'Izabelle Dupuis que la vérité pourra éclater et l'enquête enfin avancer, mais les deux inspecteurs ne seront pas au bout de leurs surprises quand ils apprendront la véritable identité du tortionnaire...
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Troisième conte interdit signé par Simon Rousseau dans cette collection débutée par son collectif d'auteurs Nord-Américains chez les éditions ADA, La Belle et la Bête nous propose comme c'en est la coutume désormais une relecture assez sombre et sanglante du conte originel, que l'on attribue le plus souvent à Gabrielle-Suzanne de Villeneuve (selon les sources présentées dans le livre).
Si je n'ai pas été aussi captivé qu'avec La Reine des Neiges précédemment, c'est peut-être en grande partie parce que le surnaturel n'a aucune place dans cette histoire et que l'on en revient bien vite aux poncifs des Contes Interdits : de la brutalité gratuite, un langage fleuri et des scènes atroces où se mêlent sexualité débridée et vices inhumains. Tout le mystère présenté en début d’œuvre aura assez vite son explication rationnelle et, disons-le, bien trop humaine en fin de compte, alors que j'avais justement préféré le conte précédent de Simon Rousseau pour l'ingéniosité avec laquelle il mariait horreur surnaturelle et secrets inavouables.
Il y a aussi le fait que cette version de La Belle et la Bête est en réalité une suite d'un autre conte de Simon Rousseau, Peter Pan, que j'avais vraiment détesté lire à l'époque et dont je gardais un souvenir vraiment désagréable pour le coup. Ici en revanche ce sont les meilleurs éléments de ce premier conte qui sont repris et exploités par l'auteur dans cette suite qui ne dit pas son nom, et où l'on retrouve quelques personnages secondaires de la première histoire avec un rôle primordial dans celle-ci, une sorte de ''que sont-ils devenus ?'' qui je dois le dire m'a davantage intéressé cette fois.
Divisé en deux grandes parties, ce conte nous offrira deux versions d'une seule et même histoire, deux vérités racontées par deux personnes différentes et dont l'une sera déduite par les enquêteurs après avoir sérieusement remis en question la première. Il n'y a pas vraiment de travail d'investigation à fournir pour le lecteur, il suffit de se contenter de suivre le récit où tout est expliqué en temps voulu. De petits indices sont disséminés ici et là pour raviver le souvenir de certains passages de Peter Pan et nous apprendre la véritable identité de certains personnages, mais globalement il y a assez d'informations pour que l'on se permette de ne lire que La Belle et la Bête sans vraiment avoir connaissance du reste, bien que ça soit dommage selon moi.
A la sortie de cette lecture, je reste à nouveau mitigé mais pas sur ma faim pour une fois. Mitigé parce que le style de Simon Rousseau redevient rapidement assez rentre-dedans et que l'enquête n'en est pas vraiment une dans la mesure où le lecteur n'a pas grand chose à deviner par lui-même. Pas sur ma faim toutefois car même si le dénouement est ouvertement une invitation à une suite éventuelle, le récit se suffit à lui seul et peut très bien être conservé comme tel sans approfondissements supplémentaires. On y retrouve tous les éléments faisant le succès des Contes Interdits depuis le début de leur parution, et même si ce n'est pas mon auteur préféré du collectif ça reste du bon travail qui choquera juste ce qu'il faut et comme il faut pour que l'on ait envie de le relire un jour futur, même si la seule vraie surprise de ce conte revisité sera très vite éventée.
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !
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