Victor Von Fatalis est tout à la fois un homme de science et un homme de magie. Nous le retrouvons dans son château de Latverie, où il mène une mystérieuse expérience par une nuit pluvieuse, semblant attendre un invité. Et cet invité se présente à la porte du château, un autre génie reconnu dans l'ensemble de l'univers pour ses extraordinaires capacités de compréhension intuitive de toutes sortes de problèmes : Rocket Raccoon.
Si Fatalis a convié Rocket dans sa demeure, ce n'est pas pour le plaisir de la conversation entre leurs esprits, bien que cela en fasse aussi partie car, au fond, il est bien rare de trouver son presque-égal en ce bas monde. Rocket possède le savoir technique nécessaire pour résoudre la fameuse expérience menée par Fatalis dans son laboratoire, une expérience vraiment très ardue qui lui a déjà coûté plusieurs Fatalibots. Une expérience à faire froid dans le dos... et pour laquelle un petit moment d'explication du contexte sera utile.
Toute sa vie, tout au long de sa sinistre existence, Fatalis a tenté de répondre à une grande question qui l'obsède jour et nuit, constamment à la frontière de son être, de sa conscience... la grande question à laquelle toute science, toute magie tente ultimement d'apporter une réponse un jour ou l'autre : POURQUOI ?
Pas un simple ''pourquoi ceci'' ou ''pourquoi cela'', mais bien le grand, le majestueux et l’inatteignable POURQUOI de l'univers, de l'existence, du Temps et de l'Espace, du grand TOUT qui unit toute chose et tout être. Et pour y répondre enfin définitivement, Fatalis a conçu une machine dérivée de sa plate-forme de voyage temporel et qui devrait, théoriquement, l'amener jusqu'au Big Bang, voire même avant le Big Bang, pour découvrir le pourquoi de la Création.
Que vient faire Rocket dans cette histoire ? Comme je le disais, il possède les connaissances intuitives nécessaires au bon fonctionnement de cette machine infernale qui résiste encore et toujours aux efforts de son créateur pour la faire marcher en toute sécurité. Ébahi par l'audace de son homologue, Rocket va accepter l'hospitalité de Fatalis et commencer à travailler sur le projet le plus fou qui soit, durant treize jours de dur labeur aux côtés du souverain de Latverie. Parfois ils prendront le temps de mieux se connaître, d'échanger leurs points de vue sur la nature-même de cette expérience, ou tout simplement de se changer les idées pour mieux repartir à l'attaque le lendemain.
Quand la plus fine technique se joint aux forces primordiales de la magie la plus pure, cela donne un miracle véritable comme on n'en fait plus. Fatalis et Rocket embarquent au bout du treizième jour dans leur machine à voyager au-delà du Temps, direction ce qui précède la naissance d'un univers tout entier. En chemin, Fatalis sera visité par les visions de ses parents et de l'amour dont il était alors entouré, à la mesure de l'amertume et de l'aigreur dans lesquelles il se drape maintenant.
Se pourrait-il que le tyran le plus terrible de la Terre et peut-être même d'une bonne partie du cosmos ait enfin trouvé un sens à sa quête effrénée de connaissances et de pouvoir ? Est-il possible de ne serait-ce que répondre à la grande question qui obsède les plus grands génies de toutes les époques et de tous les mondes, et que personne n'a jamais réussi à poser sans disparaître aussitôt dans le néant absolu ? Les efforts de Rocket et de Fatalis seront, j'ai le plaisir de vous l'annoncer, couronnés de succès. Mais un succès à l'image de celui qui le recherchait le plus, à savoir amer et empli de souffrances. Parfois, mieux vaut ne pas savoir. Parfois, le prix s'avère trop élevé, même pour celui qui n'a plus rien à perdre.
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C'était supra-génialissime !! Du Straczynski des grands jours, aux commandes d'un one-shot totalement délirant où l'on découvre Fatalis sous un tout nouvel aspect de sa personne et en même temps tellement lui-même dans son essence profonde que c'en est bluffant. La combinaison de son génie et de celui de Rocket Raccoon, probablement le seul autre être vivant capable d'égaler son niveau de folie et de dévouement à une cause plus grande encore que la somme des deux, rien que l'idée est déjà follement géniale en soi, et il n'y avait à mon sens que J. M. Straczynski qui puisse relever le défi avec un tel brio. Chapeau l'artiste, comme toujours.
Will Robson quant à lui nous offre des planches vraiment magnifiques dans leur genre, dans un style qui sait se conformer aux besoins de la narration et en même temps nous dévoiler des facettes parfois imprévues des personnages mis en scène, notamment dans leurs moments de détente ou de repos entre deux calibrages de leur machine contre-nature. Je pense par exemple à ces instants partagés devant l'âtre immense de la cheminée, quand ils échangent leurs idées et points de vue respectifs sur l'existence, ou simplement quand ils pratiquent des jeux de stimulation intellectuelle tout en se détendant à leur façon.
J'aime particulièrement la couverture régulière signée Gary Frank sur laquelle on peut admirer chacun des deux personnages préparant un piège destiné à l'autre, un peu à la façon des cartoons d'antan, l'absurde côtoyant le génial et vice-versa. C'est totalement dans l'esprit de ce que vous allez lire dans ce one-shot, dont j'ignore totalement par ailleurs s'il est absolument utile de le lire pour comprendre un événement futur de chez Marvel ou si c'est par pur plaisir de la conversation que tout cela a pu voir le jour.
Rien que dans ces quelques pages assemblées, on trouve toute l'essence d'un personnage comme Fatalis, magnifié sous tous les angles à la fois dans sa solitude mais aussi dans sa relation avec un presque-égal temporairement à ses côtés pour le plus grand accomplissement de son existence. Si Kevin Feige a connaissance d'une façon ou d'une autre de cette histoire, qu'il n'hésite surtout pas à s'en inspirer pour son adaptation du Docteur Fatalis sur grand écran dans les prochains films Marvel Studios !! Autrement, il existe bon nombre de récits fondateurs qu'on peut toutes et tous lui conseiller avec ardeur... si seulement les connaisseurs véritables étaient bel et bien pris en considération par les producteurs.
En conclusion, j'ai positivement adoré cette petite excursion dans les frontières les plus reculées de l'univers, avant même sa conception théorique, et il ne fallait pas moindre que Rocket pour nous y conduire et Fatalis pour nous y ancrer. La nouvelle question à se poser désormais, c'est : peut-on en revenir indemnes ?
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