Dans Saint d'esprit, le Joker affronte une nouvelle fois Batman durant un duel explosif. Mais ce coup-ci, il semble bien que le sinistre Clown Prince du Crime l'ait emporté ! Batman, brisé et laissé pour mort dans une rivière, c'est tout ce que désirait le Joker, son ultime accomplissement. Commence alors pour lui une nouvelle vie, une vie qu'il se sera choisie, loin de la vague de crimes dont il était jusqu'à maintenant responsable.
Ainsi, après un traitement pour la couleur de sa peau et pour équilibrer quelque peu ses traits, apparaît au grand jour Joseph Kerr, un simple comptable discret, calme et un brin romantique qui n'aspire qu'à une seule chose, une vie tranquille et bien rangée. Joseph rencontre même l'amour en la personne de la tendre Rebecca, lumière de ses jours, à qui il va jusqu'à proposer de l'épouser. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Mais le Batman n'est pas vraiment mort. Repêché à des lieues de Gotham et soigné en secret, le Chevalier Noir sait bien que son mortel adversaire risque de refaire surface un beau jour, et il faudra qu'il soit présent et en pleine forme pour l'arrêter une fois de plus avant que des innocents n'en souffrent. Commence alors un véritable drame durant lequel Batman se questionnera de nombreuses fois sur la légitimité de son combat sans fin, tandis que Joseph Kerr, à l'annonce du retour du justicier de la nuit, replonge dans sa psychose elle aussi sans fin. Les deux se valent bien, et pour eux c'est à la vie à la mort, pour toujours.
Dans L'avocat du Diable, le Joker commet un nouveau crime en attaquant les services postaux pour réclamer un timbre à son effigie, ayant eu connaissance d'une série de timbres produits en commémoration des plus grands artistes d'antan. Mais ce coup-ci il est allé bien trop loin. De nombreux timbres empoisonnés sont retrouvés aux quatre coins de la ville, et plusieurs victimes sont déjà mortes les traits figés dans cette abominable parodie de sourire.
Pour la police et le bureau du procureur, il n'y a aucun doute possible, le Joker est coupable. Les services de la ville parviennent à mettre sur pieds un procès retentissant, où le Joker sera jugé coupable et en pleine possession de toutes ses facultés pour répondre de ses crimes. C'est la douche froide, direction le pénitencier de Blackgate et non plus l'asile d'Arkham, droit dans le couloir de la mort précisément.
Alors que toute la ville se réjouit de l'exécution prochaine du Clown, une personne ne dort toujours pas et fait des pieds et des mains pour prouver l'innocence du Joker concernant l'affaire des timbres piégés. Cette personne, c'est Batman. Il refuse de croire que le Joker soit responsable de cette vague de décès, qu'il impute plutôt à d'anciens complices qui auraient envie de charger la mule autant que possible, par revanche ou par plaisir. Retournant tout le milieu criminel de la ville, le Chevalier Noir et son fidèle acolyte Robin n'ont bien vite plus que quelques jours pour faire acquitter le Joker avant qu'il ne passe sur la chaise électrique.
Lâchés par tous ses alliés, Batman s'entête envers et contre tous pour prouver qu'il a raison et que, cette fois-ci, son ennemi juré n'a pas été jugé correctement. Le doute le tenaille alors que de son côté le Joker fait son jeu du cirque médiatique autour de son exécution prochaine, idéal pour son image et pour l'empreinte qu'il laissera dans les mémoires. Si Batman parvient à prouver ce qu'il affirme, une monstrueuse erreur judiciaire sera évitée de justesse, mais un monstre revanchard sera de nouveau lâché sur la ville et ses habitants à la prochaine crise de folie du Joker. Autrement, c'en est fait du Clown Prince du Crime. Qui l'emportera ?
---
Ces deux histoires traitent à la fois de la folie du Joker, ou plutôt de ses folies, mais aussi de la relation tordue et réciproque qu'il partage avec Batman depuis leur première confrontation. Le premier récit nous ferait beaucoup penser aujourd'hui à Megamind de Dreamworks, dont le scénario est à peu près le même sans le sanglant et l'oppressant, et au moins en ce qui concerne l'intrigue de départ. Quant à la seconde histoire, elle joue avec le désir de justice absolu qui anime Batman et le nihilisme profond du Joker, pour qui tout n'est qu'un jeu à condition que l'on reconnaisse ses mérites.
Parues en 1994 et en 1996, elles explorent chacune un aspect bien particulier de ce lien étrange mais si fort qui rapproche les deux opposés de Gotham. Dans l'une, le lecteur en vient à se demander si tout compte fait le Joker n'aurait pas droit à sa petite rédemption, et si sa folie n'est pas plutôt déclenchée par Batman lui-même et sa seule présence. Sans le justicier détective, le Clown aurait-il encore une raison d'être ? Et du coup, peut-on dire que c'est la croisade sans fin de Batman qui provoque l'apparition du Joker sur sa route ? Où s'arrête la responsabilité de chacun ?
Dans l'autre récit, c'est cette fois-ci le droit à la Justice dont bénéficie tout citoyen Américain qui est peut-être remis en cause de façon assez polémique par les auteurs. Est-ce qu'un être comme le Joker a droit lui aussi à un procès équitable et vaut-il la peine qu'on s'échine à le défendre alors que tout le condamne ? Pour certains, il y a une différence notable entre être coupable et être responsable. Pour Batman, il est absolument hors de question de laisser le système judiciaire envoyer quelqu'un à la mort sans avoir écarté le plus petit doute possible sur sa culpabilité réelle, alors que tout le reste de la ville et du fameux système se réjouit d'avance de l'événement. On est alors en droit de se poser plusieurs questions, dont celle-ci : si ça n'avait pas été le Joker, Batman aurait-il fait preuve d'autant de zèle pour défendre sa conviction profonde ?
Joker – Fini de rire est donc un album essentiel pour tous les lecteurs qui chercheraient à mieux comprendre ce qui rattache Batman au Joker et inversement, au-delà de leurs origines respectives. Ce sont deux très belles explorations de l'univers tortueux et parfois pas vraiment juste du Chevalier Noir, et j'espère vraiment qu'Urban aura l'occasion à nouveau de nous ressortir de petites pépites comme celles-ci, peut-être avec d'autres personnages. La collection Arkham paraît idéale pour cela, de petites anthologies revenant sur les aventures mémorables de tel ou tel vilain de la galerie de la Chauve-souris. Qui vivra verra !
Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire