dimanche 10 mars 2024

Batman - Le Fils Prodigue (Urban Comics - Février 2014)


Jean-Paul Valley est vaincu, destitué de la cape et du nom de Batman. Bruce est de retour à Gotham, guéri, mais pas encore tout à fait prêt à reprendre son combat sans fin contre le crime sous toutes ses formes. Il lui faut encore du temps, du temps pour penser à lui, pour se refaire une santé véritable, et surtout réfléchir à pas mal de choses encore... mais il ne peut décemment pas laisser Gotham City sans surveillance, sans un Batman pour la protéger. A qui donc confier ce rôle ?


En sachant très bien qu'il s'est déjà lourdement trompé dans le passé récent, Bruce décide cette fois de remettre la cape du Chevalier Noir à nul autre que son tout premier acolyte et protégé, Dick Grayson, ancien Robin devenu Nightwing et, désormais, nouveau Batman en titre ! La tête lourde d'un tel honneur, Dick accepte néanmoins par devoir et par reconnaissance envers son ancien mentor. Il sera Batman, et il fera de son mieux pour veiller sur la ville en l'absence de l'original.


Et il y a fort à faire, justement. Gotham est encore livrée à elle-même après les derniers agissements de Jean-Paul, et les forces de police, le commissaire Gordon en tête, ne font plus vraiment confiance aux justiciers masqués. Pire, des patients d'Arkham libérés par Bane au tout début de cette sombre période sont encore dans la nature et n'attendent peut-être qu'une occasion pour frapper et terroriser les citoyens. Premier sur la liste, et non des moindres : Killer Croc.


Après en avoir terminé avec lui, Dick va devoir affronter un autre illustre inconnu pour lui mais tout de même redoutable adversaire : le Ventriloque, avec son pantin Scarface qui prend toutes les décisions dans le duo ainsi formé. Dick n'a pas encore été confronté à quelqu'un souffrant d'une telle pathologie, mais cela ne l'empêchera pas de réussir à mettre hors d'état de nuire le Ventriloque avant qu'il ne démarre vraiment son règne de terreur sur la pègre de Gotham. Cependant, Scarface s'en sort aux mains d'un nouveau propriétaire, et nul ne sait quand il refera surface...


Le plus dur reste encore à faire : coincer Double-Face, accidentellement libéré à cause d'une erreur de traitement informatique dans son dossier, confondu avec celui de quelqu'un d'autre. Quand le bruit commence à se répandre, la panique en fait tout autant, surtout après que l'on retrouve les corps sans vie d'une douzaine d'avocats massacrés par Harvey et sa nouvelle bande. Pourtant, rien ne permet de remonter jusqu'à l'ancien procureur malheureux de Gotham, car il ne semble plus suivre son obsession de la dualité et commet des assassinats apparemment au hasard. Mais, comme toujours, un lien ténu existe malgré tout.


Dick devra donner le meilleur de lui-même et faire équipe avec Tim, le troisième Robin, pour réussir à y voir clair dans le plan tordu de Double-Face et empêcher le criminel dément de plonger toute la ville dans un chaos indescriptible en détruisant toute son administration. C'est aussi l'occasion de surmonter un vieux traumatisme, du temps de ses débuts sous le masque et la cape de Robin, quand Dick a provoqué sans le vouloir la mort d'une victime d'Harvey. Une erreur qui ne lui a jamais été reprochée par Bruce, mais dont il se sent coupable depuis toutes ces années malgré tout. Quant à Tim, il a aussi beaucoup perdu face à Harvey Dent par le passé, et doit affronter ses propres angoisses de son côté.


Autant dire que cette mission est des plus cathartiques pour les deux justiciers, qui parviennent non sans mal à débusquer Double-Face juste avant qu'il ne commette l'irréparable. Cependant, même après l'avoir arrêté et livré aux autorités compétentes, il reste à faire le ménage derrière lui. Le chaos informatique provoqué par Harvey a bénéficié à de nombreux criminels qui ont été relâchés ou au contraire entreposés bien trop nombreux dans la prison de Blackgate notamment, préfigurant une situation intenable à venir.


Dans les jours qui suivent, émeutes et agressions sont le quotidien des patrouilles de Batman et Robin, mais ils tiennent bon contre vents et marées malgré la fatigue et les doutes qui commencent à les assaillir de toutes parts. C'est ce moment que choisi Bruce pour rentrer au manoir Wayne et ordonner qu'on lui remette sa cape et son costume. Le Batman des origines est enfin de retour et veut le faire savoir à ses alliés de toujours, mais il devra d'abord accepter d'avoir une solide conversation avec Dick pour qu'à eux deux ils puissent enfin mettre de côté leurs rancœurs et s'expliquer une bonne fois pour toutes.


Bruce compte opérer quelques changements dans sa façon de faire et d'incarner le personnage du Batman. Pour commencer, le costume deviendra bien plus sombre, et ses méthodes plus précises que jamais, ainsi que la peur qu'il compte bien insuffler dans le cœur des criminels. Un Batman plus violent mais aussi plus déterminé que jamais vient de naître, ou plutôt de renaître. Et comme première affaire, le voici confronté à la Troïka, une mafia slave installée depuis peu à Gotham et qui a eu la riche idée de menacer directement Lucius Fox et les industries Wayne pour leur faire payer des services de protection. Ce serait sans doute resté lettre morte, s'il n'y avait eu deux victimes malchanceuses dans l'histoire, des gardes de la sécurité de WayneCorp qui ne faisaient que leur travail.


Avec l'aide de Tim, confirmé dans le rôle de Robin à ses côtés, Bruce reprend donc l'enquête et remonte rapidement jusqu'aux têtes pensantes de la Troïka, mais un rien trop tard cependant : l'un d'eux a en effet apporté et dissimulé dans Gotham un engin nucléaire miniature qui menace d'exploser à tout instant ! C'est donc non seulement un affrontement contre un nouveau syndicat du crime, mais aussi et surtout une course contre la montre avant que quelqu'un ne fasse un geste malheureux ou ne décide que la ville, alors en sursis, ne mérite pas davantage de temps.


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Au terme de cette lecture, plusieurs choses me sautent aux yeux et à l'esprit. Tout d'abord, cet album contient deux histoires majeures de cette période entre 1995 et 1996 : Le Fils Prodigue occupe les deux tiers du tome, le dernier étant réservé à ce récit sur la Troïka et le retour final de Bruce Wayne sous la cape de la Chauve-souris.


Je n'irai pas jusqu'à faire un comparatif de ces deux arcs, parce que fondamentalement il n'y a pas grand chose à y comparer, simplement je suis reconnaissant aux équipes de chez Urban d'avoir osé faire paraître les deux histoires en un seul et unique album, permettant ainsi de profiter en une seule fois de la vraie dernière conclusion de la saga Knightfall ainsi que du prélude de la nouvelle ère.


Comme je l'avais déjà fait remarquer pour les albums précédents, les années '90 ont apporté à Gotham City un vent de violence et de testostérone, de Bane jusqu'à KGBeast en passant par Killer Croc et bien sûr Jean-Paul Valley et sa galerie d'adversaires tout en muscles et en armes rutilantes. On reconnaît bien là l'influence des comics indépendants de chez Image comme Spawn par exemple, où tout est extrêmement exagéré : mouvements, dynamisme, costumes et capes, armes, musculatures et physiques divers, etc. Tout devait obéir à une nouvelle norme chez les héros d'action, et le Batman se devait de leur emboîter le pas pour survivre.


Mais fort heureusement, avec l'arrivée de Dick Grayson sous le masque c'est un petit retour aux sources qui s'opère et ce n'est vraiment pas plus mal ainsi. Les différents titres consacrés aux aventures et enquêtes de Batman chez DC à l'époque reprennent un peu du poil de la bête et surtout regagnent leurs lettres de noblesse, en se distinguant de la concurrence par une place de choix laissée à la réflexion et aux pensées personnelles des héros comme des vilains, un développement réel et sincère des personnages pour donner toujours plus de profondeur aux scénarios.


Les dessins ne sont pas en reste, et le court règne de Dick en tant que Batman nous offrira de grands moments graphiques surfant à merveille entre le classique et le moderne, à l'image de ce Double-Face recherchant constamment l'équilibre en toutes choses. Certaines pages sont pleines d'une sorte de poésie brute, pour ne pas dire brutale, qui sera accentuée voir exagérée lorsque viendra le retour de Bruce Wayne dans la peau du Chevalier Noir.


Finalement, Dick n'aura été qu'un remplaçant dans l'attente que Bruce ne se sente de nouveau prêt à enfiler le costume et la cape, mais au moins lui en avait conscience, contrairement à Jean-Paul. On découvre ainsi un Batman perclus de doutes et d'incertitudes mais qui, à l'inverse de son prédécesseur, ne se laisse pas dominer par ces sombres pensées et parvient toujours à en tirer la meilleure leçon pour l'avenir, pour se reconstruire et se remettre en question quand il le faut. L'aboutissement de tout ceci étant le long échange tenu entre Dick et Bruce dans la Batcave sur la fin de leur partenariat et sur ce que représentent vraiment les imageries de Batman et Robin pour eux.


Un petit mot pour finir sur le scénario du film The Dark Knight Rises de Christopher Nolan, sorti en 2012 et assez mal-aimé en tant que conclusion de sa trilogie grandiose sur Batman au cinéma. J'ai toujours cru que l'histoire de la bombe nucléaire menaçant Gotham de l'intérieur était une invention des auteurs du film, mais il s'avère que même ça venait chercher au plus profond de la production des années '90 chez DC et des conséquences directes de Knightfall. Comme quoi, on ne cesse jamais ni d'apprendre ni de découvrir de nouvelles choses ! Je tenais donc à saluer cet effort de recherche et de documentation de la part des Nolan, qui n'a sans doute pas été apprécié à sa juste valeur...


Sur ce, je vous laisse vous faire votre propre avis et je vous souhaite une bonne lecture, en espérant vous retrouver bientôt pour un nouvel article !

 

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